Réseaux d'anciens, au tour des lycées

Encore plus discrets que les réseaux des anciens étudiants de grandes écoles, plus puissants et organisés, les réseaux des anciens élèves de lycées commencent sérieusement à tisser leur toile. Avec les avantages de réunir des hommes et des femmes aux profils hétéroclites et non formatés, motivés tant par le souvenir que les affaires.

Ils sont quelques-uns à avoir répondu présent à l'invitation du proviseur du lycée du Parc pour animer l'une des conférences de la semaine du centenaire de l'établissement, en octobre. Des anciens élèves, aujourd'hui figures médiatiques (Christophe Barbier, directeur de la rédaction du magazine L'Express et l'astrophysicien Marc Lachièze-Rey ont confirmé leur présence), qui en profiteront certainement pour raconter leurs anecdotes et souvenirs devant des anciens camarades de classe et la jeune génération de lycéens.

Centenaire du Parc

Un événement dans la vie du "plus gros lycée de province" (2 000 élèves, dont 700 en second cycle), pour lequel le comité de pilotage espère attirer de nombreux anciens mais aussi quelques personnalités du monde économique, politique et académique, passées par le Parc durant leurs années d'études dans le secondaire. Mais derrière les festivités de l'anniversaire de la création du lycée en 1914, l'action de Pascal Charpentier prend un autre sens. Le proviseur entend ainsi redynamiser son réseau d'anciens élèves en capitalisant sur son statut de lycée prestigieux, au même titre que Louis-Le-Grand ou Henri IV à Paris, qui a vu passer des milliers de personnes.

"En m'appuyant sur la dynamique du centenaire du lycée, j'aimerais enclencher le projet de création d'une fondation afin de constituer un carnet d'adresses sur le modèle des grandes écoles. À partir de cela, elle pourra envisager plusieurs actions, notamment récolter des fonds pour aider des élèves, ou faire du mécénat pour soutenir l'école dans une période où les finances publiques se raréfient."

Pascal Charpentier

Pascal Charpentier proviseur du Lycée du Parc à Lyon.

Une bonne part du gotha lyonnais

Le proviseur voudrait alors sensibiliser très largement ses anciens, au portefeuille parfois bien fourni - une bonne part est issue du gotha lyonnais. Pascal Charpentier n'ignore pas que son futur réseau devra être actif pour attirer des anciens qui préfèrent s'engager dans leur réseau professionnel ou de grandes écoles, plutôt quand dans une association de "souvenirs", alors même que leur sentiment d'appartenance affective pour leur lycée peut être plus fort. Il regrette ainsi que "les grands patrons ne se sont pas précipités pour financer le centenaire".

Une situation que rencontrent ces établissements scolaires qui cherchent de plus en plus à casser cette image en voulant travailler leur long carnet d'adresses d'anciens, mais peinent encore à se faire une place dans le grand marché des réseaux professionnels dominé par ceux des grandes écoles. Très puissants et organisés, ces derniers sont devenus essentiels pour bâtir une carrière mais restent très fermés, cloisonnés à des filières. "Les HEC Finance vont se retrouver entre eux, c'est très bien mais ils feront des clones", annonce Hervé Bommelaer, ancien de l'école Alsacienne et auteur de "Trouver le bon job grâce au réseau ". Encore sous-estimés, les réseaux des anciens de lycées ont donc du mal à exister ; néanmoins, en se démarquant, ils pourraient bien devenir les nouveaux réseaux de demain.

Le réveil des anciens lycéens

Longtemps, les associations des anciens élèves de lycées se sont résumées à des associations organisant des rencontres annuelles, repas de Noël, sorties découverte. Des rassemblements en souvenir du bon vieux temps où la moyenne d'âge, souvent élevée, n'aide pas à attirer les plus jeunes, qui leur préfèrent les réseaux sociaux. Ceci étant, ces dernières années, une génération habituée du réseautage et à l'aise avec le numérique, voit dans ce type de réseaux, un intérêt indéniable.

