La filière transport et logistique face à ses mutations

Tous les voyants sont aux verts. Après quelques années de crise, le secteur du transport et de la logistique a repris des couleurs. De quoi être armé pour affronter les nouveaux - et nombreux - enjeux auxquels il doit faire face : digitalisation, industrie 4.0, formation, mais aussi challenge législatif. Décryptage.
(Crédits : Francis Mainard/Solutrans)

Le signal est fort. Pour la première fois de son histoire, Solutrans, l'un des plus grands salons du transport et de la logistique (en alternance avec l'allemand Innotrans) a été inauguré par Elisabeth Borne, ministre chargée des Tansports.

"C'est dire tout l'intérêt des pouvoirs publics pour la filière des véhicules industriels et urbain", se satisfait Patrick Cholton, président de la Féderation Française de Carrosserie (FFC) et de Solutrans.

Un intérêt confirmé par les acteurs de la filière eux-mêmes. Le salon a fermé ses portes avec une fréquentation - autre record - de 48 240 visiteurs, en hausse de 34% vs 2015. Et les succès ne s'arrêtent pas là : + 45 % de nouveaux exposants, 24 % d'exposants internationaux venus de 18 pays, 11% de visiteurs étrangers
Dans les allées, l'optimisme et la bonne ambiance étaient de mise.

"Cela n'a pas toujours été le cas. On sent que cela va mieux chez les acteurs de la filière", confient plusieurs habitués.

Un climat propice aux affaires : près de 200 millions de chiffres d'affaires, sous forme de commandes, se seraient conclues, selon les organisateurs, pendant les 5 jours du salon.

"Ce fut une bonne édition, en lien avec une bonne activité générale du secteur. Un très bon signe", poursuit Patrick Cholton.

Au regard des prévisions d'immatriculations des véhicules neufs, autour de 3 % pour 2018, le potentiel de progression du marché reste encore favorable et son impact pour l'économie régionale non-négligeable. Avec ses 380 entreprises de fabrication de matériels de transport, ses 7 513 entreprises de transport et de logistique et ses 85 072 collaborateurs, la région Auvergne-Rhône-Alpes est devenue la seconde région la plus importante pour le transport routier de marchandise et la logistique derrière l'Ile-de-France.

Impact de la digitalisation

Mais ces bons résultats ne doivent pas occulter les problématiques à venir. En premier lieu, la nécessaire digitalisation de la filière, qui n'échappe pas au mouvement général de l'industrie 4.0.

"La digitalisation arrive dans nos entreprises. Elle commence doucement à se mettre en place. Il nous faut les soutenir, les accompagner car elles risquent de décrocher d'ici deux ans", avance Eric Poyeton, directeur général de la filière automobile et mobilités (PFA).

Une mise en route plus compliquée pour un secteur industriel où 83 % de la valeur-ajoutée est réalisée par de la main-d'œuvre (contre 63 % dans d'autres filières).

Attractivité envers les jeunes

Autres enjeux de la filière : intéresser les jeunes pour les attirer dans ses nombreuses formations. On estime, rien que pour le transport routier de marchandise, à plusieurs milliers le nombre de postes à pourvoir et qui ne trouvent pas preneur. Et certains CFA sont en sous-effectifs.

"Nous nous attachons à mettre en lumière nos mutations, les nouvelles technologies qui irriguent notre secteur. Il nous faut changer notre image d'Épinal, celle du réparateur, seul, au fond d'un petit garage. Et nous sommes une filière qui recrute", rappelle Dominique Petro, responsable Pôle Formation à la FFC.

Pourtant, les nouvelles technologies et les innovations sont bien présentes dans le secteur : logiciel de réalité virtuelle pour apprendre à peindre au CFA de la FFC à Villeneuve la Garenne, introduction de la réalité augmentée dans la chaîne de contrôle qualité des moteurs chez le constructeur Renault Trucks dès le début 2018, nouvelles plateformes digitales chez les équipementiers.

Dans la région, de nombreuses startups viennent jouer dans la cour des grands : environnement, sécurité, services, autant d'idées - et de place à prendre pour les plus jeunes - pour dynamiter cette filière dite traditionnelle. A l'image d'Addbike, d'Hikob ou du clermontois MyBus et son système d'achats de titres de transport virtuel, adaptable à tous les systèmes qui sera présent au CES 2018.

Lire aussi : Mobilité : l'alliance des clusters LUTB-RAAC devient CARA

Priorité au mix énergétique

Dans ce contexte porteur, l'industrie européenne du véhicule industriel devrait produire près de 50 000 unités en 2020, soit une augmentation sensible des émissions de CO2.

Conséquences : le législateur pourrait précipiter l'adoption d'une loi en faveur d'une mutation accélérée du mix-énergétique pour le secteur du transport. D'autant que le 8 novembre dernier, la Commission européenne a adopté des propositions complémentaires sur la mobilité propre. Elle instaure de nouvelles normes en matière d'émission de CO2, soit une réduction des émissions pour les véhicules légers et les camionnettes à 147 g/CO2 en 2020.

"Nous estimons que c'est un objectif réaliste et compatible avec les enjeux économiques du secteur au bénéfice et à l'avantage des citoyens européens", souligne Maria-Cristina Marolda, chargée de la recherche et des systèmes de transport innovant à la direction générale de la mobilité et des transports à la Commission européenne.

L'ensemble de la filière semble sensible à cette problématique, consciente de la pression des consommateurs, soucieux de leur impact écologique et sur la santé.

"En 2035, les véhicules électrifiés représenteront 30 % des ventes. Ce sera le principal contributeur à la baisse des émissions de CO2. Nous n'avons pas encore de retour sur le poids lourd, mais au vu des évolutions rapides, ils pourraient représenter une part significative. Un switch des flottes vers l'électrique, le biogaz pourrait changer les choses", avance Erwan Gaudemerexpert automobile et mobilité au BIPE, un cabinet conseil en stratégie.

D'ores et déjà, elle s'est positionnée sur le biogaz, en remettant un livre blanc sur le gaz naturel pour la filière des véhicules industriels à la ministre de passage à Solutrans. En attendant les avancées sur le véhicule autonome.

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