Écoles et entreprises : les nouvelles formules pédagogiques

Face à l’apparition de nouveaux enjeux (génération Y, transformation digitale, etc.), les partenariats écoles-entreprises dépoussièrent l’image traditionnelle de l’enseignement supérieur à la française, avec, à la clé, des accords qui se veulent gagnants-gagnants. Notamment pour les étudiants.

Pour séduire les entreprises tout en collant aux besoins de la génération Y, les écoles doivent à leur tour innover dans le contenu de leurs formations. Développement de Moocs, plateformes collaboratives, incubateurs, apprentissage par l'expérience et immersions au sein des entreprises : la révolution digitale se transpose jusque dans les salles de classe, pour développer l'expérience et le savoir-être des jeunes et démontrer leur adaptabilité au monde de l'entreprise. "La tendance globale est de s'inspirer du réel à travers l'action learning, en travaillant sur des cas d'entreprises", glisse Marc Pérennès, responsable du pôle employabilité à EMLYON. "Nous travaillons sur des business cases inversés, à partir de méthodologie et de résolution de problèmes, qui mettent l'entreprise au cœur de la pédagogie", souligne Agnès Brandy, directrice de la relation commerciale et entreprises à Grenoble École de Management (GEM).

Les Moocs ont le vent en poupe : l'école de commerce grenobloise en a développé deux sur la digitalisation des services et l'énergie, au cours desquels les entreprises Hardis et Air Liquide interviennent dans l'élaboration du contenu. Elles s'en servent ensuite auprès de leurs collaborateurs pour développer leurs compétences. L'IAE Lyon, de son côté, en a conçu un relatif à la cartographie des processus métiers avec l'Université Jean-Moulin, qui a permis de certifier quelques 1 000 des 6 000 inscrits. "Nous réfléchissons à une version 2 avancée, à bâtir autour d'un diplôme de formation continue", annonce Jérôme Rive, président de l'IAE Lyon et des IAE de France.

L'université Catholique de Lyon (Ucly) s'est, elle, inspirée de son homologue lilloise pour la mise en place d'une salle de coworking et de codesign au sein du campus Saint-Paul à Lyon - qui accueille aussi la business school de l'université, l'Esdes -, avec des espaces de travail modulables et des écrans muraux. Dans certains programmes comme la théologie, l'e-learning est d'ailleurs présent depuis longtemps, pour former les moines. "Ce ne sont pas des Moocs sous forme de vidéos, mais l'ensemble des cours est accessible en ligne. Environ la moitié de nos 8 000 étudiants les suivent", précise Olivier Frérot, vice-recteur de l'Ucly.

À l'université de Savoie, on ne croit pas beaucoup aux Moocs, "étant donné le taux d'abandon", mais plutôt au format hybride. "Nous misons sur une méthodologie différente : nos professeurs sont formés à appliquer un tempo sur un cours de deux heures et à accompagner davantage les étudiants", explique Thierry Rolando, responsable pédagogique du master Banque à l'IAE université Savoie Mont Blanc et qui table aussi sur l'alternance pour faire évoluer les codes. "Nous avons compris qu'en master, le moment n'était plus aux cours trop théoriques. L'essentiel d'un métier s'apprend désormais en entreprise."

Des sources de financement nécessaires

Huit ans après la loi LRU (Libertés et responsabilités des universités) qui avait accordé une certaine autonomie aux universités, force est de constater que le financement de l'enseignement supérieur est encore en déséquilibre. D'après un rapport présenté à la Cour des comptes à la rentrée 2015, les universités seraient encore trop dépendantes des financements publics. Et la réforme de la taxe d'apprentissage ne va pas faciliter la donne, en rendant la collecte plus morcelée. Au Crédit Agricole Sud-Rhône-Alpes, les 500 000 euros versés annuellement dans le cadre de la taxe d'apprentissage sont redistribués au sein des écoles partenaires : "Nous essayons de ne pas trop nous disperser, pour que les écoles continuent leur travail de qualité, car tout le monde s'y retrouve", estime Alexandre de Gmeline, chef du service développement des ressources humaines du Crédit Agricole Sud-Rhône-Alpes.