"Le potentiel est gigantesque", s'exclame Thomas Legrain, président de l'association des anciens de Hoche, lycée public de Versailles, près de Paris. Associé dans un cabinet de conseil en communication, l'homme perçoit dans les réseaux de lycées, un "formidable" outil pour développer sa vie professionnelle, de même niveau que celui des grandes écoles. "Le flux et les profils sont même plus importants et variés", estime-t-il. "Un avantage indéniable", ajoute Marc Duranteau. Président de l'association Annuaire Louis-Le-Grand, célèbre établissement public parisien, il entreprend de structurer ce réseau développé mais resté informel, et crée un annuaire en ligne, en janvier dernier. "En moins de quatre mois, grâce au bouche-à-oreille, 900 personnes se sont inscrites, dont 500 sont dans la vie active". Un "succès" que l'ancien interne, passé ensuite par Polytechnique, met au crédit du fort sentiment d'appartenance des anciens à leur lycée du Ve arrondissement de Paris. Une particularité à laquelle seuls quelques rares établissements français peuvent prétendre.

Une diversité importante

"On y est attaché car l'on peut suivre la même scolarité dans un établissement, entrer en maternelle et en sortir après le baccalauréat, voire après une classe préparatoire ou même un master", précise Michel Léger, président du conseil d'administration de BDO France, cabinet d'audit et d'expert-comptable. Président de l'association des anciens de Hoche de 2008 à 2014, il remarque alors que les anciens lycéens suivent des parcours parfois "prestigieux" et surtout "différents". "Une diversité importante et beaucoup moins consanguine qu'il n'existe dans les associations des anciens de grandes écoles".

"L'ouverture d'esprit y est plus grande, comme au Siècle à Paris. Un cercle très couru où tous les membres occupent une fonction différente, apportant une richesse à tous les niveaux", constate Alain Marty, président du Wine Business Club et auteur du "Guide du networking".

Au même titre que les réseaux existants, celui des lycéens pourrait donc se révéler un atout dans une carrière. "Tout est bon à prendre, 80 % des emplois sont pourvus par les réseaux", assure Alain Marty. Encore faut-il que ces réseaux soient d'une part structurés, animés, efficaces, et d'autre part s'engagent à démystifier leur rôle et ambition auprès des anciens et des nouveaux lycéens. "Tout est à construire. Dans les grandes écoles cela fait partie de leur ADN, pas au lycée. Il faut donc agir et former les jeunes, très tôt, à ce monde du réseautage", explique Thomas Legrain, qui annonce 6 000 inscrits à l'annuaire des anciens de Hoche, parmi lesquels 1 500 cotisants à l'association.

En revanche, Hervé Bommelaer ne semble pas observer dans ces réseaux la même puissance que dans ceux des anciens de grandes écoles. Pour preuve, "les gens n'affichent plus le nom de leur école secondaire, cela donne un côté un peu trop scolaire. Puis ce n'est pas parce que vous avez été au lycée du Parc que vous serez embauché plus facilement".

Lycées Réseaux 2

Les réseaux d'anciens élèves se trouvent de plus en plus sur le web

Plateforme numérique

Les patrons lyonnais sont nombreux à avoir fait leur éducation au lycée privé Sainte-Marie. Une institution vieille de 120 ans mais résolument tournée vers l'avenir. Avec ses 4 400 élèves répartis sur quatre sites, les "Maristes" mènent une vraie politique d'animation de leur réseau d'anciens au travers de la Toile mariste. Une plateforme lancée en 2012, à l'image de celles des grandes écoles. "Nous sommes dans le même schéma mais nous allons plus loin que le réseautage de carrière, prévient Marie Grang, sa responsable. Nous essayons de maintenir le contact avec les anciens pour adapter nos formations, développer la solidarité et le partage dans le but d'aider des élèves. Enfin, elle est disponible aussi aux parents, et membres du personnel." Un espace ouvert à tous fait de « réel et virtuel » qui fédère une "vraie communauté redevable".

