Scène de théâtre

Certes, l'approche de l'élection du président et du renouvellement de la moitié de l'assemblée le 12 novembre cristallise naturellement le phénomène. Néanmoins, ce que l'échéance aura charrié, dans les mois précédents, de tractations, de compromis, de trahisons, de collusions, de revirements entre les forces en présence apparaît tout à la fois spectaculaire, disproportionné mais aussi médiocre une fois rapporté à l'ampleur des chantiers et à la vocation du CESER.

Les émoluments qu'il octroie - de 15 000 pour les "simples" conseillers à 30 000 euros annuels pour les vice-présidents - certes enflent les appétits personnels. Mais ces derniers s'effacent devant l'enjeu véritable : s'il n'est pas un lieu de pouvoir, le CESER est en revanche un théâtre d'influence et même un terrain de combat qui détermine un curseur des rapports de force entre patronat (collège 1) et syndicats (collège 2) mais aussi entre et au sein même des organisations représentant les salariés. Le CESER Rhône-Alpes est un cas unique en France : le patronat est à ses commandes sans interruption depuis qu'il a vu le jour au début des années 70. Ni figures du collège 2 ni représentants du collège 3 ne sont jamais parvenus à le "déloger", et chacune des négociations préparant la désignation des conseillers soumise au Préfet puis la répartition des postes clés et la nouvelle architecture de la gouvernance a résulté d'âpres et de subtiles joutes. La "nomination" de Sybille Desclozeaux, seule candidate à la présidence et décidée il y a plusieurs mois, n'y échappe pas.
En premier lieu, il faut y déceler la "science" tactique des élus patronaux, qui exploitent avec malice les profondes fractures et rivalités entre organisations syndicales. Ces dernières préférant "pactiser" avec le Medef et la CGPME plutôt que s'allier pour faire élire l'un des leurs, il est aisé pour le patronat de favoriser telle ou telle organisation syndicale au gré des intérêts partagés, de l'examen "politique" des situations internes audites organisations, des motivations et compétences inégaux affichés par certains conseillers - tous collèges confondus - prioritairement en quête de notabilité ou de visibilité, mais aussi des dispositions "collaboratives" de ceux qui les représentent - est-ce parce que le "contestataire" Michel Weill a succédé au "docile" Jean Vanoye à la vice-présidence représentant la CFDT qu'il aurait fait l'objet d'un "oukhaze" après la tentative de se positionner dès l'été 2012 pour la présidence du CESER et alors aurait été "relégué" à une présidence de commission dans le cadre de la prochaine gouvernance ?

Unisson

C'est ainsi que les alliances et ruptures se sont succédé, essentiellement avec Force Ouvrière ou la CFDT, intégrant à ces "négociations" les influences nationales mais aussi très locales, dans les bassins d'emplois ou les Unions départementales, également exploitant les dissensions idéologiques qui traversent les syndicats, malmènent la fluidité des relations mandants-mandataires et isolent leurs représentants au sein du CESER - le "modéré" Bruno Bouvier à la CGT, les élus FO face à l'hégémonie trotskyste, etc. Avec la "montée en puissance" du collège 3, opportunément atomisé mais de mieux et mieux structuré et auquel Bruno Lacroix a offert, dès 2004, un strapontin de vice-présidence, le patronat s'assure un soutien substantiel pour juguler toute velléité conquérante des syndicats. Qu'Antoine Quadrini, son représentant, soit désigné 1er vice-président de la nouvelle mandature a-t-il facilité la victoire de Sybille Desclozeaux ? Ainsi verrouillé en amont et une fois installé, le CESER peut alors fonctionner à l'unisson. "D'avoir obtenu des postes à responsabilité place les acteurs dans une situation d'"obligation de fidélité" lors de la rédaction des rapports et des votes, mais aussi prépare les conditions de leur reconduction six ans plus tard. Fidélité, on le constate, qui n'est pas saine", observe Bruno Bouvier. Ce que l'un de ses condisciples du collège 3 corrobore avec sourire : "Lorsqu'on est apprenti et qu'on débarque dans une assemblée, quelle n'est pas la surprise de voir les mêmes contester avec virulence les conclusions et ensuite les voter !". Serait-ce le prix à payer à la "co-construction" qui singularise l'esprit et le dessein du CESER ? 

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