"Les startups de la foodtech vont être à l'initiative d'un renouveau"

Les startups de la foodtech ont le vent en poupe ces trois dernières années. Mises en lumière avec des entreprises comme Deliveroo, elles ne se cantonnent pas au seul secteur de la livraison à domicile. En 2016, Lyon French Tech est devenu membre du réseau thématique foodtech. Le but ? Faire grandir les startups de ce secteur. Une mission que mène notamment Jérôme Zlatoff, référent thématique du réseau et responsable entrepreneuriat et innovation à l'Isara-Lyon.
"La foodtech était un des parents pauvres de la création d'entreprise", estime Jérôme Zlatoff. Depuis, la donne a changé.

Acteurs de l'économie - La Tribune. Lyon French Tech est devenu membre du réseau thématique foodtech fin juillet 2016. Quel était l'objectif de cette première année, et quel bilan en tirez-vous ?

Jérôme Zlatoff. Notre première mission a été de fédérer les 22 partenaires du consortium car la constitution du dossier s'est faite rapidement. Puis nous avons mis en place une gouvernance provisoire, qui permettait de prendre des décisions avant de fixer un board définitif, ainsi que différents groupes de travail plus transversaux sur des sujets chauds, et qui sont toujours d'actualité.

Quels sont ces "sujets chauds" sur lesquels vous avez avancé lors de ce premier exercice ?

Un groupe travaille plus particulièrement sur la partie incubation. L'idée est de faire du lien entre les différents incubateurs, qui accueillent tous des projets food. L'objectif est de mieux accompagner les startups du secteur en fonction de leurs spécificités. Un autre groupe travaille sur le sujet des leviers de croissance afin de permettre aux startups de grandir et faire leur scale-up. Cela passe par une réflexion sur les programmes et structures existants. Un troisième groupe gère les questions de partenariat avec l'ambition de nous étendre, au moins à moyen terme.

Des entreprises se sont déjà montrées intéressées pour rejoindre l'action. C'est à mon sens un excellent indicateur de cette première année, car cela signifie que notre action est en résonance avec leur stratégie d'open-innovation. Ces entreprises nous voient comme des facilitateurs de la mise en contact avec les startups, ce qui leur permet de faire une veille, et ensuite, d'améliorer leurs capacités d'innovation.

Un quatrième groupe travaille quant à lui sur le financement, aussi bien des jeunes pousses que sur notre action. Ce dernier point sera une priorité cette année car nous n'avons pas de financement de ce type. Nous allons chercher auprès des structures privées, mais aussi des pouvoirs publics car l'animation du territoire est importante avec ce projet.

Enfin, le dernier groupe travaille sur la communication pour mettre en avant le succès des startups. Sur ce point, nous avons déjà organisé deux événements. Un premier en mai dernier, au village by C&A, au cours duquel nous avons remis un diplôme à douze startups prometteuses, c'est-à-dire qui proposent un projet innovant à fort potentiel. Elles ont été jugées par la filière car ce diplôme doit avoir de la valeur pour les partenaires que ces startups cherchent à convaincre. L'autre événement est un apéro foodtech, qui a eu lieu en juillet chez M. Gourmand à Villeurbanne. L'idée était de fédérer la communauté, une demande qui nous avait été formulée par les startups. 50 d'entre elles sont venues, une trentaine a pitché.

Est-il par exemple possible d'imaginer une collaboration avec l'incubateur La Commune ?

Il faudra penser à créer un lien. Cet incubateur sera un lieu d'expérimentation, avec un restaurant pour tester les produits est les recettes. Ce sera plus culinaire, donc un peu à la marge dans la foodtech. Mais des liens peuvent s'imaginer.

Quelle sera la feuille de route du réseau thématique pour l'année 2018 ?

Un point a déjà été acté. Nous allons organiser des rendez-vous en BtoB entre les startups et des structures qu'elles ont intérêt à rencontrer, comme des fonds d'investissement et des business angels. Nous souhaitons aussi travailler avec des distributeurs, ou des professionnels de la restauration collective.

Nous souhaitons également changer d'échelle, notamment en prenant une envergure régionale. Nous aimerions nous développer à Clermont-Ferrand, où l'on trouve aussi beaucoup de startups, particulièrement dans l'AgTech.

Quelle est la place de Lyon dans l'écosystème foodtech français ?