"C'est un levier considérable pour les stages et l'emploi que les lycéens sous-estiment encore", souligne Jean-Christophe Aguettant, PDG de l'entreprise Céanothe, spécialisée dans les cadres de décoration et les albums photo (37 millions d'euros de chiffre d'affaires). Engagé dans ce réseau de maristes, le patron lyonnais va même plus loin en redistribuant la taxe professionnelle de son entreprise à l'établissement. La marque "Mariste" est si forte à Lyon qu'à l'occasion de ses 120 ans, célébrés l'an dernier, 10 000 personnes avaient répondu présent. L'événement aura permis d'échanger quelques cartes de visite.

Trouver des financements

Aujourd'hui, maintenir un réseau actif est considérablement facilité par le numérique. Il permet ainsi aux lycées, premiers partenaires des associations - et souvent premiers financeurs - de faire appel à des souscriptions afin d'aider au financement de projets des établissements.

Sur le modèle des associations d'anciens de grandes écoles, les réseaux de lycéens doivent récolter des fonds pour pouvoir exister. Outre les cotisations, des initiatives sont menées, comme des dîners de promo ou du mécénat. Sur les 900 000 euros investis dans la rénovation de sa chapelle, l'école des Chartreux a pu compter ainsi sur des dotations d'anciens élèves et de parents. Une somme importante pour cette école privée lyonnaise, qui compte 4 000 élèves. Si bien que son directeur, le père Jean-Bernard Plessy, est conforté à l'idée de développer le réseau des anciens "attachés à leur école", et qui partagent également des valeurs religieuses. "Ils ont une force de frappe extraordinaire", souligne-t-il, expliquant recevoir encore régulièrement des faire-part de naissance et de mariage. Mais, par manque de temps, l'école n'est pas encore en mesure d'offrir une plateforme dédiée. Le projet pourrait être relancé.

Chappelle Maristes

 Les réseaux d'anciens élèves peuvent participer à lever des fonds comme pour la rénovation de la chapelle de l'école des Chartreux.

Comme à la Cité scolaire internationale de Lyon (2 000 élèves) où le proviseur Serge Ferrari s'en est fait un futur objectif, "frustré" de ne pas connaître les patrons, aujourd'hui dans le monde entier, qui ont fait son école. Les lycées professionnels, notamment de la restauration, ne sont pas en reste : voilà des années qu'ils fonctionnent en réseaux, mais principalement de manière informelle et peu structurée. De fait, tous les établissements du secondaire ont une association d'anciens élèves, mais elles sont principalement dévouées au souvenir. Toutefois, certaines commencent à prendre conscience des enjeux de leur vivier et entament une réflexion pour exploiter cette ressource. D'anciens élèves se rassemblent et se mobilisent pour faire vivre et utiliser ces réseaux comme outil professionnel, avec l'avantage de partager le souvenir d'une "belle époque", celle de leur jeunesse.

"C'était l'association où il fallait être"

L'endroit où se traitaient les affaires, où étaient signés les grands marchés. Soyeux, promoteurs immobiliers, hommes politiques, tout le gratin lyonnais se réunissait le troisième lundi de chaque mois à la Brasserie Georges. "C'est un peu l'ancêtre de la franc-maçonnerie", souligne son président Jacques Vial. L'association des anciens élèves des lycées d'état de l'agglomération lyonnaise (qui regroupe toujours, les lycées Ampère, Saint-Just, Jean Perrin, du Parc et Édouard Herriot) comptait jusqu'à 2 000 membres durant sa période faste des années 1950-1960.

Aujourd'hui, une petite centaine. Des membres qui se réunissent de temps en temps lors de repas des anciens ou de Noël. Son bureau est resté au lycée Ampère, dans la salle Henri Lorenti, fondateur de l'association en 1878. L'opulence de l'association n'est plus la même, conséquence d'une époque révolue. "C'était une époque où l'on ne partait pas de Lyon. On restait dans les établissements de la maternelle au lycée, à la sortie on adhérait à l'association, puis on faisait sa vie ici, en ville, raconte Jacques Vial. De nos jours, dès le lycée, les jeunes partent un peu partout." Le réseau était alors lyonnais quand aujourd'hui il se construit à l'international.

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Commentaire 1
à écrit le 01/10/2014 à 18:14
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Et quand on n'a pas de réseaux ?

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