Rhône-Alpes au coeur du business de la rose

Les rosiéristes représentent environ 2 % des entreprises horticoles du bassin Rhônalpin. Ils génèrent près de 5 % du CA du secteur soit près de 11,2 millions d'euros, selon la dernière étude de FranceAgriMer 2015, à travers des activités réparties entre la production et la création de nouvelles variétés vendues ensuite sous licence. Leurs défis ? Bâtir une économie autour de la patience et de la génétique, sur un marché fortement internationalisé.

Sur l'échiquier national de la rose, la région Rhône-Alpes se taille une belle part. Elle compte 10 des 19 rosiéristes-créateurs, qui sortent chaque année une vingtaine de nouvelles variétés de rosiers de jardin. "Pour Lyon, la rose est une tradition depuis 200 ans, à la fois en raison de paramètres liés au climat et au sol. On compte bon nombre de rosiéristes en sont à la 5e ou 6e génération, ce qui crée une très forte concentration et qualité technique dans la région", souligne Maurice Jay, président de la Société française des roses et président du Congrès mondial des sociétés de Roses qui se tient du 27 mai au 1er juin à Lyon.

Une longue histoire

D'ailleurs, à la maison Meilland-Richardier (250 salariés en Europe dont 160 en France ; 20 millions de CA en 2014), on ne parle pas de la création de la société, mais des premières "créations variétales" qui remontent à une hybridation réalisée en 1850 par Joseph Rambaux. D'abord basée à Lyon puis à Tassin-La-Demi-Lune, la production a ensuite été repoussée par l'expansion de la ville jusqu'à Diémoz (38) tandis que les fleurs coupées sont désormais produites au Cannet-des-Maures (83). "Les entreprises horticoles nécessitent de la place, et l'Isère nous offre cet espace aux portes de Lyon", résume Matthias Meilland, responsable des relations publiques et 6e génération de la maison Meilland Richardier, qui représente à elle seule 25 % des variétés de roses vendues sur le territoire.

Un modèle économique double

Selon M. Jay, les maisons rhônalpines assurent près de 40 % des nouvelles créations de roses qui se font chaque année à travers le monde, et 60 % des créations en Europe. Elles occupent aussi le second rang au niveau national en terme de production, avec près de 4,5 millions de rosiers produits par année, contre 6 millions pour la région d'Angers.

Leur modèle économique est souvent réparti en deux volets, comprenant d'un côté la production, et de l'autre, la vente de licences sur leurs nouvelles créations. Cette seconde partie, déterminante pour se démarquer sur un marché mondial très concurrentiel, est aussi la partie "immergée de l'iceberg" dont les retombées restent souvent difficiles à évaluer. "On dit que chaque rosier produit sous licence, à des pépiniéristes et grandes surfaces spécialisées ou non, rapporte en moyenne 1 dollar de royalties à son obtenteur", estime Maurice Jay.

Un marché mondial

Mais pour produire ne serait-ce qu'une nouvelle variété, le chemin est très long. "Il faut environ 4 ans à une variété pour arriver en zone d'expérimentation en plein champs, puis 3 à 4 ans d'expérimentation pour décider de lancer ou non la production. Cela fait donc au moins 6 à 7 ans de patience", résume M. Jay. Généralement, seules les variétés qui réussissent à s'acclimater dans l'ensemble de l'Europe passeront le test, les autres étant jugées trop risquées en vue des marchés à couvrir.

Car les rosiéristes français vendent désormais partout à travers le monde, que ce soit en Europe, mais aussi aux Etats-Unis, et parfois jusqu'en Chine, au Japon ou même en Inde. A travers sa filiale Meilland International dédiée à la création de roses, Meilland crée "entre 100 000 à 200 000 nouvelles variétés en devenir chaque année. Après une dizaine d'année de sélection, seules une dizaine sortiront à l'international", explique Matthias Meilland. Au total, la maison investit 1 million d'euros, soit l'équivalent de 25 % du CA de Meilland International dans le développement de nouvelles variétés. "Dans le domaine des licences, qui représente environ 50 % du CA, notre premier marché est la France, suivi des Etats-Unis et de l'Allemagne", explique-t-il.