Lyon étant une importante métropole, elle concentre beaucoup de startups de façon générale. Elle attire les personnes qui veulent créer leur entreprises, car l'écosystème entrepreneurial est intéressant. En parallèle, Lyon a une patte intéressante liée à son historique : elle est une des capitales mondiales de la gastronomie. Et sur ce point, elle a quelque chose à faire valoir. Nous avons ainsi repéré 120 startups et projets foodtech à Lyon, et dans un rayon de 50 kilomètres.

La foodtech était un des parents pauvres de la création d'entreprises. Les réseaux thématiques French Tech sont d'ailleurs une façon de montrer qu'il existe des innovations dans des activités multiples. Certains sont attendus, comme l'edtech ou l'IoT. Pour la food, ce fut un éclairage important.

Plus globalement, quelle est votre perception du développement mondial de la foodtech ?

Le secteur est en plein boom depuis ces trois dernières années. Il a été mis en lumière par le segment delivery (livraison, NDLR), avec des entreprises comme Deliveroo, Foodora, Take it easy, et sa chute aussi. Et puis en France, nous pouvons aussi évoquer Frichti, qui, à ma connaissance, a réalisé la plus grosse levée de fonds foodtech cette année.

Finalement, la delivery a envoyé un message aux investisseurs, qui aujourd'hui, sont prêts à recevoir des projets issus de la food. En 2015, 6 milliards de dollars ont été investis dans les startups de la foodtech. C'est autant qu'entre 2000 et 2014 en cumulé, ce qui montre bien ce boom dont nous avons parlé. Mais ce qui est intéressant, c'est que l'essentiel de ces 6 milliards dollars est investi en Chine ou aux Etats-Unis. Seul un milliard de dollars est injecté en Europe, dont 792 millions en Allemagne, 220 millions en Angleterre. Et le reste est réparti entre tous les autres pays, dont la France.

De façon générale, nous manquons encore de capitaux en France pour investir. C'est un constat structurel. Plus spécifiquement, pour la foodtech en France, nous sommes encore dans une période de transition. Les investisseurs sont prêts, les projets, eux, ne sont pas tout à fait là. Ou en tout cas, ils n'ont pas encore l'ampleur des projets traditionnellement attendus par les financeurs. Nous sommes dans un entre-deux mais il va se combler dans les deux ans à venir.

Pourtant, en France, Potager City souhaite boucler une levée de fonds de 15 millions d'euros d'ici la fin du mois de septembre.

C'est une belle levée de fonds, la deuxième plus importante après Frichti. Mais aux Etats-Unis, les levées de fonds de startups comme Delivery Hero se chiffrent à plusieurs centaines de millions de dollars. Alors, bien entendu, l'échelle du pays n'est pas la même. Mais c'est là toute la difficulté à devenir une licorne en France, et c'est tout l'objectif de la French Tech.

Le secteur de la foodtech est vaste. Vous avez évoqué le segment de la livraison à domicile, mais il existe aussi l'AgTech, pour les projets liés à l'agriculture, la foodscience ou encore le e-commerce. L'un de ces domaines est-il prédominant dans la métropole ?

S'il fallait donner une tendance, ce serait plus dans la foodscience, qui désigne les innovations de produits. Parmi les startups, on peut citer Ici & Là ou la startup Cinq sans. Nous avons aussi des jeunes pousses en foodservice, comme M. Gourmand, ou La Fraîcherie.

Du côté des entrepreneurs et des investisseurs, la foodtech connaît donc un certain succès ces trois dernières années. Mais qu'en est-il de la demande, des consommateurs ?

Les habitudes de consommation ont changé. Les millenials les bousculent. Ils introduisent une digitalisation de la consommation actuelle, tout en ayant une tendance à la transparence, et au retour aux sources. C'est un peu le grand écart entre le progrès et la volonté de savoir ce que l'on a dans notre assiette, d'où viennent les produits. Les startups doivent résoudre cette quadrature du cercle.

Elles apporteraient cette confiance que cherche de plus en plus le consommateur ?

Je vais même aller plus loin. La grande distribution se pose des questions sur son modèle. Les résultats financiers des grandes enseignes montrent que les consommateurs doutent. Preuve en est, également, le développement d'alternatives comme La ruche qui dit oui, les AMAP ou des magasins de proximité bio comme Naturalia, ou à plus grande échelle, Grand Frais. Nous sommes à la veille de revoir le mode de distribution. Et les startups vont être à l'initiative d'un renouveau.

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