Guillaume Blanloeil (Saint-Jean) : "50 millions pour accélérer sur le Made in Drôme"

GRAND ENTRETIEN. A Romans-sur-Isère dans la Drôme, le fabricant de ravioles, quenelles et pâtes fraiches Saint Jean investit près de 50 millions d’euros dans une nouvelle plateforme logistique, la modernisation de son siège social et la création d’une usine de pâtes farcies. En croissance forte depuis plusieurs années, il mise sur le "made in France", et même sur le "made in Drôme" pour accélérer sur le marché français et étranger. Retour sur cette stratégie avec Guillaume Blanloeil, directeur général depuis 2002 de cette entreprise cotée, mais détenue majoritairement par la famille Gros depuis 1992. 150 emplois seront créés grâce à ce projet d'ici 2030.
Nous mettons le curseur haut en matière de Made in France. Notre volonté est d'intégrer le plus possible d'ingrédients français, et même d'ingrédients drômois. Guillaume Blanloeil, directeur général de Saint Jean. (Photo DR)
"Nous mettons le curseur haut en matière de Made in France. Notre volonté est d'intégrer le plus possible d'ingrédients français, et même d'ingrédients drômois". Guillaume Blanloeil, directeur général de Saint Jean. (Photo DR) (Crédits : DR)

LA TRIBUNE AUVERGNE-RHONE ALPES - Quel est l'impact de la crise sanitaire sur votre activité ? Est-ce qu'à l'instar d'autres fabricants de pâtes, vos produits ont été pris d'assaut pendant ces confinements ?

GUILLAUME BLANLOEIL - Non, nos produits n'ont pas vraiment pu profiter de cet engouement, tout simplement parce que nous proposons des produits frais, nous n'avons pas pu anticiper cette surconsommation.

De manière plus générale, nous avons pris une douche froide avec ces deux confinements car nous réalisons habituellement 25% de notre chiffre d'affaires avec la restauration. Cette activité a été réduite drastiquement, évidemment.

Nous allons tout de même enregistrer une hausse de 1,76% de notre chiffre d'affaires à périmètre constant, mais, si nous nous basons sur le premier trimestre 2020, elle aurait pu être de 7 à 8%. Nous estimons que la crise actuelle nous a fait perdre six points de croissance. C'est beaucoup, mais bien moins que d'autres secteurs bien plus durement touchés par la crise.

Vous annoncez néanmoins un investissement massif, près de 50 millions d'euros, sur votre site historique de Romans-sur-Isère. Quel est l'enjeu ?

Après plusieurs investissements ces dernières années sur nos autres sites (5 millions sur le site de Frans dans l'Ain, 8 millions pour le site de Bourg-de-Péage NDLR), nous allons injecter 48 millions dans notre usine historique de Romans. Il s'agira du plus gros investissement de l'histoire de Saint Jean. L'ensemble sera opérationnel courant 2022 et permettra de créer 150 emplois d'ici 2030.

Nous allons construire une nouvelle plateforme logistique de produits, à partir de laquelle seront expédiées toutes nos productions, quel que soit le lieu de fabrication. Avec le développement du e-commerce, cela devenait indispensable. De plus, notre gestion sera ainsi plus rationnelle et plus verte, elle permettra de livrer avec la même expédition le client souhaitant des quenelles, des pâtes fraiches etc.

Nous allons par ailleurs construire une nouvelle usine, dédiée entièrement à la fabrication de pâtes farcies afin de multiplier par 2,6 nos capacités de production sur ce domaine. Notre ambition est forte : nous sommes déjà leaders des quenelles et des ravioles en France mais nous sommes numéro trois de ce marché en France mais avec 2,5 % de parts de marché (Source données IRI NDLR), nous sommes très loin des leaders Lustucru (35%) et Rana (22%). Nous visons les 10% de parts de marché en 2030.

Enfin, nous construisons un nouveau siège social, qui offrira un cadre de travail plus agréable aux salariés.

Ces investissements sont-ils justement destinés à vous permettre d'accroître vos parts de marché dans un secteur de l'agroalimentaire, fortement concurrentiel ?

Cet investissement nous permettra de croitre aussi sur nos autres marchés en libérant des capacités de production pour les pâtes fraiches et les ravioles, car nous avons des ambitions fortes sur l'ensemble de nos produits.

