Stéphane Caminati : "La Caisse d'Epargne Loire Drôme Ardèche ne fusionnera pas avec la CERA"

Le nouveau président du directoire de la Caisse d'Epargne Loire Drôme Ardèche dévoile les premiers axes prioritaires de sa stratégie. Dans un contexte de baisse des taux d'intérêt qui a notamment impacté le produit net bancaire de l'établissement, Stéphane Caminati veut renforcer la présence de la Caisse sur le segment des entreprises, annonçant ainsi le lancement d'un fonds d'investissement. Le dirigeant de 55 ans souligne également que la fusion envisagée avec sa voisine rhônalpine n'aboutira pas.
(Crédits : Jérôme Abou)

Pour consulter ce grand entretien en accès libre, souscrivez à notre offre d'essai gratuite et sans engagement.

ACTEURS DE L'ECONOMIE - LA TRIBUNE . Vous avez été nommé à la tête de la Caisse d'Epargne Loire Drôme Ardèche (CELDA). Quelles sont vos ambitions et votre vision stratégique ?

STEPHANE CAMINATI. Je dévoilerai mon plan stratégique, pour les trois prochaines années, en avril.Il sera présenté au mois d'avril. Mais je peux d'ores et déjà vous donner trois axes prioritaires.

J'ai une ambition de conquête et de développement. Les objectifs ne sont pas encore chiffrés mais nous souhaitons continuer de progresser sur tous nos marchés. Nous voulons améliorer encore la relation client. Nous devons être plus agiles dans la gestion de la donnée et la réactivité par exemple. Enfin, le troisième axe sera de renforcer notre implication coopérative sur le territoire. Nous regrettons que nos actions RSE ne soient pas assez reconnues alors que nous investissons des sommes importantes. Il faut y remédier.

Le marché des entreprises est-il une cible prioritaire ?

Oui. Dès que j'aurai pris mes marques, je rencontrerai d'ailleurs les syndicats patronaux, les CCI, etc., pour leur faire mieux connaître nos actions d'accompagnement.

Dans quel contexte interne et conjoncturel, avez-vous pris vos fonctions?

Nous avons aujourd'hui 1 232 collaborateurs, nous revendiquons près de 700 000 clients et nous avons 140 000 sociétaires. Nous sommes très attentifs à faire progresser ce dernier chiffre car cette structure coopérative nous distingue. Nous sommes à près de 20 % de parts de marché sur les particuliers et en deçà de 10% sur les professionnels. Sur les entreprises, nous avons un taux de pénétration de l'ordre de 22 %. C'est un bon score. Nous avons aussi une présence historique et prépondérante sur le logement social par exemple. Nous pouvons nous prévaloir d'avoir 100 % des bailleurs sociaux de notre territoire. Et puis en matière d'économie sociale, notre taux de pénétration sur les grandes associations est de 82 %. Nous pouvons par ailleurs estimer que nous avons un taux d'accompagnement des collectivités de l'ordre de 30 %. Ces chiffres sont à peu près équivalents sur nos trois départements.

Au niveau conjoncturel, la santé de nos clients est plutôt bonne. Les indicateurs économiques ont été meilleurs en 2017 qu'en 2016. De façon générale, les problèmes de trésorerie tendent à disparaître. Nous voyons revenir la confiance, et par effet boule de neige, les investissements et l'activité. Donc je crois qu'on peut dire que l'activité économique est plutôt sur la bonne pente.

La caisse que vous dirigez affiche un produit net bancaire à 205 millions d'euros en 2017, un résultat en retrait par rapport à l'exercice précédent. Comment l'expliquez-vous ?

Oui, hélas, le résultat est en baisse. Ce évolution négative s'explique par une baisse massive des taux d'intérêt, qui pèse sur nos marges. Mais le point positif est que notre activité commerciale progresse par ailleurs de façon régulière et significative. Nos parts de marché sont en progression, mais pas suffisamment pour rattraper ce pincement généré par l'effondrement des taux d'intérêt. Sans compter que les renégociations de crédit ont amenuisé nos revenus en stock.

Quel est votre regard sur la politique des taux d'intérêt menée par les grandes institutions ?

La FED et la Banque Centrale Européenne (BCE) ont commencé à resserrer les conditions d'accès au crédit. Au niveau européen, nous savons que le robinet va se fermer partiellement également. Mais la plupart des économistes sont d'accord pour dire que les mouvements de taux ne sont pas à attendre avant fin 2019, début 2020. 

Cela signifie que d'ici là, il vous faut trouver de nouveaux leviers pour gagner de l'argent...

Disons que nous devons continuer de bien faire notre métier, avec un maximum de réactivité en mettant à la disposition de nos clients tous les canaux dont ils ont besoin. Nous démontrerons ainsi notre capacité à nous adapter à l'environnement en faisant évoluer les proportions de nos revenus issus des taux d'intérêt d'un côté, et des commissions de l'autre.

Dans un contexte où vos concurrents ont tendance à fusionner et à faire grossir leurs caisses régionales, la Caisse d'Epargne Loire Drôme Ardèche (CELDA) semble s'inscrire dans un scénario contraire. Un rapprochement avec la Caisse d'Epargne Rhône-Alpes (CERA) avait pourtant été envisagé il y deux ans. Pourquoi n'a-t-il pas débouché ?

Fin 2017, le conseil d'orientation et de surveillance de la Celda a statué sur un non-rapprochement avec la CERA. La question a été tranchée.

Pourtant des services avaient été mutualisés. Il s'agissait d'un premier pas dans cette direction, non ?

