Politique sociale : mi-figue, mi-raisin

Démocratie participative, expérimentations du CCAS, aide au logement : la politique sociale grenobloise est dynamique, mais ne parvient pas encore aux résultats escomptés.

POUR ALLÉGER "LA DOUBLE PEINE"

Le centre communal d'action sociale (CCAS) mène à Grenoble des expériences originales.

Bras armé de la politique sociale et familiale de la ville, le CCAS de Grenoble déploie ses 1300 agents sur tous les fronts de l'inégalité sociale. Près du tiers des Grenoblois bénéficient de ses actions. Devant la pauvreté qui ne cesse de gagner du terrain (23 % des Grenoblois vivent en-dessous du seuil de pauvreté, contre 14 % pour la moyenne des français), le CCAS multiplie les dispositifs. "Nous cherchons à solvabiliser les ménages les plus précaires", précise le vice-président du CCAS, Olivier Noblecourt. Parce que 60 % des familles pauvres habitent dans le parc privé, le CCAS de Grenoble a mis en place l'Allocation municipale d'habitation (AMH) qui s'adresse aux familles dont le "reste à vivre" est inférieur à 400 euros par mois. Ce sont à 75 % des familles monoparentales qui sont dans l'impossibilité de payer un loyer, même avec l'APL. D'autant, explique Olivier Noblecourt, que "ces familles subissent la double peine avec des charges qui sont en moyenne de 30 % supérieures à celles payées dans le parc social, du fait d'une mauvaise qualité énergétique des logements". Les ménages
concernés n'ont pas à formuler la demande d'AMH. Ils sont identifiés par la CAF, et l'aide - de 50 à 100 euros par mois - leur est envoyée directement. Plus de 400 ménages bénéficient actuellement de ce dispositif qui, selon le directeur du CCAS, est unique en France.

Mi-avril, l'AMH a été complétée par la création d'une "plateforme précarité énergétique" qui détecte les ménages ayant des difficultés à payer leur facture énergétique et les oriente vers les multiples dispositifs d'aide existants mais souvent mal connus. Tous les acteurs de la filière se sont regroupés : CCAS, bailleurs sociaux, bailleurs privés et fournisseurs d'énergie. "Nous
intervenons par des visites d'appartements et des conseils sur les comportements et les
modes de consommation mais aussi sur le bâti avec un fonds dédié au financement des petits travaux d'isolation, et si nécessaire nous pouvons accompagner un déménagement dans un logement moins énergivore". Sans oublier les solutions pour payer les factures, par l'activation des tarifs sociaux du gaz et de l'électricité.

 

 

LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE EN DÉBAT

La ville qui s'est dotée d'une charte de la démocratie locale, se targue d'être avant-gardiste dans ce domaine. Mais la quasi-totalité des grands projets urbains se heurte à une opposition virulente des habitants qui reprochent aux élus leur manque d'écoute.

"A Grenoble il existe une très forte exigence de la population en terme de démocratie locale. De nombreux militants se mobilisent sur ce thème", constate Laure Masson, adjointe à la Démocratie locale, en charge d'animer les processus de concertation mis en place pour accompagner les projets urbains. Mais cette démocratie participative ne va pas de soi. La ZAC de l'Esplanade, celle du quartier Flaubert, la réhabilitation de la Villeneuve… depuis des mois, chaque présentation de ces grands projets, censés transformer la ville, est le lieu d'affrontement entre d'un côté les riverains, de l'autre les élus et les techniciens. "Toutes les oppositions ne sont pas de même nature, tempère Laure Masson. A la Villeneuve, depuis le début, un noyau de personnes n'arrive pas à adhérer à la requalification. Ils ne veulent rien toucher et rêvent de revenir à la situation des débuts du quartier". Sur le projet de
l'Esplanade, elle estime que le dialogue n'a pas été suffisant après que le projet a été repoussé dans le temps. "Dans tous les cas, il existe un problème de concordance des temps, entre le temps des habitants qui veulent des réponses immédiates à toutes leurs questions, celui des études et celui du politique", constate l'élue.

Forums ouverts

 Afin de progresser dans cette démarche et "d'objectiver" la réflexion, la ville vient de voter 50000 euros de budget pour mandater deux cabinets parisiens, Fors et Respublica, qui vont suivre et évaluer les dispositifs de concertation. Des "forums ouverts", une méthode expérimentée aux Etats-Unis, vont donner la parole aux habitants sur un ordre du jour qu'ils auront fixé eux-mêmes. "L'objectif est de faire sortir tout le monde de la caricature et du stéréotype, et de rentrer vraiment dans la complexité des projets", espère l'élue.

