Ces entreprises pour lesquelles l'homme est bon

On les appelle les entreprises libérées. Elles font sauter hiérarchie, statuts, défendent un management collectif, le « nous » plutôt que le « je ». Leur credo : l'homme est bon ! Les neurosciences, en brandissant un cerveau humain câblé pour l'empathie, leur donnent raison. Exemple avec Teractem.

Les 60 salariés de Teractem, aménageur et opérateur pour les collectivités locales, basé à Annecy, s'en souviennent précisément. C'était le 1er juillet 2013. André Barbon, jusque-là directeur adjoint, prend ses fonctions de directeur général.

Il brandit La belle histoire de Favi, l'entreprise qui croit que l'homme est bon, ouvrage de Jean-François Zobrist, et se lance dans un discours révolutionnaire. Hiérarchie, statuts, pouvoirs, pratiques de management : il faut tout faire sauter. Apprendre à travailler autrement, ensemble.

« Ce livre avait été une révélation pour moi. Ce qu'il raconte est tellement vrai. Alors pourquoi ne l'applique-t-on pas ? », interroge Axelle Milochevitch entrée chez Teractem en 2012 comme secrétaire générale.

Contrairement à certains salariés sceptiques, elle l'accepte sans sourciller. Et devient, comme directrice adjointe, la cheville ouvrière de cette révolution : faire de Teractem « une entreprise libérée ».

L'autre n'a pas forcément tort

« Teractem était une entreprise très commande, contrôle, une armée mexicaine avec des chefs, des sous-chefs. En outre, elle emploie principalement des ingénieurs, des techniciens, pour qui la relation humaine n'était pas une priorité. »

Cette libération passe par une meilleure communication, des formations pour diffuser une autre manière de travailler. On y parle communication non violente, pensée positive. Chaque salarié passe le test MBTI (un outil d'identification des dominantes psychologiques des personnes).

« Pour ne pas rester sur sa vision, mais comprendre celle de l'autre et surtout comprendre qu'il n'a pas forcément tort. »

Axelle fait venir des conférenciers, en particulier des spécialistes des neurosciences.

Concrètement, la barrière des places de parking saute, tous comme les places réservées aux cadres. D'ailleurs, tout le monde peut se dire « cadre ». Chacun pose ses congés, même pour un après-midi, comme il le souhaite, l'intéressement aux résultats financiers est le même pour tous.

Des communautés de pratiques par métier se constituent (il y a les spécialistes du foncier, de l'eau, de la gestion des marchés publics, de la construction, etc.) pour œuvrer collectivement, sans chef.

« C'est le premier frein, lâcher le pouvoir, renoncer à l'ego », souligne Axelle Milochevitch.

Pas de retour en arrière

Ils sont partis vent debout, ont fait exploser toutes les barrières, apprennent en avançant. Il a bien fallu remettre un zeste de hiérarchie, peaufiner de manière plus claire et précise les objectifs.

« Bien sûr, nous donnons des objectifs aux salariés, nous demeurons une entreprise. Mais ce qui compte, c'est le résultat, pas la manière d'y arriver. »

Se sentant investis et responsables, certains se sont mis trop de pression.

« Pour les managers, lâcher le pouvoir n'est pas facile. Et pour d'autres, prendre des responsabilités s'avère difficile. »

Un an plus tard, un questionnaire a permis de faire le point sur cette « libération ». 70 % des salariés ne veulent plus revenir en arrière, huit ont une vision négative du processus, une personne est même partie, car cela ne lui convenait pas. Ce n'est pas forcément facile d'être heureux dans une entreprise libérée.

Il demeure que dans un environnement bousculé (tous les clients de l'entreprise sont des collectivités locales), Teractem a connu, en 2014, une de ses meilleures années depuis sa création il y a plus de 50 ans. Libérée, l'entreprise s'adapte mieux aux soubresauts du marché.

L'absentéisme de courte durée a diminué, les salariés travaillent mieux ensemble, le climat social, certes peu tendu, est encore plus fluide.

« Les gens sourient, partagent ensemble la pause-déjeuner. La plupart des résultats de cette libération sont non chiffrables », conclut la directrice adjointe.

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