Alliance EMLYON - Grenoble EM : "Notre modèle ? Air France KLM ou Renault Nissan"

EMLYON business school et Grenoble Ecole de Management (GEM) se fiancent. Raisons, objectifs, conditions de réussite, obstacles : les deux directeurs respectifs, Bernard Belletante et Loïck Roche, détaillent le déploiement de ce « coup de tonnerre » dans le monde des écoles de commerce. Pour l'heure, la fusion n'est pas envisagée. Mais « tout est ouvert », reconnaissent-ils, si les premières étapes de cette « 3e voie » qu'ils veulent modéliser sur les alliances Renault-Nissan et Air France-KLM sont accomplies avec succès.

Acteurs de l'économie - La Tribune. EMLYON Business school et Grenoble Ecole de Management annoncent une alliance stratégique, baptisée Alliance Lyon Grenoble Business School. Ces fiançailles constituent un coup de tonnerre dans le monde des business schools...

Bernard Belletante et Loïck Roche. Effectivement. Cette alliance est une « première » à plusieurs titres : elle concerne des établissements du « Top 6 », d'une même région, qui n'ont jamais été aussi forts, et qui bâtissent à parité. Et les circonstances étaient idoines : les directions, les tutelles, et les équipes respectives étaient prêtes.

A quelles contraintes et à quels objectifs répond-elle ?

BB. Ce qui dicte en premier lieu ce rapprochement, c'est le bon sens, l'examen des réalités et l'ambition. En effet, pour « peser » significativement dans le concert mondial des grandes business schools, il faut être capable d'investir massivement dans les systèmes informatiques - amortis proportionnellement au nombre d'étudiants accueillis -, la digitalisation, et le développement à l'international.

Pour cela, il faut des moyens. Les trois grandes écoles parisiennes, qui toutes émanent de la CCI Paris Ile-de-France, sont dotées de budgets culminant à 100 millions d'euros. Ceux des récents mariages Skema (ex-Sup de co Lille et Nice) et Kedge (ex-Euromed et Bordeaux EM) sont du même ordre. L'alliance d'EMLYON Business school et de GEM nous place au moins au même niveau.

Mais elle a surtout beaucoup de sens, à la fois territorial, stratégique, et « métiers ». L'alliance nous assurera d'être encore plus performants au service des entreprises d'Auvergne Rhône-Alpes. Les domaines d'excellence sont complémentaires : GEM se distingue particulièrement en innovation et management des technologies, EMLYON dans les domaines de l'entrepreneuriat et du new business. Enfin, nos représentations effectives à l'étranger - Shanghai et Casablanca pour EMLYON, Londres pour GEM - permettent à l'ensemble de rayonner sur les trois grands continents européen, asiatique et africain.

Ces fiançailles préfigurent-elles d'ores et déjà un mariage ?

BB. Ce n'est pas à l'ordre du jour et ce n'est pas envisagé. Loïc et moi avons reçu de nos tutelles la mission d'initier et d'enclencher le processus d'alliance, et pour cela avons élaboré un calendrier précis. Dès septembre 2016, la plate-forme stratégique sera définie et les premières actions seront déployées.

LR. Nous pouvons parler de « troisième voie » : ni isolement ni fusion. Nous sommes animés d'une volonté : réussir à mettre en place les conditions pour créer plus de valeurs académique, sociétale et économique. Toutes nos énergies, aujourd'hui, doivent être tendues pour mettre un pouvoir en face de ce vouloir. Pour ce qui est de demain, l'avenir est ouvert.

L'architecture de cette alliance pourrait-elle s'inspirer des modèles Renault-Nissan et Air France-KLM ?

BB. En quelque sorte, oui. A terme, une fois que nous aurons démontré le bienfondé de l'alliance et accompli concrètement les premières étapes, une structure commune d'où rayonnent deux marques propres pourrait être adoptée. Ce que Centrale Paris et Supelec ont réalisé dans ce registre est un exemple.

Lire aussi : EMLYON et Grenoble Ecole de Management : les fiançailles

Bernard Belletante, votre expérience des fusions - alors directeur général d'Euromed, vous avez « accouché » la naissance de Kedge - devrait s'avérer précieuse tant les obstacles à l'accomplissement d'une telle alliance sont nombreux...

