Ascométal : les salariés du Cheylas dans l'expectative

Placé en redressement judiciaire ce vendredi 7 mars, le groupe sidérurgique Ascométal plombé par une dette de 360 millions d'euros, dispose désormais de six mois pour trouver un repreneur. Si rien n'est encore joué, la partie semble loin d'être gagnée pour les 108 salariés du site du Cheylas en Isère.

« Ça sent la fin. Les salariés attendent de savoir à quelle sauce ils vont être mangés. » Alain Gadille, secrétaire général CGT d'Ascométal à l'usine du Cheylas, ne cache pas sa lassitude et son découragement. Alors que la trésorerie peut permettre au groupe de tenir jusqu'à la mi-avril, un premier point est prévu ce mercredi au tribunal de commerce de Nanterre (Hauts-de-Seine). Le site - plus que jamais menacé de fermeture depuis l'annonce, au cours d'un comité central d'entreprise extraordinaire le 9 décembre dernier, d'une probable reprise de l'entreprise sidérurgique - n'en est pas à son premier plan social. « On a déjà vécu deux PSE, avec 285 emplois supprimés dans le premier en 2010 et 163 dans le deuxième qui s'est conclu en janvier 2013. »

Erreurs stratégiques

 En 2007, le site du Cheylas était encore une usine intégrée, avec une aciérie, deux laminoirs… et plus de 600 salariés, contre une centaine aujourd'hui. « A partir du moment, où la direction a décidé de fermer le cœur de l'usine, ça a été le début de la fin », juge Alain Suarez, délégué CGT. Aujourd'hui encore, l'élu au comité d'entreprise reste persuadé que la direction a commis une erreur stratégique. « On a fait venir de l'acier d'Italie et la qualité et la réactivité n'ont pas suivi. Si nous étions restés avec l'ancienne configuration, nous aurions été en capacité de répondre à la demande actuelle, avec des livraisons en petites quantités, très rapidement et en flux tendu. »

Crise de liquidité

Outre ces choix stratégiques, le groupe a dû faire face à une importante crise de liquidités, après s'être lourdement endetté lors de son rachat en 2011 par le fonds d'investissement américain Apollo Global Management. En plus des 120 millions d'euros injectés en fonds propres par ce dernier, Bank of America et Morgan Stanley avaient apporté un prêt relais de 300 millions de dollars. Faute de parvenir à le refinancer sur les marchés obligataires, les banques ont continué d'exiger d'Ascométal des taux d'intérêts très élevés à 12,5 % qui ont creusé la dette du groupe jusqu'à ce qu'elle atteigne 360 millions d'euros.

 Le Cheylas dans le collimateur

Face à cette situation, Apollo proposait d'injecter près de 50 millions d'euros, en échange d'un effacement de la dette. A l'inverse, les banques défendaient l'entrée du fonds de retournement Anchorage Capital Partners au capital du groupe et la mise en place d'un financement relais de 15 millions d'euros sur quatre mois, suivi d'un plan d'investissement sur trois ans. Seul point commun entre ces deux scénarii : la fermeture du site du Cheylas… « Appolo voulait transférer l'activité ressort du Cheylas sur les sites de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) et de Custines (Meurthe-et-Moselle), tandis que les banques voulaient carrément fermer l'activité ressort et supprimer tous les postes au Cheylas », précise Alain Suarez. Un conflit ouvert entre Appolo et ses créanciers, qui, faute d'accord, s'est soldé par un redressement judiciaire.

Entre désespoir et colère

Une chose est sûre, les déboires d'Ascométal laissent planer l'inquiétude dans cette vallée du Grésivaudan déjà frappée par la désindustrialisation. « Aujourd'hui, nous sommes dans un territoire sinistré par rapport à ce qu'il était avant, quand il y avait une usine dans chaque village, constate Alain Gadille dépité. De Poncharra à Grenoble, il ne reste pas grand chose. ». Désormais dans l'incertitude la plus totale, les salariés du Cheylas oscillent entre désespoir et colère. « Nous avons obtenu qu'une psychologue vienne sur le site, car tout le monde est très éprouvé par cette attente qui va durer encore un moment, souligne Alain Suarez. Et ce dernier de pointer le sentiment de trahison dominant. « Nous essayons de convaincre les salariés de préserver le matériel et l'intégrité du personnel dirigeant. » Avec l'espoir qu'un industriel puisse reprendre tous les sites et sauver un maximum d'emplois.

Seule consolation en cas de non reprise : la clause - négociée lors de la signature du deuxième PSE en janvier 2013 - qui prévoyait une prime extralégale au cas où un autre plan de sauvegarde aurait lieu avant un an. « Une garantie sur l'avenir, faute de mieux », selon Alain Suarez. Reste à savoir si elle pourra bien s'appliquer avec le redressement judiciaire en cours.

 

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