La fusée Visiativ

Où donc s'arrêtera l'ascension de l'éditeur lyonnais Visiativ ? L'entreprise innovante n'en finit pas de croître à coups de croissance externe et de projets multiples menés ces quatre dernières années. Un rythme effréné (avec un chiffre d'affaires en hausse de 17 % pour 2017) impulsé par Laurent Fiard - également président du Medef Lyon Rhône -, et tempéré par Christian Donzel, le tandem de choc aux commandes de la PME, qui, demain pourrait devenir l'un des fleurons français de la transformation numérique des entreprises. Dans cette course sans limite, Visiativ doit toutefois résoudre d'importants enjeux humains pour assurer sa pérennité. Et ne pas se brûler les ailes en plein vol.
Laurent Fiard et Christian Donzel.
Laurent Fiard et Christian Donzel. (Crédits : Laurent Cerino / ADE)

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Un succès de plus à mettre à leur compteur. Dirigeants, responsables de ressources humaines, spécialistes de l'innovation, ils étaient 4 840 personnes à se rendre, jeudi 18 janvier, à Lyon, à l'Entreprise du futur. Un congrès qui réfléchit et imagine, durant une journée, l'entreprise de demain et ses nouveaux enjeux. En l'espace de trois éditions, cet événement a su s'inscrire à l'agenda de la rentrée économique comme le rendez-vous de l'innovation dédié au futur des entreprises.

2e congres entreprise du futur

Congrès de l'Entreprise du futur.

Un événement qui devra se confirmer dans la durée, mais déjà un pari réussi pour ses deux instigateurs, Laurent Fiard et Christian Donzel, patrons de Visiativ, éditeur et intégrateur de solutions logicielles, qui proposent d'accélérer la transformation numérique des entreprises grâce à des plateformes collaboratives et sociales. L'Entreprise du futur vient donc ajouter une pierre fondatrice au groupe - sur l'axe de l'industrie de demain qu'ils convoitent -, que le tandem bâtit depuis quelques années. Et les deux dirigeants ne comptent pas s'arrêter en si bon chemin. "On veut devenir leader, lance Christian Donzel. Soit tu y crois, soit tu disparais."

Folle trajectoire

Tout ce qu'ils touchent se transforme en succès. Pas un mois ne passe sans qu'un rapprochement avec une autre structure n'aboutisse. Visiativ se développe et grossit rapidement. Créée il y a 31 ans (d'abord sous le nom d'AGS), l'entreprise vit son heure de gloire et pourrait, dans un futur proche, se voir attribuer le titre de réussite à la lyonnaise comme l'ont été, par le passé, Cegid ou encore Infogrames. Si elle n'en est pas encore là, elle en prend le chemin.

Une folle trajectoire, résultat éd'une stratégie agressive de rachats et d'intégrations conduite par ses dirigeants. Une culture à l'américaine que nous n'avons pas l'habitude de voir et qui leur réussit bien, remarque, bienveillant, Fabrice Lacroix, dirigeant de l'éditeur Antidot. Ils ont une appétence pour le risque positif et vont à une vitesse peu commune en France. Leur dynamique de développement est assez unique et remarquableé. Et d'ajouter : "Visiativ est le plus américain des éditeurs français." Néanmoins, une trajectoire qui interroge sur la manière dont le risque humain est géré durant, notamment, les phases d'intégration des équipes des entreprises fraîchement acquises. Et sur lequel, une partie de la pérennité du groupe repose.

2014, le décollage

Cette situation découle d'un travail mené à l'orée de 2009. Devenue Axemble en 2001, la société, installée à Charbonnières-les-Bains (Rhône), prend à ce moment-là un virage et change de nom pour s'appeler Visiativ. Une combinaison des mots "vision" et "collaborative". Le ton est donné et sera la marque de fabrique du groupe.

"Nous voulions créer l'avenir en accompagnant les entreprises vers le numérique, mais, d'abord, il a fallu développer en interne un projet fédérateur autour de l'innovation collaborative", se souvient Laurent Fiard.

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Laurent Fiard.

Cinq ans plus tard, le 22 mai 2014, et après "vingt slide shows différents", Visiativ entre en Bourse sur Euronext Paris. "Nous avions ce projet de croissance forte. La Bourse a donc été l'outil idéal pour y parvenir puisque nous avons gagné en visibilité, en confiance des investisseurs ainsi qu'en transparence", se satisfait, avec le recul, le dirigeant.

