« On ne peut pas être plus clair »

Le directeur général de Cegid Group, Patrick Bertrand, répond aux interrogations que suscitent le choix, le sens, la pertinence, les conditions, et le déploiement du partenariat avec Groupama.

Quel est le sens, pour Cegid, du partenariat ?

 

Le métier d'éditeur de logiciels a profondément changé. Les clients ne se satisfont plus d'un outil aussi sophistiqué soit-il de calcul et de traitement de données - fiscales, comptables, RH… -, et réclament désormais les moyens de gérer toute ne chaine métier. Un exemple ? Dans le domaine des RH, les solutions doivent les aider non seulement à éditer les fiches de paie, mais aussi à calculer les indemnités de fin de carrière, à régler les problématiques de retraite complémentaire, à gérer l'épargne collective, les tickets restaurants, les relations avec les organismes sociaux… Bref, autant d'outils de simulation de dématérialisation qui incluent par exemple le pré-paramétrage des conventions collectives ou la réactualisation des données légales. Résultat, au binôme éditeur/fournisseur de technologie qui suffisait il y a encore peu s'est agrégé un troisième partenaire, « fournisseur de contenu », capable d'apporter la matière à la résolution des problématiques « métier » de nos clients. La synergie de ces trois compétences permet de fournir un service global. C'est pour répondre à cette attente que Cegid et Groupama ont décidé de s'unir. L'objectif va d'ailleurs au-delà des seuls domaines de la protection sociale, des retraites, ou de l'épargne complémentaire et collective ; dans un deuxième temps, nous visons ce qui relève de l'assurance des biens et des personnes. En effet, notre capacité à balayer le bilan et le compte de résultat de l'entreprise permettra d'établir une photographie des performances et insuffisances adjacentes dans le domaine de la police d'assurances. Et ce qui va devenir un véritable outil « d'aide à la décision » couvrira d'autres champs, par exemple le domaine de la production de la liasse fiscale.


En termes d'investissement comme de répartition des charges entre Cegid et Groupama, de quel impact sera le développement de la R&D inhérent au partenariat ?

 

Marginal. C'est la raison pour laquelle il n'est pas véritablement chiffré. Nous allons simplement orienter nos propres équipes de R&D dans le sens des objectifs industriels poursuivis par notre partenariat, et nous ne recruterons donc pas de nouvelles compétences dévolues. La philosophie de l'accord responsabilise chacun dan le périmètre de son apport. La répartition des charges épouse donc la même logique. Groupama apporte sa compétence de contenu, notamment les algorithmes qu'il faut intégrer dans les logiciels pour optimiser les retraites, les cotisations, calculer les indemnités de fin de carrière, etc…, et Cegid apporte sa compétence en matière de transformation de fonctionnalité en lignes de codes produits, nécessaires à la construction des logiciels. Il n'y a pas de société commune composée d'un personnel commun. En revanche, une entreprise de type SAS, détenue à 50/50 par les deux partenaires, verra prochainement le jour, et hébergera la propriété intellectuelle des produits développés en commun.



Est-il exact que dans la réalisation financière de ce partenariat Jean-Michel Aulas avait pour motivation première de régler sa situation patrimoniale personnelle ?

 

