Travaux publics : comment l'innovation veut s'inviter dans les appels d'offres

Alors que "la plupart" des maîtres d'ouvrage sont aujourd'hui frileux face aux innovations, la prise de conscience doit s'opérer rapidement pour un secteur, qui, lui aussi, fait face à de nombreuses mutations. Tour d'horizon des grandes tendances qui se dessinent pour les travaux publics de demain.

"L'image des travaux publics n'est pas associée à la modernité. Aussi voulons nous faire connaître ce qui change dans ce métier", lance Jean-Marc Cornut président de la fédération régionale des travaux publics Rhône-Alpes. Quelque 35 nouveautés seront présentées aux 500 à 600 personnes attendues à "l'Innovation Day" organisé en partenariat avec Indura, le cluster régional des infrastructures durables, le 4 décembre au casino Lyon Vert à la Tour de Salvagny. Le propos est aussi de convaincre les donneurs d'ordre à oser :

"La plupart des maîtres d'ouvrage sont aujourd'hui frileux face aux innovations", déplore le président Cornut. "Autrefois les appels d'offres étaient davantage ouverts aux variantes, alternatives à l'initiative des candidats".

Très actif sur ces questions, le département de la Savoie - par définition grand donneur d'ordre - témoignera lors de cette journée, ainsi qu'un assureur spécialisé. Car qui dit innovation et systèmes expérimentaux dit risque pour le client et l'entreprise mais des dispositifs de soutien existent.

Mâchefers

Dans ce contexte quelles sont les grandes tendances qui se dessinent pour les travaux publics de demain  ?

"L'économie circulaire est une des grandes tendances qui se poursuit. Dès qu'on gagne un euro par tonne dans une industrie des pondéreux comme celle-ci, les économies sont substantielles", avise Franck Gautheron, directeur d'Indura. "Les matériaux de déconstruction ne manquent pas d'autant que l'heure n'est pas à la réalisation de grandes infrastructures".

Un des challenges porte sur l'utilisation des MIDND (mâchefers d'incinération des déchets non dangereux ou encore résidus issus de l'incinération des ordures ménagères), en tant que matériau alternatif pour les sous-couches routières. Autre tendance forte, le recours à la technologie et même à la high tech : pelles mécaniques guidées par GPS, robotisation, capteurs etc.

"La profession des TP est très appréciée pour sa capacité à codévelopper", souligne Franck Gautheron.

Colas (la filiale routière de Bouygues) a ainsi travaillé à l'adaptation d'un exosquelette de l'Armée aux opérateurs chargé d'épandre le bitume au sol afin de ménager leur dos. Le premier test a eu lieu à l'automne 2014 sur un chantier suisse.

Robot de désiamantage

Vingt-cinq sociétés, dont huit startups essentiellement régionales, exposeront donc leur innovation le 4 décembre. SFTP, filiale du groupe indépendant lyonnais Brunet TP spécialisée dans la démolition, a conçu un robot intelligent de désamiantage en partenariat avec Arkéo (smart technologies et robotique). Boisset TP, PME drômoise d'une cinquantaine de salariés, fondée il y a 50 ans, a imaginé le "Qualirain", un revêtement stabilisé 100 % respectueux de l'environnement (granulats et liant organo-minéral) et à fort pouvoir drainant. Cyril Tétard, porte parole de l'entreprise évoque des essais effectués par le Certib, centre d'études industriel, "attestant la capacité à écouler 280 litres d'eau par minute et par mètre carré"

Si le Qualirain a vu le jour en dehors d'Indura, Boisset TP, adhérent de la première heure, mène plusieurs projets avec l'appui de cette association : valorisation des débris de chantier à la chaux, utilisation de résidus de fabrication du béton.

"Nous voulons sortir de l'image polluante du BTP et nous diversifier", justifie Cyril Tétard.

Ecailles de béton

GTS, filiale du groupe indépendant NGE située à Saint-Priest, dans le Rhône, a mis au point un nouveau concept de paroi clouée (AD/0C) avec l'IFSTTAR (Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux) de Lyon et un laboratoire de l'Insa. Ce "procédé industrialisé" - préconisé pour la reprise de glissement de terrain, l'élargissement de plateforme routière, le confortement de fouilles- utilise "des écailles en béton préfabriqué en lieu et place du béton projeté traditionnel", est il précisé. Ce système de pare-pierres sur mesure a été mis en oeuvre pour protéger des voies ferrées en Haute-Savoie, en particulier.

Matière, pionner dans la construction de ponts (depuis 1932) et situé à Aurillac, a développé un pont métallique modulaire préfabriqué en association avec Eiffage. Une technique innovante qui ouvre les portes de l'exportation, y compris lointaine vers l'Asie, au génie civil français.

Route à énergie positive

Spin off de l'entreprise iséroise Ryb SA, Eliot Innovative Solution commercialise une solution brevetée RFID pour localiser et identifier instantanément des ouvrages en terre. Concrètement, les puces sont incluses dans les canalisations à poser ou fixées sur les conduites existantes et un détecteur effectue les repérages depuis la surface. La jeune pousse Morphosense, anticipe, elle, le vieillissement des superstructures (ponts et barrages) en installant des capteurs. De son côté, le Cerema, planche depuis 2014 sur un projet de route à énergie positive avec l'IFSTTAR et l'école d'application des métiers des TP à Egletons. Le principe repose sur un échangeur récupérant l'énergie solaire thermique en été, et la rediffusant en hiver pour éviter le gel en surface dans des points particuliers : ponts, rampes, plateformes aéroportuaires.

"Nous avons un rôle d'éclaireurs des territoires de demain", assure Philippe Puthod, président délégué FRTP Auvergne-Rhône-Alpes.

Les travaux publics qui sortent de trois années sombres commencent à recréer des emplois depuis 2017 et veulent séduire les jeunes, ingénieurs et autres.

Encadré

Indura réunit 52 entreprises adhérentes de TP, 21 structures d'ingénierie, 15 laboratoires et centres de recherche régionaux.

Trois axes stratégiques : tendre plus durable les infrastructures, innover pour mieux vivre la ville et construire différemment pour anticiper les risques naturels.

Plus d'un projet sur deux est monté en collaboration avec un pôle de compétitivité (Axelera, Techtera, Tenerrdis..) ou un cluster (Lumière, Montagne..)

19 millions de subventions ont été alloués depuis 2010

Budget 2017 : 640.000 euros

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