Comment Kalray veut conquérir le monde

L'entreprise grenobloise, qui a mis au point un processeur embarqué innovant, lève 43,5 millions d'euros pour son introduction en bourse. Moins de cinq ans après avoir frôlée la liquidation, Kalray vise désormais une place de leader mondial.
(Crédits : Kalray)

Kalray signe un record pour son introduction en bourse. L'entreprise grenobloise, dont la première cotation en bourse a lieu ce jour avec un prix de l'action fixé à 22 euros, réalise une augmentation de capital de 43,5 millions d'euros, soit la plus importante IPO depuis la création d'Euronext Growth en 2005.

"Une fierté" pour Eric Baissus, le président du directoire, mais aussi une nécessité : cette somme doit permettre à Kalray (61 collaborateurs) de financer le déploiement industriel et commercial mondial de son innovation, un processeur embarqué spécialement conçu pour intégrer les nouveaux systèmes intelligents (aéronautique, voitures autonomes, data-centers...).

Un supercalculateur protégé par 23 familles de brevets, 2 000 fois plus puissant qu'un ordinateur de bureau, capable de traiter des données en temps réel et de réaliser 80 fonctions critiques simultanément. Principal atout de cette puce : une puissance de calcul annoncée par Kalray "trois fois supérieure" aux produits de la concurrence.

"Une belle technologie qui a demandé dix ans de travail et 60 millions d'euros d'investissements en R&D que nous voulons maintenant transformer en leader mondial. Notre solution répond à un vrai besoin. Une étude du cabinet Deloitte a montré que neuf fois plus de données ont été générées au cours des deux dernières années que depuis le début de l'humanité. Des données qu'il faut stocker, analyser, utiliser...", détaille Eric Baissus.

Une fois l'introduction en bourse effective, le déploiement est attendu dès les prochains mois. Alors que la société réalise actuellement un chiffre d'affaires négligeable (875 000 euros en 2017), le dirigeant vise le cap des 100 millions d'euros d'activité par an dès 2022.

Stratégie floue

Kalray, une future pépite française ? L'histoire n'était pas écrite d'avance.

Fondée en 2008 par essaimage d'une technologie développée par le CEA, la société a connu une histoire mouvementée, au point d'être placée en redressement judiciaire à l'été 2013. Exsangue financièrement, faute de parvenir à lever des fonds, elle a frôlé la liquidation.

Alors que la stratégie business était encore floue, ses actionnaires décident de confier un audit à Eric Baissus, un polytechnicien passé par Texas Instruments et Alcatel-Lucent, qui sera nommé président du directoire dans la foulée.

"J'ai été enthousiasmé par la technologie et les équipes techniques. Dans mon audit, j'ai expliqué qu'il fallait transformer une vision du CEA en un vrai produit qui apporte des solutions à nos clients. Les nouveaux marchés de la voiture "intelligente" et les data-centers de nouvelle génération qui ont des besoins en nouveaux processeurs, sont apparus comme des marchés prioritaires. Les actionnaires m'ont alors demandé de mettre ce plan en oeuvre", rapporte Eric Baissus.

Kalray, l'ancien "canard boiteux", a désormais trouvé sa route en visant deux secteurs à forte croissance dont les projections mondiales dépassent pour chacun 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires par an à l'horizon 2025.

Pour le nouveau dirigeant, la première urgence une fois en poste est simple : trouver du cash pour financer l'ambitieux projet.

"Jusqu'à maintenant, j'ai passé la moitié de mon temps à lever de l'argent. Grâce à l'introduction en bourse, nous avons désormais deux ans devant nous", rapporte le dirigeant.

Des actionnaires de renom

Le positionnement sur les voitures "intelligentes" et les data-centers nouvelle génération décidé par Eric Baissus s'est vite avéré payant, comme en témoigne l'arrivée récente de poids lourds dans le capital de Kalray : l'équipementier Safran, Alliance Venture (le nouveau fonds capital risque de l'Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi) ou encore le fonds d'investissement asiatique Pengpai qui sont entrés lors d'une augmentation de capital de 33 millions d'euros initiée l'an dernier.

Lire aussi : Microprocesseurs : Kalray lève 23,6 millions d'euros

 "Il était indispensable d'avoir à nos côtés des industriels de renom qui placent nos produits dans leurs prototypes et veulent travailler avec nous sur le long terme. Ils sont enthousiastes, ils croient à notre technologie et nous apportent encore plus de crédibilité", commente Eric Baissus.

Il estime avoir d'ores et déjà engrangé des "avancées commerciales significatives" : trois fabricants de serveurs sont aujourd'hui en phase d'intégration de la solution Kalray avec une mise sur le marché prévue dès le début de l'année prochaine.

Et, sur le marché du véhicule intelligent, le processeur grenoblois est en phase d'évaluation chez sept clients potentiels, "dont cinq constructeurs parmi le top 10 mondial".

Désormais, l'enjeu est de générer du chiffre d'affaires avec l'équilibre financier en ligne de mire dès 2020. Pour cela, Kalray, qui externalise l'ensemble de sa production, va s'appuyer sur ses deux bureaux commerciaux existants à Los Altos (Etats-Unis) et Tokyo (Japon).

En attendant l'ouverture vers de nouveaux marchés et la création de futures implantations.

"Nous nous posons également la question d'une présence en Chine", révèle Eric Baissus.

Et, si elle ne se traduit pas encore en chiffre d'affaires, le changement de dimension en cours chez Kalray est bien palpable selon le dirigeant : "On sent actuellement que les planètes s'alignent".

L'objectif de l'introduction en bourse est d'accélérer encore ce mouvement.

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