Reprise de SES : Leygatech se retire sur fond de conflit avec les salariés

Haute-Loire. Face à l’opposition des salariés, l’ETI alti-ligérienne Leygatech retire son offre pour la reprise de l’entreprise plasturgiste de Saint-Pal-de-Mons (SES).
(Crédits : DR)

Nul n'est prophète en son pays. Thierry Bonnefoy, le dirigeant de l'entreprise de plasturgie Leygatech, très implantée sur le bassin plasturgiste altiligérien avec ses 175 salariés et son chiffre d'affaires de 65 millions d'euros, vient d'en faire l'amère expérience.

Après avoir été choisi par le Tribunal de commerce du Puy-en-Velay pour la reprise de la PME SES (36 salariés), elle aussi positionnée sur les métiers de la plasturgie et elle aussi implantée en Haute-Loire (Saint-Pal-de-Mons), il vient de décider de faire marche arrière en raison du conflit important qui s'était installé avec les salariés de la petite société en difficulté.

Refusant une reprise par Leygatech, ceux-ci occupaient leur usine depuis le délibéré du Tribunal de Commerce la semaine dernière. Thierry Bonnefoy a préféré se désengager. Une possibilité qui lui a été offerte par l'Appel du Parquet, que le dirigeant avait lui-même sollicité de ses vœux.

"Avec l'appel du Parquet, j'ai décidé de retirer mon offre pour apaiser le conflit", acte le dirigeant.

La reprise de l'entreprise sera ainsi rejugée dans les prochaines semaines, par la cour d'appel de Riom; avec pour seule offre cette fois, celle du compétiteur de Leygatech en première instance, le groupe ivoirien Plastica (1 900 salariés, 35 millions d'euros de chiffre d'affaires en Côte d'Ivoire et au Togo).

"Nous voulions être la solution, on nous présentait comme un problème"

"SES fabrique des produits complémentaires à ceux de Leygatech avec une présence forte notamment sur les milieux hospitaliers. Cette acquisition nous aurait permis de nous diversifier, tout en sauvant des emplois sur le territoire", explique le dirigeant de Leygatech.

Lire aussi : Comment Leygatech ambitionne de devenir une ETI

L'ETI altiligérienne proposait de reprendre 22 des 36 salariés, réintégrait l'activité au sein de sa propre usine (à neuf kilomètres de celle de SES) et prévoyait d'appliquer la convention de la plasturgie au lieu de celle du textile.

Ces trois points, notamment, ont poussé les salariés, mais aussi le maire de Saint-Pal-de-Mons, déjà échaudé par plusieurs liquidations récentes importantes, à préférer l'offre de Plastica comprenant la reprise de l'intégralité des salariés et un investissement de 15 millions d'euros sur la même commune pour la construction d'un nouveau site et l'acquisition de nouvelles machines.

"La majorité des salariés s'est prononcée en faveur de Plastica", confirme Yohan Fialon, représentant du personnel et délégué CGT au sein de SES.

"Leygatech a un bel outil de travail, est bien implantée sur le territoire mais le projet de Plastica nous a séduits. Et puis, certains ne voulaient pas parcourir les 9 kilomètres supplémentaires, d'autres avaient déjà travaillé pour Leygatech et ne souhaitaient pas réitérer l'expérience. Et par-dessus tout, ce qui a primé, c'est la préservation de l'ensemble des emplois", poursuit le délégué.

Au vu de la proposition de Plastica, socialement mieux placée, et des préférences affichées par les salariés, les élus et le Parquet, Thierry Bonnefoy était persuadé que sa proposition serait rejetée, et n'est même pas allé retirer le PV de délibéré le jour J.

Sauf que, probablement inquiets du montage financier de Plastica avec la création quelques jours auparavant d'une SAS capitalisée à hauteur de 1 000 euros seulement, les magistrats ont bel et bien retenu Leygatech. La décision du Tribunal de Commerce du Puy a mis le feu aux poudres, avec occupation de l'usine par les salariés.

"Le conflit a très vite pris une tournure inquiétante, avec des injures sur les réseaux sociaux, des mensonges sur notre société. Nous avons été diabolisés alors qu'en 25 ans, nous avons eu seulement cinq procès aux prud'hommes ! Nous voulions être la solution, on nous présentait comme le problème", s'insurge Thierry Bonnefoy.

Le patron de Leygatech admet avoir fait des erreurs, notamment celle de ne pas avoir su expliquer assez clairement son projet aux salariés.

"Nous ne reviendrons pas en arrière pour SES mais cela ne nous empêchera pas de faire de la croissance externe à l'avenir. Nous tirerons les leçons de nos erreurs", ajoute-t-il.

Fair-play, il souhaite bonne chance aux salariés de SES qui ont, depuis l'appel, repris le travail.

Pour Plastica, une porte d'entrée en Europe

Si la cour d'appel de Riom valide son offre, ceux-ci poursuivront donc leur route avec Plastica et son dirigeant Abbas Badreddine. Quand il a repris l'affaire familiale, en 2007, elle réalisait alors 3 millions d'euros de chiffre d'affaires. Douze ans plus tard, il l'a multiplié par dix.

"Abbas Badreddine est intéressé par l'activité de SES car ses produits sont très complémentaires de ceux de Plastica. SES produit par exemple les poches pour le sang et les transfusions. Il n'y a pas de fabricant en Afrique, tout est importé. SES pourrait ainsi se déployer sur le continent africain", explique Joël Cadier, son conseiller financier.

L'expert espère que la proposition - l'unique offre donc - convaincra la cour d'appel de Riom.

"Nous avons apporté toutes les garanties financières, avec notamment un chèque d'un million d'euros. Nous reprenons les crédits baux et nous prévoyons trois millions d'euros pour payer les créanciers", détaille le conseiller.

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