En levant 8,2 millions d'euros, cette première étape donne les moyens à l'entreprise de financer sa croissance et de soutenir son développement. La machine Visiativ est lancée et rien ne semble pouvoir lui faire obstacle. Aujourd'hui, elle emploie 700 collaborateurs contre 350 en 2014 et affiche un chiffre d'affaires de 124,4 millions d'euros en 2017 (+ 17 % par rapport à 2016) contre à peine 50 quatre ans plus tôt. Sans compter les "49 dossiers de croissance externe" qui attendent sur le bureau des dirigeants.

Et comme si cela ne suffisait pas, en novembre dernier, l'entreprise réussit son augmentation de capital d'un montant de 15,1 millions d'euros. Une somme devant lui permettre d'accélérer la réalisation de son plan stratégique Next100 dont l'objectif, à horizon 2020, est de parvenir à doubler de taille et atteindre 200 millions d'euros de chiffre d'affaires.

"Nous n'avons pas encore tout mis sur la table. Nous attendons une taille critique qui nous permettra de devenir une bonne ETI afin de pouvoir s'attaquer à des grands clients et partir à l'international", se projette encore Christian Donzel.

L'envol

Son entrée en Bourse (qui lui assurera la confiance des investisseurs), la présidence du Medef Lyon-Rhône pour Laurent Fiard (qu'il acceptera en 2014 et qui permettra à l'entreprise de gagner en visibilité et d'étoffer son réseau) et le congrès de l'Entreprise du futur (qui fédère une communauté nationale autour de l'innovation et scelle, dans le même temps, Visiativ comme la référence sur la thématique de l'industrie du futur) sont les trois marqueurs de la percée de l'entreprise.

Des réalisations conséquences d'une stratégie finement et patiemment aiguisée par le tandem Fiard/Donzel.

"Ils ont attendu "leur heure" pendant 25 ans, analyse Fabrice Lacroix. Ils ont généré la demande, persuadés de créer un besoin. Quand la fenêtre s'est ouverte, ils étaient prêts."

Avec une vision à long terme, les dirigeants ont été tôt convaincus de l'explosion de la transformation numérique des PME. Dès 2009, avec son modèle collaboratif et ses produits, Visiativ était donc prête à répondre à leurs besoins. Société du secteur de l'informatique, elle n'a, dès lors, plus été le simple éditeur de logiciels local dont il a longtemps été question. Mais une entreprise à la dimension européenne proposant "des solutions innovantes et pragmatiques qui permettent aux organisations d'améliorer significativement leur profitabilité et leur croissance, grâce à une accélération de l'innovation, une plus grande mobilisation de leur capital humain et une ouverture de l'entreprise avec son écosystème", comme l'indique sa plaquette.

Autrement dit, derrière cet argumentaire, Visiativ propose, entre autres, des "plateformes collaboratives", pour développer des applications, des business, des moyens de dématérialiser des documents, etc. dans une démarche et un esprit coopératifs.

Les « transformeurs »

Le collaboratif, socle de son modèle vertueux. "Nous sommes une entreprise composée de "120 transformeurs" (sur 700, NDLR), utilisant le numérique comme support pour accélérer la croissance des entreprises", souligne Laurent Fiard, qui rêve que l'ensemble de ses salariés soit des transformeurs. "Tout le monde peut le devenir", espère-t-il, les encourageant à prendre davantage d'initiatives en interne afin d'impulser une dynamique permanente.

Des initiatives qui se concrétisent parfois comme la création de l'accélérateur Axeleo ou l'Entreprise du futur. "Le pouvoir c'est l'action", rappelle le dirigeant qui aime s'entourer de talents "créatifs, curieux, ouverts d'esprit".

Pour cela, il n'hésite pas à "donner la chance", à des entre(intra)preneurs dans l'âme pour monter des projets, et toujours avancer. "Il dispose de cette qualité d'identifier les bonnes personnes. C'est une vraie force", évoque Laurent Constantin, patron de l'agence Acti. Alban Guyot est de ceux-là. Il a intégré les rangs de Visiativ en 2014, après avoir monté sa start-up à l'âge de 24 ans.

"Ma structure battait de l'aile et Laurent Fiard m'a ouvert les bras à ce moment-là. Pour lui, l'échec fait partie de la vie de l'entreprise", souligne le jeune homme, chargé du développement de la communauté Visiativ conduisant, en 2016, à la création de l'Entreprise du futur. Et d'ajouter : "Nous avons le point commun de croire qu'un projet ne marche que s'il est rentable."

