CEA Leti : Une nouvelle dynamique pour la photonique à Grenoble ?

Issue du mariage de la microélectronique et de la lumière, la photonique franchit une nouvelle étape au CEA Leti avec la construction d'une plateforme dédiée de près de 13 000m2 à Minatec. Une occasion de booster les applications mondiales de ce secteur, qui représente 2 milliards d'euros de CA en Rhône-Alpes pour un marché mondial estimé à 470 milliards de dollars en 2014.

Avec près de 12 600m2 répartis sur 6 niveaux, la nouvelle plateforme Photonique du CEA Leti, dont la livraison est prévue fin 2016, rassemblera 260 ingénieurs et techniciens travaillant sur les technologies de la lumière (optique et photonique) au sein d'un même bâtiment. Un atout supplémentaire pour assurer la synergie des équipes, et servir aussi de vitrine auprès des industriels.

"Ce sont 30 ans d'histoire qui vont converger dans ce bâtiment. Car nous avions besoin de rassembler tous les acteurs du domaine de l'optique, de l'électronique et des systèmes -qui étaient pour l'instant disséminées sur près de 6 sites- et les moyens technologiques pour maximiser les synergies et concevoir des composants très avancés que l'on retrouvera demain dans beaucoup de produits de la vie courante", a résumé le directeur du CEA, Jean Therme.

Deuxième pôle mondial

Car depuis que le CEA de Grenoble a amorcé sa conversion du nucléaire vers les nouvelles énergies (devenant CEA Tech), la photonique a pris une place de plus en plus importante. Ses champs d'applications sont multiples : éclairage LED, imagerie infra-rouge, affichage, systèmes de communication, domotique... Issue à l'origine du secteur militaire, qui visait à développer la vision nocturne des combattants et avions de chasse, la photonique s'est ensuite développée sur le marché civil qui représente aujourd'hui la majorité de ses activités. "Cela permet de créer différents types d'objets comme les communications optiques (ordinateurs), les imageurs (caméras de téléphones portables), ou des émetteurs de lumière (éclairage des LEDs). C'est aussi la capacité à fabriquer des objets dans le domaine de la santé, du spatial à travers la rencontre entre l'optique et l'électronique", explique Jean Therme.

Grâce à son tissu de chercheurs et son expertise dans la microélectronique, Grenoble se pose comme le second pôle mondial en matière de photonique sur silicium, après les Etats-Unis. "Le défi, c'est qu'il faut suivre la densité de la microélectronique, qui met aujourd'hui plusieurs milliards de composants sur une puce, et en même temps, assurer un coût très bas pour l'utilisateur final. On travaille aussi sur des détecteurs capables de dire si quelqu'un est présent dans une pièce, afin d'adapter l'éclairage ou d'éteindre la lumière, et ce, en respectant la vie privée", explique Jean Therme.

La région s'engage

Un projet destiné donc à "prévoir les coups d'après", et qui représente pas moins de 39,5 millions d'euros d'investissements, dont 23 millions provenant de la région Rhône-Alpes. Son président, Jean-Jack Queyranne, a d'ailleurs tenu à adresser un message "politique", en soulignant l'importance du soutien des collectivités locales : "Le soutien public à la recherche ne doit pas faiblir ni diminuer, car toute forme de doute serait dangereuse. Une société qui tournerait le dos au progrès serait menacée", a-t-il mis en garde. S'agirait-il d'une mise en garde à l'encontre de son voisin grenoblois, dont la ville n'a contribué qu'à hauteur de 1 million d'euros au projet ?

Reste que depuis 2007, la région a apporté 120 millions d'euros de financement à la recherche grenobloise. "Cela a des répercutions sur l'emploi industriel, puisque l'industrie de haute technologie représente 33% des emplois ", a fait valoir M. Queyranne.