De nouveaux modèles de commercialisation

La fleur coupée, bien connue de la clientèle, est quant à elle devenue un segment complètement à part, que la majorité des producteurs ont dû exporter dans des pays chauds (Ethiopie, Equateur, Kenya) afin de pouvoir produire 12 mois par année.

Si la rose fait partie des plantes qui ont bien résisté et demeurent en haut de la liste dans le choix des consommateurs, des plus jeunes aux plus âgés, les maisons sont en train de réfléchir à des modèles de commercialisation plus adaptés aux petits jardins ou aux terrasses de ville, pour accompagner l'essor des modes de vie citadins.

"Les rosiéristes se lancent dans la vente de rosier en conteneurs (pots), qui ont déjà leurs feuilles et leurs boutons en février-mars et qui peuvent être un objet de cadeau au même titre qu'un bouquet de roses, et qui offrent également de meilleures marges. C'est un marché qui est passé de 50% à 90% pour certains rosiéristes", avance M. Jay.

"Si l'on regarde au sein du marché des plantes, seules 14% sont achetées pour orner les balcons. C'est encore peu même s'il s'agit d'un segment en devenir, qu'il nous faut travailler en proposant par exemple des rosiers plus compacts (drifts) et adaptés", estime M. Meilland.

Mondial des Roses

Des espaces verts... aux roses

Le marché des espaces verts des collectivités représente également un marché en devenir. "Alors qu'on avait vu des efforts de végétalisation des espaces dans les années 1980, les espaces verts ont été laissés un peu vides au cours des dernières années. Il y a des choses à faire, avec des variétés qui permettent de réduire les coûts de maintenance et de redonner une qualité de vie à la ville", pense Matthias Meilland.

Il rappelle que les biens situés dans des quartiers végétalisés voient leur valorisation grimper de 10 %. Alors que le rosier représente 8% des ventes de plantes, il ne dépasse pas les 2 % au sein des aménagements paysagers. Une belle marge de progression reste donc encore à réaliser, comme l'atteste la maison Meilland, pour laquelle le marché des collectivités représente 15% de ses ventes : "Il faut réaliser de petites expérimentations auprès des villes pour leur montrer quels sont les avantages des rosiers, comme leur moindre besoin en eau comparé au gazon par exemple", reprend-il.

Les défis des créateurs

Du point de vue de la recherche, qui s'effectue souvent sur site à travers de multiples hybridations, le plus gros défi reste de s'assurer de la qualité physiologique de la plante : "Il faut trouver très rapidement des résistances aux maladies car les traitements phytosanitaires sont de plus en plus interdits. Cela passe notamment par l'introduction de gênes de résistance issus de plantes sauvages qui durent depuis des siècles", avance Maurice Jay. Le second challenge ? Chaque nouvelle variété doit avoir un parfum et une fragrance, très recherchés par les clients. "Quant à la couleur, on a de tout, même si le rouge et le rose restent les valeurs sures", ajoute-t-il.

Pour Matthias Meilland, les consommateurs veulent avant tout s'approprier la rose à travers une histoire, un nom qui leur plait, mais aussi avoir des garanties techniques comme une plus grande facilité d'entretien ou un plus grand nombre de fleurs. "Les roses restent à hauteur de 60% un marché d'émotionnel, et à 40% un marché de décoration", estime-il.

Pour répondre à ces envies d'histoires, la plupart des rosiéristes ont misé sur des variétés aux noms évocateurs : chez Meilland, les roses portant les noms de célébrités, tels que Louis de Funès ou Leatitia Casta. "Ce sont en réalité ces personnages célèbres, qui sont souvent attirés par la rose, qui nous demandent d'avoir une rose à leur nom", explique M. Meilland, qui précise que la société leur envoie alors directement des échantillons pour qu'ils puissent faire leur choix.

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