"Les patrons comprennent qu’il faut chercher les ressources là où elles sont"

L’insertion par l’emploi concerne aussi bien les grandes entreprises que les start-up. Dans sa volonté de réunir les personnes en recherche et le monde économique, la Métropole s’appuie sur des partenaires impliqués, soucieux d’innover pour faciliter la rencontre et les échanges. Illustration avec la CPME du Rhône et son directeur de la Nouvelle Économie, Cyril Ihssan-El Younani.
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(Crédits : Chassignole/Métropole de Lyon)

Qu'est-ce qui freine les entreprises à se tourner vers l'insertion aujourd'hui ?

Cyril Ihssan-El Younani : Les dirigeants ne savent pas forcément ce que pourrait leur apporter le recrutement d'une personne en insertion. C'est un univers qu'ils connaissent mal, ils ignorent encore vers qui se tourner ou comment travailler avec les dispositifs en place. Ils sont aussi inquiets concernant l'intégration des profils en insertion. Les entrepreneurs ont également peur de rater leur recrutement, ce qui pourrait avoir des conséquences importantes sur leur business. La CPME du Rhône est donc là pour les aiguiller et leur apporter des retours d'expérience.

Pourquoi la CPME s'est-elle emparée de la question de l'insertion ?

Tout a commencé il y a quatre ans quand nous nous sommes positionnés sur les start-up via notre lieu dédié CPME for h'all by SACVL. Ainsi, nous avons découvert un autre univers, avec des codes différents des T-PME traditionnelles auxquelles l'organisation patronale s'adresse. Nous avons créé des passerelles entre les dirigeants et les start-uppers, autour des questions de nouvelle économie, de crowdfunding... Ces deux mondes, qui à cette époque ne se regardaient pas vraiment, ont commencé à travailler ensemble. Cette expérience nous a montré que la CPME du Rhône avait un rôle de facilitateur à jouer. Alors, quand la Métropole a pris en charge la compétence de l'insertion professionnelle, nous avons souhaité participer, être un carrefour entre l'insertion et l'entreprise.

Cela fait également partie de nos valeurs, la dimension humaine et sociale a toujours été importante pour notre président François Turcas.

Les start-up sont-elles plus sensibilisées à l'insertion ?

Oui ! Les start-up ont une vision plus communautaire. Leur environnement est moins codifié et elles sont davantage perméables à des profils venant de tous horizons. Je me suis d'ailleurs rendu compte, en rencontrant des dirigeants de start-up, qu'un nombre significatif d'entre eux étaient au RSA. À leurs yeux, c'est un détail sans importance. Nous les invitons régulièrement à témoigner à la Villa, le siège de la CPME à Lyon. Ces récits sont inspirants. Ils montrent qu'on peut avoir été au RSA et rebondir dans l'entrepreneuriat, qu'on peut être encore au RSA et recruter des personnes elles-mêmes au RSA ou pas... Cela prouve aux bénéficiaires des minima sociaux qu'ils sont les bienvenus dans l'univers de la CPME.

Comment endossez-vous ce rôle de facilitateur en matière d'insertion ?

Nous nous sommes mis autour de la table, avec la Métropole et des acteurs privés très concernés comme AG2R La Mondiale. Ensemble, nous avons réfléchi sur la façon pertinente et efficace de réunir ces deux mondes. Nous sommes tous convaincus que la richesse naît de la différence et qu'en ne laissant personne sur le carreau, nous serons plus performants sur le territoire. Notre volonté a été de s'appuyer sur la nouvelle économie et d'incarner ce projet par le dispositif : Révèl' & Vous, composé d'un événement majeur et d'ateliers.

À qui s'adresse ce dispositif ?

Aux trois cibles de l'insertion. Tout d'abord les dirigeants d'entreprises, qui sont des êtres humains avec des stéréotypes à casser. Puis, les bénéficiaires des minima sociaux, afin de leur montrer que les portes du monde économique leur sont ouvertes. Enfin, les acteurs de l'insertion. Nous souhaitions leur partager une nouvelle posture, celle du soutien (et non en accompagnement) pour aider l'autre à se révéler. Il ne s'agit pas d'ouvrir le chemin mais d'en être une des balises. La réunion de ces trois acteurs tel que le dispositif le prévoit était un projet audacieux !

Comment se matérialise-t-il ?

Tout d'abord par un grand événement, Révèl' & Vous, réunissant 150 personnes pendant une journée au Campus HEP - René Cassin (Lyon 9e). Le principe de la première édition ? Que chacun des acteurs soit anonyme. Personne ne sait s'il a en face de lui un chef d'entreprise, un bénéficiaire du RSA ou un acteur de l'insertion. Des groupes mixtes sont constitués, avec l'aide de Waoup et ils travaillent autour d'une thématique d'entreprise. Ils doivent concevoir le pitch et le modèle économique. C'est très enrichissant d'observer l'évolution des personnes, entre le début et la fin de la journée. À l'issue, tout le monde était surpris de se révéler. On avait réussi à gommer les préjugés et à oublier les statuts.

Nous avons aussi créé des ateliers. Le premier au service des acteurs de l'insertion, qui ont pu rencontrer des start-up membres de notre réseau dont les dirigeants avaient été allocataires du RSA. L'objectif était d'échanger sur la façon dont ils auraient pu être accompagnés. Le second atelier s'adressait aux chefs d'entreprise et visait à les aider à recruter autrement, sans CV !

Comment évolue l'événement ?

La deuxième édition s'est tenue le 8 octobre dernier. Nous avons repris les mêmes ingrédients et ajouté la participation de La Source, spécialiste de l'E-sport. Nous avons ainsi utilisé le jeu vidéo comme base d'identification des soft-skills. Cet outil est révolutionnaire et se répand de plus en plus dans les process de recrutement. La notion de jeux vidéo et physiques était le fil rouge de la journée. Les participants ont travaillé autour de l'intelligence collective, le travail collaboratif, la recherche des atouts des autres et des siens. Cela était très concret et les chefs d'entreprise ont pu réutiliser ces méthodes dans leur organisation. Encore une fois, les retours ont été touchants. Les patrons ont compris la nécessité de recruter autrement, des RDV ont été pris entre les participants...

Avez-vous l'impression que les choses bougent ?

Oui, les patrons comprennent qu'il faut chercher les ressources là où elles sont. Il faut arrêter de se concentrer sur le CV et les diplômes et privilégier les individus. Ensuite, la formation fait le travail. Dans cette dynamique, l'insertion est plus fluide. Les dirigeants ont recours à des actions dites sociales tout en respectant l'objectif économique de n'importe quelle entreprise.

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