Un écosystème de pointe

Si la région Rhône Alpes est bien représentée sur la scène de la photonique, en concentrant près d'un quart du chiffre d'affaires de la filière au niveau national (soit 2 milliards d'euros) et près de 500 acteurs et 8000 salariés, l'agglomération de Grenoble génère à elle seule la moitié de ce chiffre d'affaires avec 1500 emplois, et compte à la fois des partenaires issus du monde de la recherche (CEA, INRIA...), des universités (Grenoble INP) et de l'industrie (Safran, ST, E2V, Sofradir...)

Pour plusieurs, Grenoble est même devenu une inspiration, comme en témoigne le nouveau préfet, Jean-Paul Bonnetain : "Lorsque nous avons lancé le pôle de compétitivité SCS en PACA, nous étions pleins d'ambitions, mais tout en regardant Grenoble. Et nous n'avions pas tort d'évaluer Grenoble à sa juste place".

Et la relève se prépare, si l'on en croit Jean Therme, qui cite en exemple la création de 6 nouvelles start-ups ayant misé sur des technologies innovantes, comme Mirsense (analyse chimique intégrée avec puce), Irlynx (détection infrarouge), Aledia (éclairage à base de LEDs intelligentes), Multix (détecteurs à rayons X), Wavelens (MEMS optiques pour l'image) et Soitec (producteur de substrats avancés pour les MEMS).

Un accélérateur de croissance

Partenaire du CEA Leti depuis sa création en 2012, la start-up Aledia, qui conçoit des LEDS sur silicium dont la mise en marché est prévue pour début 2017, profite des infrastructures et de l'expertise du CEA Leti au sein d'un laboratoire commun pour réaliser ses travaux de R&D. "Cette nouvelle plateforme est un modèle intéressant, qui va nous permettre de croiser des expertises de tous les domaines, et de réaliser des prototypes où l'on peut observer toutes les contraintes. Tout cela, à moindre coût pour notre trésorerie, puisque nous n'avons pas à acheter tous les équipements", souligne le directeur opérationnel, Xavier Hugon.

Le grenoblois Sofradir et sa filiale Ulis (750 salariés ; CA 2014 : 180 millions d'euros), qui fabriquent des détecteurs infra-rouge pour l'imagerie thermique, travaillent toutes deux avec le CEA Leti depuis plusieurs années. Si Sofradir s'est créée à l'origine pour répondre aux besoins de l'industrie de la défense, ce secteur ne représente aujourd'hui plus que 50% de ses activités, contre 30% pour le civil (thermographie et surveillance de sites) et 20% pour le spatial (détecteurs au sein des satellites). "Le 11 septembre 2001, ce qui a manqué aux pompiers new-yorkais était notamment la vision infra-rouge afin de voir à travers les fumées et les flammes. Mais on a d'autres applications, comme la mesure de température (thermographie) avec les détecteurs dans les aéroports qui repèrent toutes les épidémies types SRAS ou Ebola, la localisation de réseaux à travers les murs, la défense et surveillance de sites, ou l'aide à la conduite de nuit", précise le pdg, Philippe Bensussan. Les deux sociétés réalisent environ 80% de leur CA à l'export, avec une clientèle composée à la fois de petites PME fabriquant des caméras spécialisées ou des systèmes d'infrarouge, mais aussi de grands groupes de la défense ou du spatial comme Thales ou Safran (qui sont aussi ses actionnaires), ou EADS...

"Parmi nos axes de compétitivité, l'innovation est numéro un et nous avons donc mis en place une organisation de R&D puissante, et dont une partie qui est faite avec le CEA. La plateforme sera un cap important car si les contrats de licence prévoient une exclusivité le domaine de l'infrarouge, toutes les briques technologiques qui ont été développées peuvent être accessibles aux autres domaines de Minatec et inversement. La proximité est donc un facteur clé, il ne faut pas que les activités photoniques soient isolées de la dynamique de Minatec", conclut Philippe Bensussan.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.