Pourquoi le Ninkasi publie ses scores RSE sur la plateforme Gen-ethic

DECRYPTAGE. Le groupe Ninkasi s’est soumis à la grille d’évaluation de Gen’éthic, une plateforme pour évaluer le degré de performance éthique des entreprises. Avec un score 77 %, le brasseur-restaurateur lyonnais réalise une performance honorable, tout en gardant une marge d’amélioration dont il entend bien se saisir. Il esquisse aussi les conséquences du renconfinement, ainsi que ses projets d'ouvertures en 2021, pour l'heure maintenus.
Dans le secteur de la restauration, le Ninkasi est la première entreprise à avoir rendu public son score obtenu sur Gen'éthic.
Dans le secteur de la restauration, le Ninkasi est la première entreprise à avoir rendu public son score obtenu sur Gen'éthic. (Crédits : DR)

En octobre, le Ninkasi, brasseur-restaurateur lyonnais, a rendu public son score en matière d'éthique : 77 %. Il a été établi par l'entreprise Gen'éthic, née à Lyon il y a deux ans. Celle-ci propose aux entreprises d'évaluer leur degré de performance en Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) grâce à son propre référentiel. Quatre grands thèmes sont passés en revue : social, écologie, économie et gouvernance. Ils sont divisés 21 sous-domaines, soit 150 indicateurs au total.

"Nous ne sommes pas là pour dire ce qui est bien ou pas, mais pour objectiver l'engagement et donner une marge de progression", avance Léo Astorino, fondateur de Gen'éthic. Environ 150 entreprises françaises ont déjà évalué leurs scores au moyen de ce référentiel. Et parmi elles, le Ninkasi se positionne dans le top 10 des plus éthiques.

Une bonne nouvelle pour ce brasseur, qui recoupe 19 établissements en tout (9 en propre et 10 en franchises) et près de 25.000 hectolitres de bières brassées à Tarare en 2019.

"Depuis la création du Ninkasi en 1997, on intègre la dimension RSE à travers différentes actions au sein de l'entreprise. L'intérêt de la démarche de Gen'éthic était tout d'abord sa transparence, puisqu'en se faisant cartographier par des gens extérieurs, on allait au-delà d'une démarche de label par exemple. Cela permet aussi de rentrer dans un processus d'amélioration", commente Christophe Fargier, fondateur de l'établissement.

La transparence, le "meilleur remède au greenwhashing"

Le fondateur de Gen'éthic, Léo Astorino rappelle que le Ninkasi avait lui aussi déjà entrepris "un certain nombre d'actions structurantes, sur le plan de son alimentation en énergie solaire, l'utilisation de packagings éco-conçus, de la gestion des déchets ou encore des conditions de travail".

Même chose sur le terrain du lien social, "avec la tenue d'expositions, de concerts, de partenariats locaux, qui font que le Ninkasi était plutôt impliqué dans l'écosystème", développe-t-il.

La publication du score n'est pas une obligation, seules une vingtaine d'entreprises sur les 150 évaluées par Gen'éthic, ont souhaité le faire. "Dans le secteur de la restauration, le Ninkasi est la première entreprise à avoir rendu public son score", constate le fondateur de la plateforme.

Pour autant, pas question de favoriser des pratiques de greenwashing... Car pour finaliser leur dossier, les gérants du Ninkasi ont dû être audités par des tiers extérieurs et amener des éléments de preuves écrites, sans pour autant que cela n'aille jusqu'à un audit sur site. Une démarche proche de la certification, qui place "la transparence comme le meilleur remède au greenwhashing", affiche Léo Astorino.

Christophe Fargier estime lui-même que "demain, les consommateurs achèteront une bière du Ninkasi parce qu'ils approuvent nos actions et que ça permet de développer des filières, d'aider la musique, etc. Ça aura encore davantage de sens. Mais pour cela, il faut qu'ils aient accès à cette information".

Mais ce n'est pas l'unique objectif puisque, suite à la publication de ce score, Christophe Fargier se fixe même de nouveaux objectifs d'ici son prochain audit, prévu juillet 2021 : "Notre challenge sera de franchir la barre des 80 % pour revendiquer une notation à l'image des entreprises de l'économie sociale et solidaire."

