Qualité de l’air : à Grenoble, un laboratoire veut mesurer en temps réel la toxicité de la pollution

Alors que la nouvelle directive européenne sur la qualité de l’air est attendue dans les prochains mois, abaissant les seuils d’acceptabilité de concentrations de métaux et de particules fines dans l’air, la chaire grenobloise Predict’Air, portée par l’Institut des Géosciences de l’Environnement, propose une approche complémentaire : elle travaille sur le déploiement d’une station de mesure capable de mesurer et analyser en temps réel la composition des pollutions atmosphériques, leur toxicité et la source des émissions. Objectif : fournir aux pouvoirs publics des indicateurs plus pertinents que les mesures actuelles.
En proposant une approche complémentaire, basée sur le potentiel oxydant de ces pollutions atmosphériques, Predict'Air travaille sur le déploiement d’une station de mesure capable de mesurer et analyser en temps réel la composition des pollutions atmosphériques.
En proposant une approche complémentaire, basée sur le potentiel oxydant de ces pollutions atmosphériques, Predict'Air travaille sur le déploiement d’une station de mesure capable de mesurer et analyser en temps réel la composition des pollutions atmosphériques.

La nouvelle directive européenne relative à la qualité de l'air est attendue dans les prochains mois. Face à ses 300.000 morts prématurées qui seraient imputables à la pollution atmosphérique, l'UE entend en effet renforcer ses règles sur la qualité de l'air, dans une trajectoire « zéro pollution » qui doit être atteinte d'ici 2050.

Selon l'Agence européenne pour l'environnement, en 2021, 97% de la population urbaine de l'UE était exposée à des concentrations de particules fines (de moins de 2,5 microns) supérieures aux dernières recommandations de l'Organisation Mondiale de la Santé.

La nouvelle directive devrait abaisser les valeurs limites acceptables de toute une série de polluants atmosphériques, notamment les particules fines, le dioxyde d'azote, de souffre, le benzène etc. Par exemple, pour le PM 2,5 (celles estimées comme les plus nocives pour la santé), le seuil serait ramené de 25ug/m3 à 10.

Un coup d'avance sur la réglementation européenne

Le texte devrait par ailleurs imposer aux états membres d'établir des plans relatifs à la qualité de l'air associés à la mise en place de « supersites de surveillance » (au moins un par territoire de 10 millions d'habitants) afin de recueillir des données à long terme sur les polluants atmosphériques couverts par la directive ainsi que sur les polluants émergents.

A Grenoble, l'équipe de la chaire Prédict'Air de l'Institut des Géosciences de l'Environnement, prépare déjà les prochains jalons. Créée en 2021, avec le soutien des fondations d'Air Liquide et de l'Université Grenobles Alpes, de la Métropole Grenoble Alpes, de la communauté de communes du Grésivaudan et d'Atmo Auvergne Rhône-Alpes, elle travaille sur le potentiel oxydant (PO) des pollutions atmosphériques.

« Les particules inhalées viennent activer des défenses anti-oxydantes dans l'organisme. Lorsque celui-ci n'est plus en mesure de se défendre parce que trop sollicité, un mécanisme inflammatoire s'enclenche, générant diverses réactions : rhinite, asthme, stress oxydatif, problèmes cardiaques etc. Mais toutes les pollutions n'ont pas le même potentiel oxydant. Or, aujourd'hui, les seuils d'alerte sur lesquels s'appuient les pouvoirs publics pour mettre en place des régulations sont basés sur des concentrations de particules et non sur la composition de ces concentrations », explique Gaëlle Uzu, directrice de recherche à l'Institut de Recherche pour le développement (IRD, affectée à l'Institut des géosciences de l'environnement (IGE).

Pour elle, « la dose fait le poison, mais pas que ! Ce n'est pas parce qu'il y a une forte concentration qu'elle sera toxique. Et inversement. Nous devons mieux faire le lien entre les indicateurs de mesure, les sources de pollution et l'impact sanitaire ».

Avec son équipe d'une dizaine de chercheurs, la chercheuse a mis au point un équipement breveté capable de simuler en temps réel l'inhalation des particules atmosphériques et leur impact oxydant sur les poumons. Des mesures et des prélèvements sont actuellement réalisés sur 27 sites en France et analysés dans les laboratoires de l'IGE.

Combiner les outils et les données

L'étape d'après devrait se matérialiser, sous trois ans, sur la station urbaine, déjà bien outillée, de Grenoble Les Frênes, créée en 2001 et disposant du plus important historique de mesures de polluants atmosphériques de la région ainsi que le plus long historique en Europe d'analyses chimiques du potentiel oxydant réalisées par le laboratoire IGE.

Dans le cadre du projet « station du futur » qui vient d'être inauguré, Atmo AuRA et l'Institut des Géosciences de l'environnement y ont installé tout récemment un matériel haut de gamme capable de mesurer en direct la présence dans l'air de nombreux métaux. Cette station est d'ores et déjà en mesure de répondre aux enjeux de la future directive européenne sur la qualité de l'air. Et même d'avoir plusieurs coups d'avance.

A terme, l'ensemble des équipements de cette station devraient combiner leurs données afin d'analyser en temps réel la concentration et surtout la composition des pollutions atmosphériques, d'en identifier la source et le potentiel oxydant afin de fournir aux autorités publiques un indicateur pertinent d'exposition des populations à la pollution et donc leur permettre d'activer les meilleurs leviers pour agir rapidement en cas de pic de pollution.

« Le sujet du big data est majeur. Le couplage des instruments représente le prochain challenge. Nous travaillons avec plusieurs laboratoires européens sur le sujet », précise Gaëlle Uzu.

L'ambition, à terme, que cette station pilote puisse être dupliquée sur d'autres territoires. Budget du programme : 1,2 million d'euros sur trois ans.

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Commentaires 2
à écrit le 24/04/2024 à 18:40
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"dans une trajectoire « zéro pollution » qui doit être atteinte d'ici 2050" en 2050 les véhicules n'auront donc plus de pneus, le "zéro pollution" est-il un projet trop ambitieux, une trajectoire idéale, un fantasme ou une illusion ? En 2050 il ne de...

à écrit le 24/04/2024 à 18:37
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Qu'en pense le maire? il respire encore ?

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