Les deeptech, nouvel eldorado de demain ?

Après les startups du digital, les deeptechs, promises à un fort potentiel de croissance, seront-elles la prochaine vague ?
(Crédits : DR)

Depuis quelques années, les startups du numérique font la Une des journaux, et des salons consacrés aux innovations du digital. Mais depuis quelques mois, une nouvelle tendance se dessine au sein de l'écosystème des startups, avec l'émergence de jeunes pousses qui présentent un fort potentiel de rupture.

"On a eu la vague smartphones avec les Iphones et autres produits dérivés, mais on arrive désormais au bout. Les investisseurs recherchent la nouvelle vague à venir", résume Maximilien Moulin, manager au cabinet de conseil en transformation des entreprises Wavestone.

Pour plusieurs experts, dont une partie était réunie à l'occasion de la 21e édition du Forum 5i qui se déroulait ce jeudi 31 mai à Grenoble, ce seraient donc désormais les deeptechs qui draineront bientôt les investissements.

"On fait désormais une distinction entre les startups low tech, high tech et deeptechs. Ces dernières sont notamment capables de générer des innovation de rupture, car elles sont issus de travaux menés durant une dizaine d'années au sein de laboratoires de recherche", explique Christine Vaca, directrice de l'unité d'incubation de la SATT Linksium.

Intelligence artificielle, Iot, mais aussi medtechs, biotechs ou encore nouveaux matériaux... On retrouve les deeptechs au sein de plusieurs secteurs. Si certains avancent des chiffres oscillant entre 1 000 à 4 000 jeunes pousses présentes sur ce segment au niveau mondial, ce nombre pourrait être bien supérieur. Il n'existe encore aucune étude pour les quantifier.

"Contrairement aux startups du digital comme Uber, qui se basent sur des technologies existantes telles que la cartographie et le GPS, les deeptechs doivent lever certains verrous technologiques, ce qui justifie aussi des temps de développement plus longs", reprend Maximilien Moulin.

Un écosystème local favorable

Car après avoir été développés en laboratoire, ces projets devront encore passer à un stade industriel.

"Les deeptechs ont en moyenne des besoins en financements 2,5 fois plus élevés que les startups traditionnelles, de l'ordre de plusieurs dizaines voire centaines de milliers d'euros", considère Christine Vaca.

Mais les gains potentiels sont aussi plus élevés puisqu'en plus de marchés très étendus, les deeptechs pourront aussi compter sur des dépôts de brevets, qui leur permettront de sécuriser leur accès au marché. "Elles n'auront ainsi pas besoin d'aller le plus vite possible pour arriver les premières, et pourront se développer progressivement", juge Maximilien Moulin.

Sur ce terrain, l'écosystème grenoblois s'impose comme l'un des leaders au niveau français.

"A Grenoble, on fait des deeptech depuis 40 ans sans le savoir, avec à l'origine, de grandes réussites comme STMicroelectronics, Sofradir, Ulis, ou encore Soitec, et plus récemment, des sociétés comme Aledia ou Uromems, qui ont déjà réalisé des levées de plusieurs dizaines de milliers d'euros", reprend Christine Vaca.

Elle rappelle la présence d'un tissu académique dense et d'une culture de transfert technologique bien ancrée, à l'image d'autres villes comme Lyon, Toulouse ou Bordeaux.

"Grenoble est un pôle important, notamment pour les biotechs et les medtechs car c'est une région qui comprend aussi la présence de plusieurs laboratoires pharmaceutiques et de grands industriels", souligne Maximilien Moulin.

Des découvertes grenobloises

A l'occasion du Forum 5i, une douzaine de projets, pour la plupart incubés en partenariat avec la SATT Linksium, en témoignent.

Comme le projet Recup'Tr, mené par l'Institut Néel, le CNRS et l'Institut Carnot, qui vise à recycler les aimants présents dans les produits technologiques (smartphones, éoliennes, électronique) afin d'en extraire les terres rares (néodyme, praséodyme, et dysprosium) et de sécuriser, à terme, leur approvisionnement en Europe plutôt qu'en Chine, comme c'est le cas actuellement.

"Après avoir réalisé une preuve de concept en laboratoire, nous nous trouvons dans une phase de maturation. Nous recherchons des partenariats en amont et aval pour tester des applications et nous aider dans la collecte, en amont, de ces produits", explique Sophie Rivoirard, chef de projet de Recup'Tr.

Une levée de fonds de 500 000 à 1 million d'euros est envisagée pour passer ensuite à la phase d'industrialisation, avec, à la clé une commercialisation de son procédé à compter de 2019.

La startup MagIA Diagnostics, issue d'une collaboration de 15 années entre quatre laboratoires grenoblois (G2ELab, Institut Néel, l'IAB et le LMGP) se fixe quant à elle l'horizon du 2e semestre 2020 pour le lancement de son dispositif d'analyse de sang portatif et son marquage CE. L'objectif : permettre de réaliser des analyses d'échantillons de sang prises au bout du doigt en moins de 15 minutes, en vue de démocratiser le diagnostic des maladies infectieuses en France mais aussi au sein des pays émergeants.

"L'objectif étant de permettre le dépistage de populations à risque qui ne se savent pas malades ou ne se déplacent pas jusque dans les laboratoires d'analyse", explique Paul Kauffmann, Ceo de la jeune pousse crée en juillet 2017.

"Le marché potentiel est énorme, ce qui nous intéresse est plutôt le marché atteignable, que l'on estime à 100 millions d'euros d'ici les quinze prochaines années".

Elle devra pour cela lever au cours des prochains mois un million d'euros pour financer sa phase de pré-industrialisation et 4 millions d'euros pour lancer sa propre chaîne de production, qu'elle souhaite installer à Grenoble.

Des freins à lever

Pour plusieurs d'entre elles, l'un des défis se situe toutefois dans le passage entre la phase d'amorçage à des besoins en financements plus conséquents. Si de plus en plus de fonds d'investissements européens s'intéressent aux deeptechs françaises, en raison de leur potentiel de croissance significatif, la taille de ces fonds peut parfois constituer un frein, face à leurs homologues américains ou chinois : "Les fonds européens pèsent en moyenne 56 millions d'euros, contre 156 millions pour les fonds américains", illustre Christine Vaca.

"Il existe dans ce domaine quelques fonds français, spécialisés notamment dans les biotechs ou l'intelligence artificielle (Seventure, Isai...) qui s'intéressent aux deeptechs, mais aussi des fonds anglo-saxons spécialisés, comme Atomico", constate Maximilien Moulin.

Ces jeunes pousses peuvent aussi pâtir, en contrepartie de leur caractère très innovant, de leur approche scientifique, moins axée sur le marketing. "Lorsqu'elles effectuent leur première levée de fonds, elles ne savent pas toujours quel marché adresser au vu de leur potentiel, qui demeure très vaste", explique Christine Vaca.

Pour lever ces barrières, l'une des méthodes consiste, à l'image des startups du digital, à mettre sur pied des partenariats avec des grands groupes, afin de tisser des liens, voire de co-développer certains produits.

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