Comment l'entreprise française Klokers valorise le swiss made

Dans un marché de l'horlogerie où les exportations suisses sont en recul depuis 14 mois consécutifs, un nouvel acteur franco-suisse lance ses modèles de montres vus comme des accessoires de mode. Siège social installé à Annecy et production côté Helvète, cette jeune pousse compte bien bouleverser le "marché de l'horlogerie traditionnelle". Entretien avec les deux co-fondateurs de Klokers.

Klokers est né de la rencontre en 2013 entre Nicolas Boutherin et Richard Piras, qui partagent la même vision sur un futur concept horloger. Créée en 2014 et basée à Annecy, la société produit ses modèles à Eysins (Canton de Vaud) et travaille avec une douzaine de sous-traitants jurassiens valorisant le swiss made.

De passage à Genève, pour leur quatrième levée de fonds auprès d'investisseurs, les créateurs de Klokers ont choisi la France pour plusieurs raisons : parmi-elles, le financement attractif dans l'Hexagone, et la volonté de ne pas être associé au cluster horloger genevois dans "le contexte actuel de désillusion", Klokers voulant se préserver "d'une vision de prêt-à-penser d'un secteur en déclin". Ils sont présents ce mercredi au salon Invest à Genève.

Klokers procède à sa quatrième levée de fonds en deux ans. De quel financement disposez-vous ?

Créé en 2014 avec un capital de 100 000 euros, Klokers a levé 450 000 euros la première année auprès de business angels et family offices français, suisso-canadien, canadien, franco-américain et sud-africain et 1,45 million la deuxième année auprès de ces investisseurs historiques. En parallèle nous avons obtenu un prêt de 600 000 euros en deux tranches (260 000 la première année et 340 000 la deuxième) auprès de Bpifrance. Et enfin des dons via la plateforme de crowdfunding Kickstarter de 605 000 euros, qui nous ont surtout aidés à tester le marché au niveau mondial.

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C'est-à-dire?

Nous avons choisi Kickstarter, première plateforme mondiale, comme rampe de lancement marketing et commercial et pas seulement comme financement d'un prototype. Nous voulions déployer notre marque au niveau mondial. Le financement par crowdfunding n'est pas suffisant dans l'industrie horlogère fortement consommatrice de capital. En l'espace de 8 minutes, nous avions récolté 50 000 euros de dons et 200 000 en deux heures, puis 300 000 en 3 jours pour aboutir à 605 000. Ce qui fait de Klokers le huitième projet le plus rapide sur Kickstarter.

En 72 heures, vous savez si votre société est une réussite ou un échec. C'est aussi une arme à double tranchant. Dans notre cas, ce succès nous a aussi permis de lever d'autres fonds et surtout d'obtenir la visibilité internationale (40 % en Europe, 30 % aux Etats-Unis et 30 % en Asie).

Pour quelles raisons avez-vous choisi Annecy et non Genève pour y établir le quartier général de Klokers?

Les raisons sont multiples. En premier lieu, elles sont liées au financement. En France, la Bpi offre des taux zéro substantiels avant même le lancement du produit. Offre que nous ne retrouvions pas en Suisse romande. La CTI intervient pour des projets à un stade plus avancé. En deuxième lieu, elles ont lieu à une volonté de s'éloigner du creuset de l'horlogerie traditionnelle genevois.

La désillusion du marché du luxe et notamment l'horlogerie - fleuron de l'industrie suisse - est née en octobre 2008. Dès lors, l'effet ciseau entre l'offre de luxe et le marché est la conséquence de la volumétrie prônée par les groupes cotés poussés par leurs actionnaires. Le luxe n'est pas réinventé pour s'adapter à cet effet. Klokers se base sur les attentes du marché actuel et s'éloigne de la verticalisation et de la codification du marché de l'horlogerie traditionnelle. Nous voulons garder un œil extérieur en nous préservant du prêt-à-penser. Nous sommes à l'opposé de la manufacture horlogère.

Quel est le positionnement de Klokers?

Klokers est une marque issue de la fashiontech, qui cible la creative class, marché composé de 300 000 millions de personnes dans le monde entier, qui cherchent des produits design au prix du marché actuel. Nous nous sommes inspirés des études sociologiques de Florida et nous estimons notre cœur de cible à 80 millions de personnes parmi lesquels les bobos, les hipsters.

Nos montres se situent dans un créneau de prix inférieurs à 900 euros. Nous avons réussi à relever un défi économique: celui de maîtriser notre supply chain pour offrir des produits swiss made à ces niveaux de prix attendus par le marché (money for value).

Votre production est située à Eysins (VD) où vous employez 5 personnes. Vous travaillez avec une douzaine de sous-traitants en Suisse. Quel impact sur l'emploi indirect en Suisse?

Difficile de répondre à cette question à ce stade. Notre objectif de ventes s'élève à 200 000 montres par an d'ici 2020. Nous considérons nos sous-traitants comme des partenaires. Nous en avons choisi 12 sur une centaine visitée. Certains sont également investisseurs. Ils sont modifié leur outil de production pour s'adapter à notre demande. Ils ont travaillé sur des matériaux non conventionnels issus de l'industrie aéronautique ou automobile.

Ensemble, nous avons fait progresser le savoir-faire de nos sous-traitants avec un travail plus performant sur les matériaux, sur la structure des composants, sur la précision. L'horlogerie est une industrie de volume à laquelle nous appliquons une démarche transdisciplinaire.

Quel sera le canal de distribution de Klokers?

Via des magasins horlogers non phagocytés par les grands groupes. Dans les concept stores / fashion stores et via nos e-shops.

Et si un grand groupe coté faisait l'acquisition de Klokers?

Ce n'est pas hors de propos. Et cela signifierait que l'industrie a pris la mesure de la nécessité vitale de l'innovation.

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