Comme une impression de révolution 3D

Le marché de la fabrication additive, dite plus communément « impression 3D », est promis à exploser : le chiffre d’affaires mondial, aujourd’hui de 4,3 milliards d’euros, devrait quadrupler d’ici 2020. Le champ d’application de cette révolution technologique semble infini.
L'impression 3D n'est pas seulement une évolution technologique mais bel et bien "une révolution industrielle", selon Philippe Heinrich, dirigeant de Préférence 3D.

« Quoi que vous produisiez, quelqu'un, quelque part dans le monde, essaie et parviendra à l'imprimer en 3D. » En matière d'impression 3D, le champ des possibles ainsi présenté par Philippe Heinrich, consultant en nouvelles technologies, est quasiment infini. Tout ou presque est imprimable.

Plastique, acier, or, céramique, béton, fibres alimentaires, tissu humain, etc. la liste des matériaux imprimables continue sans cesse de s'allonger.

« Il ne s'agit pas d'une simple évolution technologique, mais bel et bien d'une nouvelle révolution industrielle », estime encore Philippe Heinrich, dirigeant de Préférence 3D, société de conseil et formation en impression 3D.

Une révolution sectorielle ?

« Si révolution il y a bien, elle sera davantage sectorielle », tempère Jean-Pierre Chevalier, professeur au Cnam, directeur du laboratoire Matériaux industriels, considérant que la technique d'impression 3D peut bouleverser les secteurs du bâtiment, de l'aéronautique, de l'aérospatiale et de l'industrie lourde, et peut-être davantage encore le secteur biomédical. Cette révolution programmée n'en est encore qu'à ses prémices et il semble difficile d'en mesurer l'étendue des effets.

« Les efforts consentis dans le domaine de la recherche fondamentale et dans la recherche appliquée, ainsi que dans le développement des applications, permettent de penser que nous sommes à l'aube d'un bouleversement profond des modes de fabrication. Les débouchés sont considérables et peut-être n'en a-t-on pas encore véritablement conscience en France », ajoute Philippe Heinrich.

Impression par couche

Qu'entend-on par révolution industrielle ? Acceptons, par définition, qu'il s'agisse d'un cycle d'innovation qui transforme profondément la production industrielle et son organisation. Or l'impression 3D bouleverse la manière dont sont conçus et fabriqués les produits. La « fabrication additive », sous son exact vocable, permet de créer des objets par empilement de fines couches de matière.

« Surtout, elle permet de produire des objets que nous n'aurions pas su fabriquer autrement », s'enthousiasme Jean-Pierre Chevalier. C'est-à-dire en utilisant un mode de production traditionnel, dit « soustractif », au cours duquel de la matière est ôtée à une pièce brute pour obtenir la pièce finie.

« Cette technique dépasse toutes les techniques traditionnelles de fabrication. Au lieu de soustraire, de retirer de la matière à un bloc originel, par fraisage ou usinage par exemple, la composition s'effectue par ajout de matière. Mais dans une quantité correspondant exactement au besoin de construction de l'objet », détaille encore Philippe Heinrich.

« Or, cette technique permet un gain de matière, donc un gain de poids pour la pièce finale », précise Jean-Pierre Chevalier. Un avantage majeur dans l'aérospatiale, notamment.

Impression 3D

Tout ou presque est imprimable. Plastique, acier, or, céramique, béton, fibres alimentaires, tissu humain, etc. (Crédits : Fotolia)

Optimisation des procédés

Juste ce qu'il faut, là où il faut. Le principe ainsi résumé de la fabrication additive en constitue également l'un de ses principaux atouts, prolonge Sylvain Charpiot, à la tête de Drawn, une entreprise de design et d'impression 3D, dont les ateliers sont implantés à Chassieu (Rhône). Son invention, une imprimante baptisée Galatea - dans la mythologie grecque, la statue sculptée par Pygmalion -, a récemment fabriqué les quatre lions de quelque quatre mètres de haut qui orneront les abords du Parc Olympique Lyonnais, lors de l'Euro 2016 de football. « Nous n'utilisons que la quantité de matière dont nous avons besoin. De plus, le matériau utilisé (sous la forme de petites billes de plastique, NDLR) est réutilisable et recyclable à l'infini. »

L'économie de matière brute et le gain financier sont donc réels et quantifiables. Mais pour profiter des avantages de la fabrication additive,

« il faut au préalable passer par une phase de reconception des pièces. On parle ici d'optimisation des procédés technologiques de fabrication. La plupart des industriels, à l'heure d'aujourd'hui, font encore l'économie de cette étape pour opter ou non pour des processus de fabrication additive. Or il n'est pas possible de mesurer les gains et avantages de l'impression 3D à l'aune des procédés traditionnels de fabrication », martèle Philippe Heinrich.

