Les makers peuvent-ils fabriquer l'économie de demain ?

Parfois réduits à la seule impression 3D, les makers sont pourtant à la fois des codeurs, des bricoleurs, des designers... A Lyon, le réseau commence à se structurer, une étape nécessaire afin que ce mouvement, pour l'instant essentiellement culturel, passe à la vitesse supérieure : la professionnalisation. Au point de transformer l'économie de demain ?
Des événements comme la Maker Faire permettent de faire connaître le mouvement au grand public.

Certains les définissent comme "des hackers, avec une dimension physique puisqu'ils fabriquent des objets", d'autres comme des personnes "qui pensent et construisent le monde de demain." Quoiqu'il en soit, les makers s'approprient les technologies, les adaptent. Arrivé des Etats-Unis, le mouvement s'intensifie à Lyon depuis deux ans.

Un succès qui n'est pas sans raison : ces faiseurs proposent un modèle qui correspond aux attentes des nouvelles générations.

Modèle horizontal

Avec leur culture du partage, de la transmission, les makers fondent un écosystème agile et renversent de fait les codes de l'entreprise. Il suggère "un modèle plus horizontal, plus atomisé" comme l'analyse Xavier Lavayssière, co-fondateur de l'association les Bricodeurs. A l'image de ce qui se dessine avec le déploiement de l'entreprise libérée.

"Ici, ce sont des hiérarchies temporaires par le savoir, un apprentissage de pair à pair permanent", complète ainsi Pierre Aumont, président de la Fabrique d'Objets Libres, plus ancien FabLab lyonnais.

D'ailleurs, au sein de l'association, les outils de travail ne sont pas loués à l'heure pour une simple raison : pour que les makers puissent échanger entre eux.

Nouvelle économie

Dans la lignée du do-it-yourself - le faire soi-même - les makers s'inscrivent dans une volonté de "ne pas être dépendant d'un courant économique. Mais cela ne veut pas dire que le modèle est anti-économique. Il propose plutôt une autre forme d'économie", explique Xavier Lavayssière.

Pour Karine Dognin-Sauze, vice-présidente à l'Innovation, à la métropole intelligente et au développement numérique à la Métropole de Lyon, l'émergence du mouvement tient également à "l'état d'esprit, cette idée de vouloir se donner les moyens." De là à dire qu' une partie de l'avenir de l'économie française réside dans ce mouvement venu d'outre-Atlantique ?

Do it together

Pour l'heure, il n'en est encore qu'à ses prémices. Avant que le mouvement puisse se développer davantage, encore faut-il que le réseau puisse se structurer. C'est dans ce sens qu'à l'automne prochain, le Bel Air Camp ouvrira ses portes à Villeurbanne. Ce lieu d'une surface de 20 000 m² se veut une référence pour les techs makers. Outre des bureaux isolés et des espaces de coworking un FabLab de 1 000 m² sera implanté sur cet ancien site d'Alstom Transport.

Bel Air Camp

Le site du futur Bel Air Camp. (Crédits : Pierre Grasset)

Parmi les sociétés qui vont investir le Bel Air Camp, Evotion. La startup fondée par Maxime Vallet est spécialisée dans la location de robots pour l'animation d'événements. la jeune pousse fabrique elle-même ses prototypes.

Lire aussi : Evotion, vers le Big-Bang de la robotique ?

Selon le jeune entrepreneur, l'existence d'un tel lieu est essentielle car "les makers, pour l'instant à Lyon n'ont pas vraiment d'endroits pour se réunir. Il faut passer du do it yourslef au do it together (faire ensemble)", explique-t-il.

Vers la création d'un écosystème

Un constat qui semble faire l'unanimité auprès des makers lyonnais. En témoigne la création d'Open Ara, dont l'objectif est de rassembler les différents réseaux de makers en Auvergne Rhône-Alpes.

"En arrivant à connecter toutes les organisations, nous espérons arriver à créer une entité agile avec beaucoup de compétences", détaille Pierre Aumont, initiateur d'Open Ara. "En essayant de se structurer, en ayant une porte d'entrée telle qu'Open Ara, nous pouvons faire vivre le réseau."

Dans ce sens, Karine Dognin-Sauze convoque en ce mois de septembre les différents acteurs "pour voir quelles sont leurs attentes. Le but est qu'ils aient un impact plus fort, soient plus visibles."

Cette visibilité passe également avec une communication auprès du grand public. Aussi, la Lyon Mini Maker Faire qui s'est tenue au mois de mai a rassemblé 4 200 curieux. "Nous espérons renouveler l'expérience l'an prochain, cette fois-ci sur un espace de 2 000 m², avec des exposant plus importants ainsi que des conférences", indique Maxime Vallet, co-organisateur de l'événement. En octobre, un Open Bidouille Camp sera également organisé à Lyon-Villeurbanne.

Un secteur (in)dépendant ?

Cependant, les makers peuvent-ils devenir une nouvelle branche de l'économie ? A priori, la réponse est négative. "Si les projets s'institutionnalisent, les processus eux, non", souligne Xavier Lavayssière. La différence avec l'industrie réside dans cette volonté individuelle de fabriquer un objet. Seule exception, l'impression 3D dont le marché mondial pourrait peser 15 milliards de dollars en 2020 selon le cabinet Xerfi.

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Maxime Vallet voit davantage le mot "maker" comme un adjectif qui "permet de caractériser le côté innovant", plutôt que comme un métier. De son côté, Karine Dognin-Sauze estime que "les makers vont prendre part dans quelque chose de plus large."

Makers Lyon

Ce qui pourrait faire la force du mouvement, ce sont les potentielles synergies envisagées avec les TPE ou les artisans, à l'image de l'évolution qui s'opère actuellement dans le domaine de l'économie sociale et solidaire.

"Nous pouvons imaginer un meuble en bois connecté au wifi, illustre Xavier Lavayssière. C'est dans cette rencontre d'écosystèmes innovants que les makers trouvent de la valeur. Le vrai sujet est d'identifier les vecteurs de valeur : essayer de faire des ponts pour voir ce qui sert à l'artisan ou au grand groupe."

Valeur ajoutée

Les makers pourraient de fait devenir les sous-traitants des entreprises dites "classiques", ou s'associer dans le cadre d'un projet précis. Une expérience que la Fabrique d'Objets Libres a déjà tentée, avec la création d'un Wikimask, un masque de ventilation pour les enfants de moins de six mois, développé avec l'hôpital des enfants de Bron.

Lire aussi : Comme une impression de révolution 3D

Finalement, le projet n'a pas vu le jour, à cause du manque de cadre juridique pour cette coopération entre le mouvement des FabLabs et une organisation externe. "Mais ce premier projet est encourageant", souligne Pierre Aumont, qui espère déjà pouvoir renouveler l'expérience avec d'autres projets. L'idée est que "la branche industrielle ramène de l'argent à l'écosystème, et les makers amèneront de la valeur ajoutée à la branche industrielle", continue-t-il.

Et Karine Dognin-Sauze de compléter : "Sachant que nous sommes un territoire industriel, nous pourrions imaginer que les outils pourraient être partagés entre industriels et FabLabs. Beaucoup de choses sont encore à envisager, mais nous sentons que c'est le moment."

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