Une manière de penser qui caractérise le binôme à la tête de l'entreprise, agrémentée d'une vision stratégique à long terme implacable, rapide et incisive.

"Nous sommes des battants. Nos décisions sont réfléchies, nous avançons vite et nous regardons devant", clame Christian Donzel.

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Christian Donzel.

Mise sur orbite

Jean-Dominique Romieux confirme cette rapidité d'exécution. En l'espace d'une petite année, et après quelques rencontres, le chef d'entreprise de Novaxel (trente salariés à l'époque), éditeur de logiciels de gestion électronique de documents, décide, fin 2013, de se rapprocher de Visiativ.

"Des deux côtés, nous y avons trouvé notre compte. Eux en se tournant vers le marché de la GED, nous en pérennisant la structure, raconte l'entrepreneur, aujourd'hui à la retraite. Dans un climat familial, ils savent mettre en confiance et prendre rapidement la décision."

Des rapprochements, Visiativ en a pratiqué quelques dizaines depuis 2014 avec toujours cette idée d'ajouter un module complémentaire à son offre, et/ou de renforcer l'existant.

"Il construisent une stratégie de millefeuille, en étant présent sur plusieurs métiers qui possèdent, ensemble, une cohérence", analyse Éric Burdier, cofondateur d'Axeleo.

Une manière d'occuper le terrain de la transformation numérique et du futur de l'entreprise, en pleine essor, en se donnant les moyens d'y parvenir. Avant, demain, de pouvoir attaquer, le marché international. "Nos premiers pas ont été posés en Suisse et au Maroc mais nous n'en sommes qu'au début", reconnaît Christian Donzel.

Un axe de développement qui devrait permettre d'asseoir la crédibilité de l'entreprise et de lui faire prendre un nouveau virage capital.

"Il s'agit de leur plus important challenge. S'ils y parviennent, ils rejoindront la catégorie des plus grands éditeurs mondiaux", pense Fabrice Lacroix.

Le "risque humain"

Néanmoins, dans cette course contre la montre, l'entrepreneur pointe le "risque humain" auquel pourrait être confrontée Visiativ.

"Il faut de la solidité pour affronter les évolutions du marché et surtout les intégrations successives. Et donc être bien entouré si, à un moment donné, le marché devient défavorable", poursuit-il.

"Bien structurer ses équipes est essentiel afin de pallier à toutes difficultés, ajoute Éric Burdier. Mais, ils ont la faculté d'entreprendre le business de manière bienveillante. Autrement dit, tout en se projetant dans l'avenir, ils pensent au collectif avant tout."

Une gestion de l'humain qui revient à Christian Donzel.

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"Nos intégrations sont réalisées par étapes, et sont précautionneuses, avec pour objectif que tout le monde arrive à travailler ensemble", assure-t-il.

Mais avec la "fusée" Laurent Fiard, sans cesse dans l'action, dans l'anticipation et "qui veut que les sujets réussissent", cela oblige les équipes à assurer le suivi.

"Il est déjà dans la stratégie à mener lorsque l'on évoque un début de projet, explique Alban Guyot. Le plus dur, au départ, a donc été de le déchiffrer. Mais c'est très stimulant, car il impulse une dynamique."

Au Medef Lyon-Rhône, même retour. "Il est dans l'action permanente et fixe le cap, en allant à l'essentiel. Il n'aime pas les débats, les "cochonneries"", rapporte Jean-Louis Joly, directeur général de l'instance patronale. "Réussissant ainsi, à faire évoluer l'esprit du Medef", remarque Jean-Baptiste Hibon, fondateur du congrès Nouvelle Ère. "J'essaye de trouver chaque matin, ce qui est inspirant pour mes collaborateurs", reconnait l'intéressé.

Et pour tempérer ses ardeurs, Christian Donzel joue le rôle du "sage". Homme de l'ombre, plus "posé", plus "réfléchi", il complète le binôme, entouré par une équipe de direction solide pour "faire tourner la boutique" et gérer la constellation de projets. Deux présidents d'une grande "honnêteté intellectuelle qui ont dû transpirer à plusieurs reprises pour arriver là où ils en sont", indique Laurent Constantin.

Un duo visionnaire et charismatique qui incarne l'esprit de l'entreprise et sait parfaitement où il veut la mener. Et Laurent Fiard de prévenir, avec cette longueur d'avance qui le caractérise : "Nous allons encore étonner dans le futur."

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