"Lorsque nous développons des actions avec une entreprise depuis plusieurs années, elle aura tendance à faire un choix plus sélectif lors du versement de la taxe", veut croire Marc Pérennès, responsable du pôle employabilité à EMLYON. D'autres, comme Thierry Rolando, à l'IAE Université Savoie Mont Blanc, misent sur le volet de la recherche, "que n'ont pas d'autres établissements", pour se distinguer et collecter la taxe. "Nous ne sommes pas une entreprise : une bonne partie de nos dotations viennent de l'État, mais si nous nous en contentons, nous assurons tout juste notre fonctionnement", constate Alain Asquin, vice-président de l'université Jean-Moulin Lyon 3. Avec 20 % de ressources propres, l'université vise à développer la formation continue et les contrats de recherche et à percevoir davantage de taxe d'apprentissage.

Un dynamisme forcé ?

Bien que la structure de leur financement ne soit pas la même, les écoles privées sont aussi touchées et doivent s'avérer créatives. À Grenoble école de Management, le cumul des ressources issues des entreprises (formation continue, alternance, participation à des chaires et projets de recherche, versement de la taxe d'apprentissage) représente de 25 % à 33 % du budget de l'école. Même contexte à l'Université Catholique de Lyon, où 80 % des revenus proviennent de l'inscription des étudiants, tandis que les dotations de l'État représentent encore 12 %. "Nous devons jouer davantage sur le mécénat, les programmes de recherche et les chaires, car nous ne pouvons pas augmenter nos frais de scolarité", estime Olivier Frérot, vice-recteur.

À EMLYON, où les financements de la CCI se réduisent aussi, Marc Pérennès voit dans ces contraintes un moteur pour innover : "C'est l'explication du dynamisme des grandes écoles. Nous devons être performants pour attirer de nouvelles ressources." L'école a développé des partenariats avec des entreprises comme IBM, qui lui ont permis de rénover un hall (rebaptisé depuis IBM Hall) en janvier dernier et de s'offrir un accompagnement personnalisé vers la digitalisation. Financée par le Crédit Agricole Centre-Est, une bibliothèque de nouvelle génération, proposant un espace de travail innovant et digitalisé (le Learning Hub), a également vu le jour.

Autre modèle, l'Inseec Chambéry se positionne davantage sur la formation continue, le développement de l'alternance et la taxe d'apprentissage, tandis que la présence des entreprises à des événements (business week, job dating) ainsi que les cas apportés par les entreprises constituent des prestations gratuites.

Réputées pour être proches des entreprises, les écoles d'ingénieurs ont elles aussi développé une large gamme de partenariats. À l'École Centrale de Lyon, le directeur Frank Debouck rappelle que "si demain, nous observons des difficultés sur un métier, nous reverrons forcément notre recrutement ou notre formation pour coller aux besoins". L'une des clés du succès ? L'alternance, qui ouvre la porte aux entreprises. "Nos formations durent officiellement trois ans, mais en réalité, c'est plutôt quatre, avec les doubles diplômes et les années de césure en entreprise. Le temps passé en entreprise et à l'école est souvent réparti à parts égales." Même chose à VetAgroSup Clermont, où l'on compte 46 semaines de stages au sein des trois ans de cursus.

Des financements à développer

Face à la baisse de la taxe d'apprentissage, l'École Centrale de Lyon développe d'autres activités comme les contrats de recherche (qui représentent un quart de ses revenus), des prestations de services, des appels à projets de l'État et du mécénat. Classée 5e école mondiale du Times Higher Education, l'EC Lyon mise particulièrement sur les contrats de recherche : "Pour les travaux de première et deuxième années, une participation symbolique est demandée pour partager le coût d'achat des équipements de recherche", explique Frank Debouck.

À VetAgroSup, l'accent se porte également sur les contrats de recherche, des projets FUI (fonds unique interministériel) en lien avec des pôles (cluster Nutravita, Céréales Vallée) et des prestations d'analyse de laboratoire dans l'agroalimentaire à Clermont et dans le domaine des études précliniques à Lyon. Pour Étienne Josien, directeur du campus de Clermont-Ferrand, l'essentiel n'est pas forcément l'aspect financier, mais bien le rayonnement généré par ces contrats. "Cela a un effet démultiplicateur quant à l'attractivité de l'école et des répercussions indirectes sur le recrutement des étudiants."

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