Du marché de niche au marché global

Dans une récente étude, l'institut américain Gartner, spécialisé dans le conseil et la recherche dans le domaine des techniques avancées, confirme une tendance globale.

« Le marché de l'impression poursuit sa transformation et sa mutation du marché de niche à un marché global d'entreprises et de consommateurs. »

En 2016, il devrait ainsi se vendre plus de 500 000 unités auprès des particuliers, soit une évolution de 103 % des ventes comparées aux volumes de ventes enregistrées en 2015. 2016 pourrait bien marquer un tournant vers le début d'une croissance colossale : les ventes devraient doubler chaque année pour dépasser le seuil des 5,5 millions de machines en 2019. Le chiffre d'affaires du marché de l'imprimante 3D devrait passer, selon les estimations, de 4,3 milliards d'euros en 2015 à 17,7 milliards en 2020. Des chiffres révélateurs, qui prouvent que l'engouement des premières années a cédé la place à des réelles perspectives d'application.

Du prototypage à la production

Parmi les premières applications industrielles d'emblée envisagées pour la fabrication additive figure le prototypage rapide. Une technique dans laquelle s'est spécialisée Materya, une entreprise également basée à Chassieu. « Nous pouvons produire une pièce et l'expédier dans un délai réduit à la journée, compte tenu de sa complexité et des contraintes d'impression », évalue Christine Blanchard, directrice générale de Materya. Une rapidité de réponse à la commande qui séduit une clientèle composée notamment d'industriels.

« Le prototypage est une des phases de la recherche et développement dans la conception d'un produit. Il permet d'accélérer sa commercialisation. Les différents procédés d'impression 3D permettent de passer d'un projet au stade de l'étude à celui de la validation de forme, à partir d'un fichier 3D », précise-t-on encore chez Materya.

« La fabrication additive permet de réduire les temps d'étude et de conception d'un produit. Ce gain de temps est significatif économiquement parlant », renchérit Gilles Pommier, fondateur d'Additive 3D, service lyonnais d'impression, de modélisation et de numérisation 3D. Et du prototype à la pièce, et notamment à l'outillage rapide, il n'y a qu'un pas qu'ont déjà franchi de grands groupes aéronautiques et automobiles, à commencer par Airbus et Opel.

Impression 3D

La "fabrication additive", sous son exact vocable, permet de créer des objets par empilement de fines couches de matière. (Crédits : Drawn)

Séries limitées et personnalisation

Passée le mode gadget, certains consommateurs optent pour la fabrication additive dans un souci de pouvoir accéder à des objets individualisés produits en quantité très limitée. C'est le pari de Sylvain Charpiot. « Certains en ont assez des grandes séries de mobilier, que tout le monde peut acquérir dans de grandes enseignes de distribution et retrouver chez son voisin. » Partant de ce principe, il propose une gamme de mobilier pensée, modélisée et produite selon les besoins d'un client. Car c'est bien là tout l'objet et l'une des priorités de l'impression 3D : la fabrication de produits personnalisés ou en séries limitées.

« La personnalisation est un des avantages majeurs de cette technologie. L'impression 3D permet de répondre très exactement au besoin d'un client et de lui proposer de produire ce que les techniques traditionnelles ne permettent pas de fabriquer », confirme Gilles Pommier.

Du garage au pôle de compétitivité

Les acteurs de la fabrication additive sont de plus en plus nombreux. Dans ce milieu se côtoient des entreprises, des startups et un bon nombre de « bidouilleurs ». Profitant d'une technologie tombée dans le domaine public il y a moins d'une dizaine d'années, « nombre de mes concurrents futurs travaillent encore dans leur garage », estime Sylvain Charpiot. Comme au début de l'ère informatique. Un parallèle rapproche d'ailleurs ces deux révolutions technologiques, marquées par la traditionnelle opposition des logiciels propriétaires et des développements libres et ouverts à tous en Open source.

Sans l'expiration d'un brevet - par un effet naturel d'innovation sectorielle, cette expiration engendre une baisse des prix des imprimantes 3D et permet de développer encore davantage la technologie -, Sylvain Charpiot n'aurait pas été à même de développer Galatea. « J'ai eu besoin de plusieurs mois pour mettre au point cette machine, en même temps que je montais mon modèle d'entreprise. » Seul donc.

Un écosystème peu à peu semble se mettre en place, notamment dans la région lyonnaise. Un organisme national de formation et d'information, F3DF (Formation 3D France) dédié à la 3D, tente de fédérer acteurs de la formation et entreprises. « Nous développons en préalable à cette structuration des rendez-vous professionnels mensuels, baptisés Mercredi de la 3D, de manière à pouvoir identifier les compétences sur le territoire lyonnais. » Un préalable nécessaire avant de, peut-être, envisager la création d'un véritable pôle de compétitivité dédié à l'impression 3D, afin de développer croissance et emploi sur ce marché à l'échelle du territoire régional.

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