Partout en France, il existe des mutualisations de services entre caisses. Pour autant, ces GIE ne préjugent pas à des rapprochements ultérieurs. Ces logiques industrielles ne président pas à des logiques de gouvernance. Une mutualisation avait été effectivement mise en place au niveau du service des successions. La Caisse d'Epargne Rhône-Alpes nous déléguait depuis trois ans cette mission pour laquelle nous avions recruté 14 collaborateurs. Mais il ne s'agissait, en aucune mesure, d'un préalable à une fusion.

Je n'étais pas présent au moment de cette décision mais je sais que les instances de la Caisse Loire Drôme Ardèche ont étudié le dossier sous les angles financiers, économiques, humains et stratégiques. Elles ont mis en regard les optimisations clients, les dynamiques de développement, etc. L'ensemble de ces éléments a mené à la décision d'un non-rapprochement. Le conseil de surveillance a estimé que nous avions un potentiel de développement suffisant en propre. C'est tout ce que je peux vous dire sur le sujet, j'ai pris mes fonctions plus de 10 mois après cette décision.

La mutualisation de ce service des successions est-elle toujours d'actualité ?

Elle s'arrêtera mi 2018 puisque la CERA a souhaité mettre fin à cette prestation pour la rapatrier en son sein. Des propositions de reclassement ont été faites à l'ensemble des collaborateurs. Un ou deux d'entre eux pourraient même rejoindre la Caisse Rhône-Alpes.

Entre la Société Générale qui ferme des agences et le Crédit Agricole Loire Haute-Loire qui a investi massivement dans ses bureaux de proximité, comment vous situez-vous ?

Sur ce point, j'ai une position extrêmement pragmatique. L'observation du comportement du client sera l'unique critère de décision. Les besoins ne sont pas les mêmes en milieu rural, périurbain et urbain.

Dans la Loire, votre plus important département, la présence de votre banque était jusqu'ici peu visible sur les événements professionnels et les partenariats touchant aux entreprises. Vos concurrents - Crédit Agricole et à la BP2L - sontpour leur part, très présents sur ce segment. Comment expliquez-vous cette situation ?

Nous serons de plus en plus visibles grâce à des partenariats avec la CPME, In3 ou encore Rhonalpia. Il s'agit d'un axe stratégique depuis une dizaine d'années mais le monde de l'entreprise ne se gagne pas facilement. Ceci étant, en une décennie, le parcours est remarquable. Notre notoriété est de plus en plus significative mais nous avons encore du travail à faire, vous avez raison.

Dans cette logique, vous devez annoncer prochainement le lancement d'un fonds d'investissement. C'est une première pour la CELDA. Pouvez-vous nous en donner les contours dès à présent ?

Ce fonds nous permettra d'accompagner des entreprises à tous les niveaux de leur développement, en fonds propres ou quasi-fonds propres. Cela nous permettra d'avoir une action complémentaire à notre gamme de crédits bancaires. Il devrait voir le jour avant la fin du premier semestre et sera logé dans une société de gestion du groupe, comme d'autres fonds d'investissements d'autres caisses régionales. Ce fonds ne sera pas fermé, il sera alimenté au fur et à mesure. Logiquement, nous ne prendrons pas plus de 10 % des parts des sociétés que nous accompagnerons.

Quelle sera la cible des bénéficiaires ?

Tous secteurs d'activité, pour des tailles d'entreprises petites et moyennes. Des startups mais aussi des entreprises installées. Ces sociétés seront aussi bien nos clients actuels, que des entreprises non-clientes de la banque.

Vous êtes désormais à la tête d'un établissement de 1 232 collaborateurs. Quel est votre parcours ? Quel est votre style managérial ?

J'ai eu un parcours en deux temps. J'ai passé la première moitié de ma carrière dans les salles de marché. Puis, il y a quatorze ans, j'ai souhaité évoluer vers des fonctions plus transverses, avec une notion de management plus prononcée. C'est à ce moment-là que j'ai rejoint le groupe Caisse d'Epargne. J'ai exercé plusieurs fonctions. J'ai mené la sécurisation de la gestion financière de la caisse de retraite de la Caisse d'Epargne. J'ai également exercé au sein de la CE du Pas-de-Calais puis comme patron du contrôle de gestion du groupe.

Après ces périodes riches, j'ai souhaité revenir à des responsabilités opérationnelles. Natixis m'a alors confié la direction générale de sa filiale CEGC (Compagnie Européenne de Garanties et Cautions). Après 4 ans, j'ai évolué vers le poste de directeur général de Natixis InterEpargne (leader français de l'épargne salariale). J'ai exercé cette mission pendant trois ans, jusqu'à ce qu'on me propose de rejoindre la présidence du directoire de la Caisse d'Epargne Loire Drôme Ardèche. Ce que j'ai accepté avec plaisir !

Qu'est-ce qui vous a attiré dans ce challenge ?

La fonction en elle-même. Elle est différente de celle d'un directeur général, avec une indépendance de décision intéressante, même si nous nous inscrivons dans un groupe avec une stratégie globale. Les décisions que je prends ont des répercussions sur le développement de l'entreprise, d'une part, mais aussi sur l'essor économique du territoire, d'autre part. Il s'agit d'une responsabilité très importante et extrêmement enthousiasmante.

Votre prédécesseur, Pascal Rebillard, a été mis en cause récemment dans une affaire de détournements de fonds au Cameroun entre 2008 et 2012, avant son arrivée à la Celda. Ces affaires judiciaires ne vous ont-elles pas effrayé quant à l'image de la Caisse dont vous alliez prendre la tête ?

Je suis arrivé plus de 6 mois après son départ et je n'ai pas une idée très précise de ce que vous évoquez. C'est la première fois qu'on me pose la question. Et quoi qu'il en soit, à priori, aucun client ne nous a jamais fait de remontée à ce sujet.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.