BB. Alliance Lyon Grenoble Business School, c'est à deux que nous allons la mener, Loïck et moi. Que nous nous cotoyions professionnellement depuis une quinzaine d'années et qu'il m'ait succédé à la présidence de l'Association des écoles de management, démontre une proximité qui sera précieuse. Y compris pour que nous honorions le principal enseignement que j'ai tiré de la création de Kedge : le facteur humain et la définition d'un rôle pour chaque collaborateur dans le futur ensemble sont des conditions capitales de réussite. Tout comme, d'ailleurs, la prise en compte des réactions ou des attentes des (futurs) diplômés ; eux aussi doivent être accompagnés dans le processus de transformation. Ces trois enjeux sont les plus importants et les plus sensibles, car finalement le volet « technique » du rapprochement est, lui, plutôt limpide.

Porter l'Alliance vers un niveau inédit d'agilité, de compétitivité, d'internationalisation, et d'innovation digitale, constitue un changement profond, et même une rupture d'avec les pratiques antérieures. C'est porteur de grandes espérances mais aussi, et c'est normal, d'inquiétudes. Guider et escorter les collaborateurs dans ce bouleversement figure parmi nos principales responsabilités.

LR. Cette alliance, nous l'avons voulue, pensée et travaillée avec le plus grand soin et la plus grande détermination. Tout a été réuni pour que chaque point de vulnérabilité soit dépassé. Avec EMLYON Business school, nous partageons un même territoire, une même culture d'innovation et d'entrepreneuriat. Nous sommes emblématiques des nouvelles formes d'économie, et visons un dessein commun : contribuer à la compétitivité de l'enseignement supérieur et de la recherche en sciences de gestion, et donc contribuer à la compétitivité de la France.

Autre condition clé de réussite : les gouvernances périphérique - composition du conseil d'administration, rôle dévolu aux chambres de commerce et aux institutions - et interne. Comment l'organe, les instances et les circuits décisionnels seront-ils orchestrés ?

BB. Le sujet est à l'étude. L'ensemble des cartes sera rebattu. Une certitude toutefois : la Région Rhône-Alpes, la métropole de Lyon, les CCI Rhône-Alpes, Lyon et Grenoble qui se sont mobilisées avec enthousiasme dans ce projet participeront à cette gouvernance.

La Ville et l'agglomération grenobloises ne sont pas parties prenantes de la gouvernance de l'école. La « politique » pour le moins singulière de la municipalité « verte » souscrit-elle à cette alliance ?

LR. La Ville et la Métro ont toujours porté un regard bienveillant sur GEM. Qu'il s'agisse de la gouvernance de l'école et des élus, nous tous partageons l'idée que nous ne pouvons vivre en faisant abstraction de l'autre. Nous sommes tous au service du territoire, de la performance de ses entreprises, et de la société.

Le statut juridique de GEM va changer - l'établissement était filiale à 100 % de la CCI, il accède au rang d'Etablissement d'enseignement supérieur consulaire -, et donc celui du personnel de l'école va lui aussi évoluer. Une source d'inquiétude supplémentaire susceptible de freiner la dynamique d'adhésion ?

LR. Je ne le pense pas. La CCI conservera une majorité du capital, et les salariés sauront saisir toutes les opportunités que permettra ce changement de statut : une plus grande agilité dans notre management à tous les étages, une gouvernance au plus près de celle qu'on peut trouver en entreprise et qui nous permettra de répondre aux enjeux. Nous disposerons ainsi de nouveaux leviers de développement extrêmement prometteurs dans de nombreux domaines. Cela se fera au bénéfice de GEM, des entreprises, mais également de l'ensemble de ses parties prenantes au premier rang desquelles figurent les étudiants et les collaborateurs.

Pour des raisons politiques, culturelles, économiques, les forces vives de Grenoble et de Lyon n'ont jamais exploité leur important potentiel collaboratif. Cette alliance peut-elle participer à y remédier ?

LR. Sa vocation première n'est pas d'être un « trait d'union » entre Grenoble et Lyon. Maintenant si de surcroît elle peut permettre de dépasser les clivages, favoriser les coopérations, et exercer un rôle libérateur de leurs nombreuses potentialités, nous en serons très heureux.

En définitive, qu'elle s'adresse aux collaborateurs d'EMLYON et de GEM, aux instances de gouvernance, aux élus, comme à l'ensemble de nos parties prenantes, la philosophie de cette alliance se veut conforme à la maxime d'Albert Jacquard : « Être plus fort que soi est plus important qu'être plus fort que l'autre ».

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Commentaire 1
à écrit le 29/03/2016 à 18:02
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Point de vue d'un ancien de l'EM Lyon, cette alliance est une très bonne idée. En pratique, et pour une bonne mutualisation des étudiants et professeurs des deux campus, il faut envisager un transport en site propre ou rapide campus EM Lyon / Central...

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