Cette évaluation sera-t-elle comprise des habitants ? Les collectifs reprochent aux élus une
"mascarade" de concertation, les accusant de ne pas livrer les informations nécessaires à l'élaboration de projets alternatifs. "La méthode est éprouvée. On décide d'abord puis on entame quelques réunions dites de concertation ou d'information pour que le citoyen ait l'illusion d'avoir participé à la décision, le tout accompagné d'une communication tapageuse", résume Vincent Comparat, responsable de l'Ades, Association pour la démocratie, l'écologie et la solidarité. "Michel Destot a toujours eu une peur bleue de la population", ajoute le militant.

Pourtant, discrètement, quelques expériences montrent que la démocratie participative peut
être autre chose qu'un slogan. A la Régie des eaux de Grenoble, c'est un Comité des usagers
réunissant une dizaine de personnes et la direction, qui fixe chaque année le prix de l'eau et qui décide des investissements à réaliser en fonction du niveau d'endettement souhaité. De même, le comité consultatif de secteur (CCS) 1 - une instance de participation des habitants prévue par la loi - gère un budget participatif qui oscille entre 150 000 et 200 000 euros par an. "Nous établissons des diagnostics en marchant pour repérer les travaux les plus urgents à réaliser. Nous discutons et nous fixons les priorités", explique Jacques Soudre qui a présidé ce CCS. Et d'ajouter que "nous y parvenons à petite échelle, mais que ce fonctionnement est beaucoup plus difficile sur les grands projets".

 

 LA PROBLÉMATIQUE IMMOBILIÈRE

Les efforts se multiplient pour rendre le logement abordable et corriger les erreurs du passé. Vaste programme.

La vacance structurelle à Grenoble serait passée de 2 100 logements en 2007 à 4 700 en 2010 selon les estimations. Et il est probable que cette situation ait empiré depuis le 1er janvier 2010. En cause? Les prix élevés. Plus que dans d'autres villes de même taille, se loger à Grenoble est devenu une véritable gageure, particulièrement pour les familles aux revenus modestes. Malgré de nouveaux programmes immobiliers incluant du logement social, les 8000 demandeurs qui peuvent prétendre à ce type de logements restent stables. Les loyers sont élevés (11,50 euros le m2). Quant à l'accession à la propriété, avec un prix moyen dans le neuf supérieur à 3 600 euros le m2 (plus de 4000 euros dans le nouveau quartier De Bonne),
Grenoble se situe au 4e rang des villes les plus chères dans le neuf. Toutes les études le constatent : le nombre de logements vacants atteint des sommets et les familles quittent la ville pour aller se loger en périphérie. "En construisant, notre objectif était de limiter l'étalement urbain. Or on observe que le péri-urbain continue à se développer", admet Monique Vuaillat, adjointe au Logement. La ville a pour objectif de construire un millier de logements par an, dont 30 % de logements sociaux. Mais il semble bien qu'elle doive aller plus loin, freiner la hausse des prix dans le parc privé afin de faciliter l'accession à la propriété pour les familles modestes. "Dans les ZAC où nous maîtrisons le foncier, nous avons signé avec certains promoteurs - Isère Habitat, Grenoble Habitat, Pluralis - des accords qui prévoient la construction de 10 % de logements à des prix variant de 2000 à 2300 euros le m2. En contrepartie, nous leur vendons le foncier à 200 euros le m2 au lieu de 400", explique l'élue
qui aurait souhaité parvenir à imposer 20 à 25 % de ces logements en accession sociale. En complément, Monique Vuaillat est parvenue, fin 2012, à la faveur d'une baisse générale du marché de l'immobilier, à arracher un accord avec la Fédération des promoteurs immobiliers de Grenoble afin qu'ils produisent 20 % de "logements à prix abordable", à savoir, en-dessous d'un prix plafond de 2800 euros le m2. En échange aussi d'une baisse du prix des terrains. "Cet accord s'appliquera dans toutes les ZAC, Presqu'île, Esplanade, Flaubert. Malheureusement, nous ne sommes pas parvenus à le rendre obligatoire dans l'habitat diffus", regrette l'élue.

 

Par Hélène Goyet. 

 

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