Bruno Cassin, PDG de Sillia VL, PME d'origine bretonne qui, en juin 2014, a repris l'activité de l'usine Bosch Solar de Vénissieux, a reconnu la semaine dernière devant les 130 salariés de ce site, convoqués en assemblée générale, son échec personnel à réunir les 13 millions d'euros recherchés pour se financer. Il a répété à trois reprises que la société "devait aller au dépôt de bilan" pour que les anciens collaborateurs de Bosch puissent bénéficier de la clause leur garantissant, jusqu'en juin 2017, les mêmes indemnités que s'ils étaient encore dans le groupe allemand en cas de "défaillance".
Dans les heures qui ont suivi cette annonce fortement médiatisée, Bruno Cassin a démenti vouloir déposer le bilan. "Sans doute ai-je été maladroit ?" tentait-il d'expliquer à Acteurs de l'économie - La Tribune. Lundi, le climat était décrit comme très tendu au sein du personnel de Vénissieux invité à garder le calme et continuer de travailler.
Les appels d'offres de la CNR
L'incertitude - et ses conséquences - planant sur l'avenir de Sillia VL pourrait sortir des usines et avoir des répercussions sur d'autres acteurs de la filière. Certains hésiteraient à confirmer des commandes en l'état actuel des informations. En première ligne, la potentielle procédure judiciaire pour le premier fabricant de panneaux solaires inquiète la Compagnie nationale du Rhône (CNR)*.
Dans le cadre de CRE 3, troisième vague d'appel d'offres pilotée par la commission de régulation de l'énergie, "nous avons gagné des projets avec des panneaux Sillia, 10 MgW devant être livrés entre le 2e semestre 2017 et début 2018. Cette annonce nous met dans une situation délicate", témoigne Cécile Magherini, directrice du développement de la CNR.
Elle estime que l'annonce de Sillia tombe au plus mal. Car au-delà de CRE 3, les premiers appels d'offres de CRE 4 seront lancés le 1er février prochain.
Une qualité reconnue
Si l'entreprise fait face à un gros temps, la qualité de la production n'est pas remise en cause par ses clients :
"Les panneaux de Sillia sont bons et ne posent aucun souci d'exploitation", atteste la directrice du développement de la CNR.
Une qualité et un faible impact environnemental (du fait de la production française) qui ont permis à Sillia de signer plusieurs contrats.
"Nous avons remporté en tout l'équivalent d'une puissance installée de 250 MgW sur la durée de CRE3", confirme Axel Becker, directeur commercial de Sillia VL.
"En 2016 nous avons produit 120 MgW réalisé. Ce qui est bien. Si on veut faire plus il faut plus de fonds de roulement. Nous cherchons un repreneur ayant les reins solides. Il faut faire vite, très vite. Il faut que l'entreprise continue".
Sillia, un potentiel important
Ce constat est partagé par Nordine Boudjelida, directeur régional de l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie). "Nous croyons en Sillia que nous soutenons", affirme-t-il.
"Ne tirons pas sur l'ambulance", renchérit Xavier Daval, le dirigeant de KiloWattsol , cabinet lyonnais d'expertise dans le domaine, et président du SER-Soler, la branche solaire du Syndicat des énergies renouvelables.
"Il faut aider Sillia VL à surmonter cette crise. Cette entreprise traverse un moment difficile au niveau social et économique", poursuit-il. Mais le potentiel qu'elle représente pour le marché est important. C'est le premier producteur de panneaux photovoltaïques en France avec une capacité de 200 MgW. Nous ferons tout ce que nous pouvons pour trouver une solution pour que cette entreprise survive. Il y a, sans doute, un problème de capitalisation et de fonds propres."
Prix de plus en plus compétitif
Les contre-temps de cet industriel du secteur photovoltaïque français peuvent-elles mettre en lumière les défis de cette filière ? Force est de constater que cette industrie a du mal à trouver son équation économique. Elle est fortement consommatrice de cash à ce jour encore. Autre exemple permettant d'illustrer ce propos : la société iséroise Photowatt qui a eu la chance, en mars 2012, d'être rachetée par EDF-ENR à la barre du tribunal de commerce de Vienne, a bénéficié de plusieurs dizaines de millions d'argent frais de son puissant actionnaire.
Pourtant, de nombreux acteurs restent persuadés de la pertinence de cette source énergétique, à l'heure où la part du nucléaire est amenée à se réduire dans le mix français, comme le stipule la loi sur la transition énergétique et la croissance verte.
"Le solaire est l'énergie du XXIème siècle", affirme le président SER-Soler.
Car au-delà d'une impulsion politique, la baisse des coûts de fabrication, à l'oeuvre depuis plusieurs années, offre des perspectives positives. Des baisses chiffrées à hauteur "de 80 % entre 2009 et 2015 et celui des systèmes complets de 59 %."
"Le coût du KWh était de 600 euros il y a dix ans. Cette énergie est tombée à 70 euros pour CRE 3 et elle passera en dessous de 30 euros", démontre Elisabeth Ayrault.
Cette dernière déplore seulement que la France s'y soit mise trop tard. Et qu'il faille "huit ans pour développer un champ photovoltaïque".
Un consortium industriel européen
Ainsi, pour soutenir cette industrie, le Syndicat des énergies renouvelables SER-Solar vient de publier un livre blanc. Il appelle dans celui-ci à la création d'un consortium industriel européen. Un consortium reposant sur une initiative franco-allemande et ayant l'ambition de fédérer sur le sol européen chacune des étapes de la fabrication d'un panneau solaire. Faute de quoi la domination asiatique, qui représente déjà 90 % du marché mondial, pourrait encore se renforcer. Sans compter sur l'émergence de l'éolien offshore, qui capte de plus en plus d'investissement au niveau mondial dans le domaine des énergies renouvelables.
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