Mariage Spartoo-André : des négociations annuelles s’ouvrent sous tension

Quelques mois après la cession du réseau de magasins André au site de vente en ligne Spartoo, les négociations annuelles (NAO) s’ouvrent dans un climat de tension. Les représentants des salariés s’inquiètent de l’avenir des 700 collaborateurs et 120 boutiques, et de la remise en cause des avantages existants jusqu’ici au sein de la marque André, dans un climat économique difficile.
Spartoo a officiellement repris les magasins André en juillet 2018
Spartoo a officiellement repris les magasins André en juillet 2018 (Crédits : DR)

Annoncée début 2018, la cession des magasins André au géant de la vente en ligne de chaussures Spartoo se sera finalement clôturée loin des micros, en juillet dernier. Car depuis l'annonce de cette reprise au printemps, le silence est de mise du côté de la société Spartoo, qui s'est refusée jusqu'ici à tout commentaire.

Alors que cette opération devait toutefois permettre au pure-player grenoblois de 400 salariés d'atteindre le seuil des 250 millions d'euros de chiffre d'affaires, l'intégration des quelque 700 nouveaux salariés et 120 boutiques d'André constituait un défi de taille pour le géant du e-commerce. Son pdg, Boris Saragaglia, avait d'ailleurs annoncé qu'il se préparait à investir "10 à 15 millions d'euros" dans les trois à cinq prochaines années à venir en vue de moderniser une cinquantaine de magasins de la marque et d'y intégrer notamment un nouveau système informatique.

Cependant, quelques mois plus tard, le dialogue social semble encore tendu entre les deux entités. Alors que les boutiques André s'intègrent peu à peu au réseau de son repreneur, notamment à travers l'installation et l'intégration des logiciels de caisse, les représentants des salariés parlent d'un climat social délicat.

A l'heure même où s'ouvrent les NAO, qui devaient débuter début janvier, les attentes sont plus que jamais fortes :

"Cela fait cinq ans que nous n'avons pas eu d'augmentation de salaire", résume Samia Rome, déléguée centrale de Force Ouvrière (FO), 24 ans de maison.

Et les premiers signaux envoyés par la nouvelle direction auraient même jeté un froid : d'après Christophe Martin, délégué syndical à la CGT (le syndicat majoritaire chez André), la direction de Spartoo aurait remis en cause l'ensemble des accords sociaux en vigueur dans l'entreprise, signés par l'ancienne direction.

Des accords sociaux remis sur la table

"La loi stipule que la nouvelle direction a la possibilité de dénoncer les accords qui n'avaient à l'époque pas été signés par les deux parties. C'est donc ce que Spartoo a fait en septembre dernier, avec une prise d'effet au 1er janvier 2019". Une démarche qui conduirait selon lui à retirer du pouvoir d'achat aux salariés : "André a été repris, mais toutes les primes et avantages vont être moindres. La direction vient de dénoncer les primes de remplacement, qui font qu'un vendeur qui remplace un responsable de magasin ne touchera plus 25 euros de prime journalière, comme c'était le cas auparavant, pour assumer de plus grandes responsabilités", indique Christophe Martin.

D'après les syndicats, plusieurs propositions "à la baisse" ont été faites, pour aboutir finalement à une somme de 19 euros. "Nous avions un certain nombre d'accords favorables aux salariés, mais la vision de Spartoo n'est plus la même que celle de Vivarte", confirme Samia Rome, à FO. Cette dernière parle même d'une forme de "régression sociale". "Avec tout ce qui se passe aujourd'hui avec les gilets jaunes, le pouvoir d'achat est en berne et il n'existe plus aucun facteur motivant pour les salariés. Pour une vendeuse qui touche le Smic, enlever 6 euros sur une prime de remplacement représente quelque chose d'énorme".

Fin décembre, les syndicats ont adressé un courrier afin de demander l'octroi de la prime exceptionnelle de fin d'année prévue par le gouvernement.

"Celle-ci n'a pas été accordée. Nous espérions au moins un geste, même si les résultats ne sont pas au rendez-vous...", confie Samia Rome.

Un contexte économique difficile

Des discussions qui se placent également dans un contexte économique déjà difficile au sein de l'industrie du prêt-à-porter, de manière plus large, et des centres-villes, durement éprouvés par l'essor du e-commerce, mais aussi par les dernières manifestations du mois de décembre, qui ont impacté la fréquentation des commerces.

"Nos magasins perdaient déjà de l'argent l'an dernier et cela ne s'est pas beaucoup amélioré cette année avec une croissance et une consommation en berne, qui touchent de plein fouet le secteur des biens à la personne et de l'habillement. Beaucoup de boutiques ont enregistré une contribution négative au cours des derniers mois", souligne Christophe Martin.

Dès l'annonce de la reprise, les représentants syndicaux s'étaient en effet inquiétés que cette cession ne laisse place à une restructuration en 2019, et s'interrogeaient déjà sur l'avenir de 25 à 30 boutiques déjà mentionnées comme déficitaires au sein du dernier PSE mené en 2015.

Une seule chose est certaine pour l'heure : "La direction veut désormais réduire les frais de personnel en magasin, en passant de 22% à 13 ou 14%. C'en est donc fini des CDD, on passe désormais de l'intérim pour faire appel à des salariés au coup par coup, tandis que la masse salariale baisse", complète le délégué CGT. Selon lui, les recrutements des responsables seraient eux aussi gelés en l'attente de nouvelles annonces.

En conséquence, "il existe désormais un certain nombre de magasins où les employés travaillent seuls en journée. Nous n'étions pas habitués à ça", complètent les délégués syndicaux.

Plus qu'un événement précis, c'est tout un changement de culture qui semble se profiler face aux salariés de la marque André.

"Nous avons d'un côté une société âgée de 120 ans avec des collaborateurs qui ont déjà réalisé une longue carrière au sein du réseau, et de l'autre, une startup qui promeut une culture jeune et dynamique", affiche Christophe Martin.

Dans un tel contexte, les représentants syndicaux affirment qu'un certain nombre de départs ont déjà eu lieu. "Les gens partent d'eux-mêmes car ils ont peur de l'avenir et ne travaillent plus du tout de la même façon. Au total, plus de 70 personnes ont quitté l'entreprise depuis juillet dernier et ces départs ne sont pas systématiquement remplacés", affirme la représentante de FO.

Un chiffre non confirmé à ce jour par la direction, qui n'a retourné aucune de nos demandes d'interviews depuis cet été.

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