A Lyon, l’Appart Fitness se réinvente comme le nouveau Netflix du sport

Digitalisation, épisode 2. Face à la crise, l'économie se transforme. Son fondateur, Patrick Mazerot, avait déjà lancé un cri d’alerte aux côtés de la région AuRA il y a quelques semaines : à Lyon, le réseau de clubs de fitness L'Appart Fitness, qui revendique 150.000 membres, a vu son activité fondre de moitié depuis mars dernier. Mais en investissant dans les cours en ligne, le groupe tente de trouver un remède à la crise, alors que le mois de janvier s’avère habituellement déterminant pour son chiffre d’affaires.
En lançant sa plateforme de cours de sport en ligne, le réseau de l'Appart Fitness a développé une nouvelle stratégie alliant storytelling et feuilletonnage, reprenant les codes des plus grands, comme Netflix.
En lançant sa plateforme de cours de sport en ligne, le réseau de l'Appart Fitness a développé une nouvelle stratégie alliant storytelling et feuilletonnage, reprenant les codes des plus grands, comme Netflix. (Crédits : DR)

Traditionnellement, le mois de janvier est synonyme de bonnes résolutions, mais aussi d'un pic des abonnements au sein des salles de sport françaises. Mais en ce début d'année, les acteurs du sport font grise mine. Fermés à nouveau depuis le second confinement, ils n'ont pas pu reprendre leurs activités début janvier.

Avec parmi eux, le réseau l'Appart Fitness, qui tente toutefois de tirer son épingle du jeu. À l'automne dernier, le groupe avait déjà dispensé près de 2,7 millions de séances de sport à distance à l'échelle du groupe, qui compte près de ses 120 clubs de fitness pour 750 salariés.

Fondé en 1997 avec la reprise d'un club dans la région lyonnaise à Villeurbanne, ce réseau de clubs sportifs avait pris un coup d'accélérateur en 2018, lorsque son fondateur, Patrick Mazerot, avait décidé de racheter une cinquantaine de clubs sous les marques Amazonia, Wideclub et Gigagym, s'inscrivant ainsi au sein du top 5 des clubs de fitness français.

Désormais, son réseau réunit plus d'une centaine de clubs de fitness, dont la moitié sous forme de franchises, pour un chiffre d'affaires habituellement porté à 50 millions d'euros. « En 2018, nous étions essentiellement présents en Auvergne Rhône-Alpes, avec une forte implantation dans le département du Rhône. Mais depuis, nous sommes localisés sur une verticale qui va de Marseille à Paris », explique Thibault de Morel, directeur marketing de l'Appart Fitness.

40% du chiffre d'affaires menacé

Le club de fitness avait même l'ambition d'atteindre les 250 établissements d'ici 2023. Mais c'était sans compter sur la crise sanitaire : « Nous avions réalisé un début d'année 2020 plutôt positif, et nous avions continué de porter quelques projets de création de salles ». Après le coup d'arrêt du premier confinement, l'Appart' Fitness avait repris ses activités en juin avec « un protocole sanitaire drastique » et des conditions d'accueil aménagées.

« Nous avions lancé la plus grande compagnie télévisée de notre histoire, avec un budget de plus de 1,5 millions d'euros, déployé sur des chaînes de télévision nationales (BFM) ainsi que des radios (Energie 12) afin que les clients reviennent dans nos salles à la rentrée. Celle-ci devait être échelonnée sur septembre et octobre, avant que nous n'apprenions la fermeture de nos salles le 20 septembre », confie Thibault de Morel.

Désormais, ce sont les deux mois de septembre 2020 et de janvier 2021 qui s'annoncent perdus, alors qu'il représentait à eux deux près de 40 % du chiffre d'affaires annuel du club de fitness. « Nous aurons perdu en 2020 quasiment la moitié de notre année d'activité, alors que nous commençons déjà l'année par un mois crucial de fermeture ». Même si les résultats de l'année écoulée n'ont pas encore été officiellement clôturés, l'Appart' Fitness estime déjà qu'il enregistrera une baisse de -30% du nombre de ses adhérents.

« Durant le premier confinement, une partie de nos membres ont choisi de continuer à payer leur abonnement par signe de solidarité, il s'agit d'une minorité mais cela a démontré leur attachement à la marque », évalue le directeur marketing.

D'autant plus que pour l'heure, le réseau sportif n'était pas éligible aux aides annoncées par le gouvernement. « Soit nous sommes trop gros, soit nous avons une forme juridique de holding qui ne le permet pas. Nous avons néanmoins reçu une aide de la région, et nous avons surtout fait appel au PGE ».

L'émergence de nouveaux codes pour communiquer en ligne

En parallèle, l'Appart' Fitness a choisi de refondre entièrement ses codes graphiques et son site internet en l'espace de quelques mois, et d'investir 150.000 à 200.000 euros dans du matériel vidéo en vue de bâtir un véritable studio vidéo dans l'un de ses clubs, situé dans le 8e arrondissement de Lyon.