Trois grands points faibles identifiés

Pour atteindre ce score, certains points mériteront naturellement d'être améliorés. Avec par exemple, le numérique responsable (avec un score de 36%), la mixité/diversité (38%) ou encore le contrôle de l'écosystème (42%).

En effet, au moment de l'audit, 0 % des travailleurs avaient plus de 55 ans et entre 0 et 3 % de travailleurs étaient en situation de handicap. "Nous étions en train de mener des actions, qui n'avaient pas encore eu de répercutions", défend Christophe Fargier.

Alors que la moyenne d'âge des salariés de la partie restauration se situe à 24 ans, un chef de plus de 55 ans vient toutefois d'arriver au sein de l'établissement de Gerland en milieu d'année. Un processus de recrutement de jeunes talents issu de la diversité est en cours avec Talentéo, avec des entretiens à l'aveugle menés sur 10 candidats.

Malgré un score de 83 % en termes d'égalité salariale, une différence de salaire subsiste aussi entre les hommes et les femmes de l'entreprise. Bien qu'inférieure à 5%, "il faut qu'elle disparaisse", s'engage Christophe Fargier. Même volonté de faire bouger les lignes du côté des postes de direction, encore insuffisamment occupés par des femmes à 30% : "objectif 40 %", répond le fondateur du groupe.

Petite déception cependant sur la question du "contrôle de l'écosystème", où Christophe Fargier pensait réaliser un bon score avec près de 70 % des achats menés au sein de la région Auvergne Rhône-Alpes. "Mais nous n'avons pas établi de contrat sur le temps long. L'esprit y est, mais pas la forme."

Sur la partie liée au "numérique responsable", des pistes sont envisagées pour trouver des solutions d'hébergement en énergie verte ou qui permettent de récupérer la chaleur. La question de l'archivage mérite aussi d'être abordée, même si "75 % de la problématique se situe sur la durée de vie des appareils électroniques : il faudrait donc améliorer la flotte."

Objectif : cap sur 2021 malgré tout

Sur le terrain de la gouvernance également, où le Ninkasi a obtenu un score de 75 %, l'objectif sera notamment de renforcer l'actionnariat salarié, en y intégrant mieux l'écosystème. "C'est un chantier ouvert, mais qui demande beaucoup de temps", concède Christophe Fargier.

A ce jour, 20 % du capital du groupe est détenu par un fonds d'investissement, 13 % par l'équipe de management, et le reste par Christophe Fargier. Sur les questions de RSE, il admet aussi qu'il y a une "appropriation très inégale de ces sujets dans l'entreprise.L'équipe de direction va notamment étudier le statut d'entreprise à mission. Cette notion a été introduite par la loi Pacte en 2019.

Sur la raison d'être justement, "la crise nous renforce dans nos convictions", soutient Christophe Fargier. Car pour ce deuxième confinement, le Ninkasi n'a pas fermé et fait de la vente à emporter ou en livraison. En général, cette activité représente 10 % du chiffre d'affaires et pourrait même monter jusqu'à 20 %, mais ce ne peut être la raison d'être du lieu. "Nous ne sommes pas très armés pour affronter la crise, sur notre fronton il y a écrit : lieu de brassage".

Pour autant, la crise sanitaire peut aussi se révéler contre toute attente, comme un accélérateur pour les initiatives en matière de transparence : "La RSE constitue un cri d'urgence qui va faire prendre de l'ampleur et pourrait devenir demain un élément structurant dans la stratégie des entreprises", anticipe Léo Astorino.

Du côté des chiffres, le Ninkasi tente de tenir la barre comme ses confrères depuis la fermeture des bars et restaurants : mais la pandémie aura déjà engendré 6 millions d'euros de pertes pour le groupe, sur un chiffre d'affaires habituellement porté à 30 millions d'euros. Pour l'heure, le brasseur-restaurateur est parvenu à conserver 265 de ses 30 équivalents temps pleins, en faisant appel à différents degrés de chômage partiel en fonction des activités (fonctions support, brassage, événementiel, etc).

Reste que, crise sanitaire ou pas, Christophe Fargier compte toujours sur l'ouverture de 5 Ninkasi en 2021 : à Dijon, l'OL Valllée, Valence, Mâcon et Chambéry et souhaite même " aller poser un drapeau à Paris" dans les mois à venir. Son projet d'ouverture d'une nouvelle usine de brassage à Tarare est lui aussi toujours maintenu pour 2023.

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