Défense : comment le Cluster Eden veut contribuer à imaginer l'armement de demain

Le Cluster Eden (European Defense Economic Network), créé en 2008 par six entrepreneurs rhônalpins, s’apprête à prendre une autre mesure cette année. Devenu un pôle national regroupant les acteurs de la défense et de la sécurité, son nouveau président, Ludovic Ouvry, revient sur les défis auxquels devront faire face les PME en 2021, au sein d’une industrie de l’armement en pleine mutation, mais qui se veut de plus en plus innovante.
Habituellement, le Cluster Eden participe, avec ses adhérents, à présenter de nouveaux équipements et innovations dédiés aux secteurs de la Défense et de la Sureté sur plusieurs salons chaque année, en France et en Europe.
Habituellement, le Cluster Eden participe, avec ses adhérents, à présenter de nouveaux équipements et innovations dédiés aux secteurs de la Défense et de la Sureté sur plusieurs salons chaque année, en France et en Europe. (Crédits : DR)

Peu connue, la filière de la défense est toutefois bien représentée en Auvergne Rhône-Alpes, et compte bien participer à l'économie comme à l'effort de défense national. Avec un vivier d'adhérents qui représente désormais une centaine de sociétés, 7.500 temps pleins et 1 milliard de chiffre d'affaires généré, le Cluster Eden (European Defense Economic Network) réunit des PME et TPE industrielles, sous-traitantes des grands donneurs d'ordres à l'échelle nationale. Et ce à travers trois pôles clés, que sont la région Auvergne Rhône-Alpes, la Région Sud et la Bretagne, depuis sa création en 2008.

Fin décembre, ce cluster a élu un nouveau président Ludovic Ouvry, dirigeant de la PME rhôdanienne, spécialisée dans les systèmes de protection individuelle Ouvry SA, qui vient remplacer le président sortant Jean-Luc Logel (Centralp), aux commandes depuis douze ans.

« Notre Cluster est né de l'initiative de la CCI de Lyon, et d'une étude sectorielle qui avait été mandatée par la Délégation générale de l'armement (DGA) visant à mieux connaître sa base industrielle de défense. L'objectif étant, à l'origine, de mieux rendre visible et rassembler la filière hexagonale », rappelle Ludovic Ouvry.

En effet, la région AuRA est notamment le berceau des usines de décolletage en Auvergne et en Haute-Savoie, mais aussi d'une série de fabricants électroniques destinés aux industries navales, ferroviaires et aéronautiques en Isère, dans le Rhône et le Puy-de-Dôme.

« Historiquement, cette industrie repose sur une forte présence dans la région Sud et Ouest, mais en Auvergne Rhône-Alpes, où l'on dénombre beaucoup de sous-traitants de 2e rang, qui apportent des briques technologiques indispensables au Charles de Gaulle, Rafale ou aux sous-marins d'attaques ».

La Défense ne connait pas la crise

Alors que les effets de la crise sanitaire ont fait chuter les indicateurs économiques, la Défense nationale ne connait quant à elle pas la crise.

Il faut dire qu'il s'agit d'un secteur clé pour l'industrie hexagonale, puisqu'il représente le 4e budget de l'État derrière l'enseignement, soit 37,41 milliards d'euros, tandis que la France demeure le 4e exportateur d'armement. Et cette année, conformément à la Loi de programmation militaire (LPM) 2019-25, le budget du ministère des Armées sera porté à 39,2 milliards d'euros, grâce à une troisième hausse consécutive de 1,7 milliard (+4,5% par rapport à 2020).

Mais ces lois de programmation militaires, dont dépendent ces sous-traitants, fixent des calendriers de productions à cinq ans, avec des volumes qui peuvent s'avérer cycliques. Certaines d'entre elles avaient donc fait le pari de se diversifier vers les secteurs de l'aéronautique ou de l'automobile, mais ces deux secteurs ont été balayés par la crise sanitaire :

« L'un des objectifs de la DGA était justement de pousser ses acteurs stratégiques vers une forme de diversification dans le domaine militaire mais également civil, en accompagnant des projets de financement de l'innovation qui puissent demain de venir des relais de croissance », affirme Ludovic Ouvry.

Il ajoute : « On l'a vu récemment avec l'actualité Covid : plus les sociétés de défense auront des cordes à leur arc, et mieux elles pourront assurer leur pérennité ».

La souveraineté comme force pour innover

Porté sur le devant de la scène par la pandémie, l'enjeu de la souveraineté industrielle française se vivait pourtant déjà au quotidien pour les acteurs de cette filière. « Nous avions déjà un certain nombre de contraintes réglementaires qui nous ont forcé à établir une supply chain en France, ce qui nous a d'ailleurs permis d'être très réactifs dans cette crise et d'assurer des retournements de production », observe le président du Cluster Eden.

Ces initiatives ont donné lieu à plusieurs reconversions d'ampleur : sa PME Ouvry, fait notamment partie de ceux qui ont ainsi réorienté en urgence leur production vers la fourniture de gels, masques et composants destinés aux hôpitaux. Pour autant, dans la plupart des cas, ce dernier estime que les sociétés ne pourront pas bousculer complètement leur coeur de métier pour se tourner vers un nouveau marché aussi éloigné de leur domaine de prédilection, comme celui de la santé.

Et pour accompagner la reprise, le Cluster Eden veut aider les PME à saisir des débouchés qui se présentent à l'export, mais aussi en matière d'innovation. Avec des co-développements qui pourraient être impulsés aux côtés de grands donneurs d'ordres (comme Dassault Aviation, Thales, Airbus Group, Safran ou encore Naval), mais aussi auprès de l'agence de l'innovation de défense (AID), « qui se charge de prendre des idées du monde civil et de bâtir des scénarios du futur ».

Quel visage pour les armements de demain ?

Car Covid-19 ou non, les acteurs planchent déjà sur la définition des armements de demain, qui ne ressembleront pas nécessairement à ceux que l'on connait jusqu'ici.

« On se dirige, au cours des 15 prochaines années, vers des conflits dits de haute intensité qui auront un impact sur les organisations et les équipements, mais également des conflits qui mettront en œuvre la menace cyber et la désinformation, qui vont devenir très complexes à gérer car il faudra prendre en compte leur caractère multidimentionnel », illustre Ludovic Ouvry.

Les PME de la Défense planchent donc à la fois sur le développement d'armements non conventionnels, comprenant de nouveaux types de technologies et briques, mais aussi sur de nouvelles manières de conduire ces conflits.

« On parlera d'ailleurs demain moins de guerres, mais de crises », reconnait le président du Cluster Eden, qui rappelle que la dimension cyber-sécurité, tout comme celle du spatial et des outils de télécommunications, deviendra essentielle. « Désormais, on voit certains satellites russes qui ont la fâcheuse tendance de s'arrêter près des satellites français en vue de capter leurs communications : la guerre passe donc aujourd'hui sur d'autres terrains », glisse Ludovic Ouvry.

Les scénarios pandémiques et bactériologiques font eux aussi partie des risques auxquels le livre blanc de la défense nationale se préparait, et ce, dès les années 2016. « Cela revient à se doter de certains stocks comme des antidotes et équipements de protection, mais aussi de protocoles opérationnels et de formations renforcées ».

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