« Nous voulions professionnaliser nos cours en ligne, en créant de toutes pièces une régie vidéo avec une ressource, formée en interne », résume Thibault de Morel. Trois coaches référents ont ensuite commencé à proposer des cours en ligne, selon de nouveaux codes développés par l'Appart Fitness, pour une expérience qui va progressivement s'ouvrir à d'autres coachs sportifs du groupe.

« Nous avons formé nos salariés aux spécificités des cours en ligne, tout en choisissant de nous différencier du contenu sportif que l'on peut déjà trouver en ligne avec l'idée de reprendre les codes et l'expérience de navigation d'une plateforme comme Netflix », glisse-t-il.

Résultat ? Son réseau a par exemple misé sur le storytelling, en proposant des visuels inspirés d'affiches de cinéma pour annoncer ses différentes activités (yoga, cours de renforcement, etc), tout en pensant ses cours sur le nouveau format du feuilletonnage, découpés ensuite sous forme « d'épisodes » et de « saisons ».

« Notre idée était de pouvoir miser sur des rituels de cours rapides, de l'ordre de 15 minutes, que l'on peut pratiquer tous les jours durant une semaine jusqu'à ce que ceux-ci soient renouvelés. Nous nous sommes pour cela appuyés sur les nouvelles habitudes de consommation des Français en télétravail », explique Thibault de Morel.

L'autre adaptation réside dans le matériel utilisé : « Tous les pratiquants n'ont pas forcément un studio de 50 m² pour faire du sport chez eux. On s'est donc mis dans leur peau avant de filmer ces vidéos, pour leur proposer des exercices que l'on peut pratiquer dans un espace plus réduit, généralement entre leur meuble TV et le canapé, et avec du matériel à portée de main comme des bouteilles d'eau, etc ».

Un modèle d'avenir à inventer

Une offre qui regroupe désormais près de 70 cours en ligne (contre une trentaine lors de son démarrage), avec une offre qui se renouvelle progressivement à raison de cinq nouveaux cours par semaine au sein de disciplines variées (yoga, Hiit, appart Boxing, pilates, cuisses abdos fessiers, etc).

Pour l'heure, son portail en ligne propose une formule d'abonnement mensuelle illimitée, tarifiée à 7,99 euros pour les nouveaux inscrits et 4,99 euros pour ses adhérents.

« Nous voulions que bouger devant sa TV soit aussi cher que de regarder Netflix télé », résume Thibault de Morel.

Bien qu'il ne souhaite pas communiquer de chiffres sur ce marché digital devenu stratégique, le réseau lyonnais se targue d'afficher un faible taux d'abandon du visionnage de ses cours, de l'ordre de 25% par séance.

« Le plus difficile dans la période actuelle demeure de faire et défaire en permanence. Nous travaillons toujours avec le syndicat France Active pour déployer des protocoles sanitaires renforcés en lien avec le gouvernement et le ministère des sports. Et ce, en rappelant qu'aucun cluster n'avait été détecté durant l'ouverture de nos salles », affirme le directeur marketing. Tout en rappelant que le groupe avait investi près de 400.000 euros pour mettre en place des protocoles sanitaires à l'égard de ses collaborateurs et clients.

Selon lui, cette pandémie aura eu pour effet d'accélérer le pivot déjà engagé par ses clubs en vue de devenir, plus qu'une salle de sport « traditionnelle », un accompagnateur dans la pratique sportive de ses membres à 360°. C'est-à-dire à la fois à la maison, en club, mais aussi en extérieur. « Nous avions déjà anticipé ce virage et nous pensons que le confinement et le télétravail amplifieront à l'avenir les usages digitaux, qui devront s'inscrire demain dans notre offre de services avec notre application mobile », ajoute-t-il.

D'ailleurs, le groupe annonce d'ores et déjà une nouvelle implantation courant 2021 sur de 2.400 m² (investissement : NC) dans le Parc OL Land créé autour du nouveau grand stade de l'Olympique Lyonnais à Décines (Rhône).

Reste que pour se relever, la filière du sport attend elle aussi un coup de pouce additionnel de la part du gouvernement. « Nous avons notamment besoin que l'État fasse pression sur les bailleurs, ainsi que sur les banques pour qu'elles continuent à nous accompagner. »

Il entrevoit déjà une piste que sa filière aimerait adresser au gouvernement en vue de faciliter la reprise : à savoir, un appel à instaurer une TVA de 5,5 % sur les activités sportives, contre 20 % actuellement. Une manière de « s'aligner » sur la fiscalité pratiquée par les fast-food, pour des clubs de sport qui s'affichent « au contraire » comme un moyen de maintenir les Français en forme.

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