Ce qui est certain, c'est que la réflexion des principaux actionnaires, notamment Apax et Eurazeo, portait sur la manière de faire évoluer Cegid, aux plans autant actionnarial qu'industriel. Cette réflexion a conduit au mandatement de la banque Lazard, puis à l'apparition de plusieurs options. Celle de Groupama répondait d'abord à un vrai projet industriel. Notre besoin d'investir en croissance externe et de nous développer trouve aussi dans l'actionnariat institutionnel et puissant de Groupama un levier dynamique. Les attentes des représentants du personnel, opposés à l'introduction d'un fond trop orienté « rentabilité immédiate », attachés au maintien du fondateur, de la stratégie et du management, soucieux de « l'identité » sociale du partenaire, sont aussi des éléments de motivation dans ce type d'évolution dans laquelle il faut rappeler que ICMI, Apax et Eurazeo ont cédé une partie de leurs titres Cegid Group dont ils restent actionnaires. Quant à l'implication de Jean-Michel Aulas, elle est particulièrement réaffirmée par son engagement à demeurer pendant au moins quatre ans à la tête de la société. Auparavant, le principal actionnaire était une personne physique dont on ne cessait de dire, à tort, qu'elle se détournait de l'entreprise au profit de l'Olympique Lyonnais : dorénavant, ce premier actionnaire est une personne morale aux moyens puissants, et l'implication directe de Jean-Michel Aulas, dans le contexte défini, ne peut guère faire de doute puisqu'elle est clairement affichée.



La vente s'est faite sur la base d'un prix de 55 euros l'action, très au-dessus du cours en vigueur lors des tractations. Une opération qui au plan financier est particulièrement intéressante pour Cegid…

 

Le partenariat est très positif pour Cegid, car il consolide son actionnariat, étoffe sa capacité de développement, conforte l'implication de Jean-Michel Aulas. Les questions d'ordre capitalistique ou de valorisation relèvent des actionnaires.



L'accord définitif inclut une clause d'ajustement substantielle, applicable si du 1er au 15 juillet 2009 le titre Cegid Group est inférieur à 41 euros (280 000 nouvelles actions seront délivrées gratuitement à Groupama si le cours est en-dessous de 31 euros). Au-delà d'une mise en cohérence avec l'écroulement brutal du titre, est-ce le signe que les conditions initiales étaient surévaluées ?

 

Les négociations entre actionnaires ont tenu compte de l'évolution et du retournement du marché boursier qui a frappé lourdement toutes les Midcaps, et qui n'a pas épargné le titre Cegid. Les conclusions finales ne semblent préserver les intérêts de toutes les parties impliquées, et elles insufflent une dynamique qui autorise Cegid à se développer et donc à espérer retrouver la valorisation boursière qu'il mérite.


L'accord a été réservé à trois actionnaires de Cegid Group : le holding personnel de Jean-Michel Aulas, ICMI, les fonds Apax Partners et Eurazeo. Pourquoi - et sur quelles bases - cette exclusivité a-t-elle été décidée ? Comprenez-vous la grogne des autres actionnaires, qui voient ces trois partenaires être seuls autorisés à céder leurs actions à 55 euros quand le titre culminait à 42 euros et aujourd'hui plafonne à 21 euros ?

 

Les actionnaires cédants avaient toute liberté pour conclure un tel accord, dans le respect de la réglementation boursière. Il faut noter en outre qu'Apax, Eurazeo et ICMI ont accédé aux contreparties réclamées par Groupama, notamment celle de leurs titres à des concurrents et pour Jean-Michel Aulas, celle de demeurer président pendant au moins quatre ans. Le marché et l'AMF ont été régulièrement informés de l'évolution du dossier.



Pourquoi alors ces conditions n'ont-elles pas été proposées à d'autres actionnaires ? Sans doute auraient-ils eux aussi accepté les contreparties réclamées…

 

Fondamentalement, cette opération répondait à la volonté de Groupama de ne pas prendre le contrôle de Cegid, et donc de demeurer en deçà des 33 % de détention du capital au-delà desquels le lancement d'une OPA est obligatoire. Il n'est pas illogique qu'il y ait une forme de déception de la part des actionnaires. Mais elle me paraît davantage liée à l'évolution générale de tout le marché boursier depuis, qu'à l'opération avec Groupama.