Sur le marché des pâtes fraiches de manière générale, Lustucru détient 35,8% des PDM, Rana 23,6%, les MDD 21,7% et nous 6,7%. Selon les données IRI, nous affichons la plus forte croissance des parts de marché (+19,5% en 2019) des principaux acteurs de ce secteur.

Le marché des pâtes a cru de 5% annuellement au cours des dernières années, mais nous maintenons une croissance moyenne supérieure. Nous souhaitons donc poursuivre dans cette voie.

Verra-t-on des innovations technologiques dans cette nouvelle usine ?

Disons plutôt des bonnes pratiques, au point d'ailleurs que nous irons chercher la labellisation "Vitrine de l'industrie du futur" (label décerné par l'Alliance Industrie du Futur). En termes environnemental, nous abaisserons notre consommation énergétique de 40% grâce à des technologies innovantes de production de froid. Nous avons sollicité une aide de 800.000 euros dans le cadre du plan France Relance mais nous n'avons pas encore eu de retour. A noter : 98,8% du chantier (en valeur) sont assurés par des entreprises présentes en Rhône-Alpes dont 30% par des entreprises de la Drôme. Pour ce projet, nous réhabilitons plus de 30 000m² de friches. En effet, nous avons privilégié l'acquisition de 14 parcelles de terrain déjà bâties qui ont été dépolluées puis rasées afin de pas impacter les terres agricoles alentours.

Augmenter les capacités de production ne suffit pas à convaincre les consommateurs, quels sont vos arguments et vos forces pour vous différencier sur un marché où les Italiens tiennent la corde ?

Il faut savoir que la France a une tradition pastière très ancienne. Nous avons d'ailleurs retrouvé des traces de l'existence des ravioles dès le 16e siècle.

Tradition historique à part, depuis au moins 15 ans, nous avons pris le parti de la naturalité. La traçabilité, le bio (20% du CA de Saint Jean en 2020, ndrl) sont des priorités. Cela fait longtemps que nous avons supprimé l'huile de palme et les exhausteurs de goûts par exemple. Le bio représente déjà 20% de notre CA.

Ces sujets sont de plus regardés par les consommateurs français même si beaucoup doivent faire, face aux rayons, en fonction de leurs moyens. Nous mettons le curseur haut en matière de "made in France". Notre volonté est d'intégrer le plus possible d'ingrédients français, et même d'ingrédients drômois. Par exemple, nous ne proposons pas de pâtes farcies Ricotta/épinards, qui sont pourtant une belle référence. Nous préférons proposer des recettes à base d'ingrédients français, il existe suffisamment de fromages en France !

Quels ingrédients avez-vous pu relocaliser ?

Depuis peu, nous avons relocalisé le persil par exemple, que nous utilisons dans nos ravioles. Il était en origine France, il est maintenant en origine Drôme. Nous avons signé un contrat tripartite pérenne avec un agriculteur et un transformateur.

Nous travaillons actuellement sur la relocalisation de la production de blé dur bio. Le marché français est très déficitaire sur ce sujet, cela prendra du temps mais je suis persuadé que nous réussirons à produire dans la Drôme. Ce département est le premier en matière de culture bio, nous pouvons réussir. Cette problématique est nationale. Pour avancer, chaque fabricant doit prendre ses responsabilités et accompagner les agriculteurs.

Est-ce que le rachat, au printemps dernier, de l'entreprise locale Deroux Frères (18 salariés, 9 millions d'euros de chiffre d'affaires) entre dans cette même logique ?

Cette entreprise était notre fournisseur historique d'œufs pour nos ravioles Label Rouge et IGP. Parmi les contraintes de ce label IGP, tous les ingrédients doivent être locaux, ce qui limite très fortement le nombre de fournisseurs possibles. Les dirigeants partaient à la retraite, l'approvisionnement en œufs allait devenir critique. Il était donc stratégique pour nous de procéder à cette acquisition. Elle va nous permettre, en plus, de soutenir notre transition vers le 100% œufs issus de l'élevage plein air au plus tard pour 2025 (70% aujourd'hui).

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Commentaire 1
à écrit le 09/12/2020 à 10:02
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Historiquement Saint Jean fabriquait la raviole dite "du Royans". Les émigrés italiens experts en tunnel sont venus creuser les tunnels des gorges de la Bourne, à la fin du 19iem siécle, qui mênent de la vallée l' Isère au Vercors. Sans viande , ils ...

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