Mais lorsqu'au cours de l'été les rumeurs ont pronostiqué un accord avec un industriel et donc la perspective ultérieure d'une OPA, les actionnaires avaient tout intérêt à ne pas vendre. D'où leur déception finale…

 

S'ils ne vendent pas lorsque le titre est à 45 €, c'est qu'ils jugent probablement que le prix de 55 € correspond à une juste valorisation… Ce problème d'appréciation du « bon » moment pour vendre ou acheter, tout actionnaire le connaît un jour. On pense que la situation va s'améliorer ou se dégrader, on décide d'attendre ou on se précipite… c'est le propre de la Bourse. Lorsque Capital.fr a révélé l'existence du mandat accordé à Lazard, nous avons immédiatement communiqué, et notamment indiqué que « la réflexion conduite sur l'évolution du capital entre les trois actionnaires pourra amener à une cession totale ou partielle de leur participation », que « les valorisations évoquées par la presse sont à ce stade sans fondements » et que « Monsieur Aulas privilégiera toute solution de nature à assurer la pérennité de la stratégie industrielle de Cegid ». On ne peut pas être plus clair et cela n'implique pas obligatoirement une OPA.


Les analystes financiers critiques sur la pertinence de l'accord considèrent qu'un partenaire à même d'accélérer le développement international de Cegid aurait été plus judicieux…

 

Chaque type de partenariat a ses avantages et ses inconvénients. Celui qui nous lie à Groupama génère une puissance et une force de frappe qui pourront aussi nous servir dans le cadre de notre développement à l'international. Celui-ci a bien démarré, 2007 marque un vrai tournant, nous créons une filiale en Chine, et dans le domaine de retail nous sommes un acteur désormais mondial. Et rappelons tout de même que Groupama réalise de l'ordre de 3 milliards d'euros d'activité hors France.


La structuration capitalistique de Cegid peut-elle encore évoluer prochainement ?

 

Ce n'est pas parce que Groupama détient 17 % du capital et qu'à ce stade il n'exprime pas le souhait de prendre le contrôle du groupe, que l'histoire de l'évolution capitalistique de Cegid est terminée. On peut très bien imaginer que des acteurs - qui auront préalablement fit fi des prédictions fort pessimistes de certains quant à l'avenir des éditeurs français de logiciels - s'intéressent à une société dynamique, réputée, incontournable sur le marché hexagonal, aujourd'hui leader dans des niches de « métier » - et peut être demain « géographique » -.


Quel pourrait-être le profil de ces nouveaux partenaires ?

 

Ils doivent être en mesure d'apporter du contenu intellectuel, par exemple dans le domaine de la réglementation ou des spécificités « métiers ». Ils peuvent être aussi positionnés sur les logiciels génériques et intéressés alors à développer une offre commune en France et à l'international à destination de certains secteurs d'activité (retail, mode, industrie, hôtel-restauration, …) où Cegid est fortement implanté. Ils sont également susceptibles de porter une logique « d'acteur industriel international » et de souhaiter s'associer pour progresser en Europe, en Chine ou en Amérique du nord… L'avenir est à la fédération des compétences aux plans tant industriel que capitalistique.


L'insuffisante lisibilité du business plan produit par le partenariat avec Groupama est déplorée parmi les gérants de fonds et les analystes financiers. Quels objectifs chiffrés - et à quelles échéances - êtes-vous en mesure d'annoncer ?

 

Lorsque l'accord a été prononcé, nous avons souhaité évoquer les grandes lignes stratégiques de ce partenariat plutôt que de se livrer au petit jeu des annonces chiffrées, parfois non suivies d'effet. En février, lors de la présentation de nos résultats 2007, nous avons précisé le programme, dégagé une douzaine d'axes de travail avec Groupama, et évalué le chiffre d'affaires additionnel attendu à 50 millions d'euros sur cinq années pleines dès lors que toutes les actions auraient été lancées. L'exercice est toutefois difficile. Nous allons progresser chantier par chantier, et escomptons atteindre nos objectifs dans une période comprise entre cinq et dix ans, selon la nature des chantiers et surtout leur date de lancement. 

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