Startups : l’écosystème grenoblois a levé un montant record en 2020... et s'apprête à lancer un outil innovant

DECRYPTAGE. Comme un pied de nez à la crise sanitaire, l’écosystème grenoblois, qui s’était déjà distingué l’an dernier comme l’un des plus dynamiques de France en matière de levées de fonds, a une nouvelle fois transformé l’essai cette année. Boosté par un terreau favorable aux deeptechs et medtechs, il aura levé un montant record de 389 millions d’euros en 2020. Soit presque trois fois plus que l’an dernier, grâce à des opérations de taille, mais pas seulement puisque la ville devrait bientôt être le théâtre du lancement d’un nouveau modèle de fonds coopératif.
L'écosystème grenoblois, très marqué par les jeunes pousses deeptechs et medtechs, n'a eu cure de la crise et aurait même surperformé, en levant un montant record de 389 millions d'euros en 2020.
L'écosystème grenoblois, très marqué par les jeunes pousses deeptechs et medtechs, n'a eu cure de la crise et aurait même surperformé, en levant un montant record de 389 millions d'euros en 2020. (Crédits : CC0 Creative Commons/Pixabay.)

Dans son dernier classement, l'agence de notation Arthur Loyd considérait déjà l'écosystème grenoblois comme une pépite. Et pour cause : selon les chiffres de son dernier baromètre d'attractivité publié en fin d'année, les jeunes pousses grenobloises occupaient la première place du podium au niveau national (juste après Paris), avec 99 millions d'euros levés en 2019.

Sur place, l'agence Invest in Grenoble évoquait même un total de 117 millions d'euros levés en 2019, avec, dans le top 4 des opérations qui dépassent les 10 millions, les tours de table de la medtech Diabeloop (31 millions), Nh TheraGuix (13 millions), Remedee (11 millions ) et Waga Energy (10 millions).

« Cela s'explique par une typologie de startups ainsi que de filières industrielles qui sont présentes sur le territoire grenoblois, liées notamment aux biotechs, deeptechs et à l'industrie de haute précision, et où les montants des levées de fonds sont aussi plus capitalistiques », affirmait alors Cevan Torossian, directeur études et recherches d'Arthur Loyd.

Mais quid de l'année 2020, où l'économie française a tourné au ralenti ? D'après nos recherches, l'écosystème grenoblois, très marqué par les jeunes pousses deeptechs et medtechs, n'en a eu cure et aurait même surperformé en 2020.

Au total, les pépites grenobloises ont en effet réussi à récolter un montant record de 389 millions d'euros en pleine période de crise sanitaire, selon des données recoupées par l'agence Invest in Grenoble.

Avec, sans surprise parmi elles, un large panel de deeptechs qui tirent ce classement, dont, en première position, le fabricant de stations hydrogène McPhy (présent sur la Presqu'île de Grenoble ainsi que sur son siège social, situé à la frontière de la Drôme et de l'Isère), qui a levé 180 millions d'euros à la mi-octobre pour lancer sa « gigafactory » d'électrolyseurs -dont la localisation n'a pas été communiquée, en ouvrant son capital à Chart International Holdings et Technip Energies.

 Les medtechs bien présentes

Vient ensuite le concepteur de microleds Aledia, qui a engrangé 80 millions en octobre dernier pour son projet de construction d'une nouvelle usine, qui s'installera dans la banlieue de Grenoble à Champagnier. La medtech, PDC Line Pharma (20 millions levés en janvier 2020), qui travaille sur un vaccin contre le cancer du poumon, arrive en troisième position, talonnée par une autre medtech spécialisée dans les dispositifs implantables pour l'incontinence urinaire, Uromems (16 millions) ainsi que par la jeune pousse spécialisée dans les semiconducteurs et processeurs intelligents, Kalray, qui a levé 13,2 millions en deux phases en 2020.

Dans le milieu du classement, on retrouve également la jeune pousse Antaios, qui développe une technologie de mémoire disruptive visant à réduire l'empreinte écologique des processeurs, ainsi que le projet de gigafactory de batteries, Verkor (10 millions) -dont l'entité vient juste d'être créée en 2019-.

S'en suivent ensuite Tihive (8,6 millions), qui développe des caméras équipées de capteurs destinés à la maintenance industrielle prédictive, ainsi que les medtechs Aryballe Technologies et Kayentis (toutes deux à 7 millions), qui conçoivent respectivement un nez intelligent ainsi qu'une plateforme de récolte de données pour les essais cliniques. Avec, juste derrière elles, les jeunes pousses Elichens (6 millions), Apix Analytics (5 millions), Vulkam (4,5millions) et enfin Magia Diagnotics et BeFC (3 millions chacune).

Des technologies de temps « long »

Si Morgane Le Doare, responsable de l'observation économique à l'agence Invest in Grenoble, admet que son propre classement comporte un certain nombre d'acteurs technologiques qui sont désormais plus proches de l'envergure d'une PME (dont McPhy ou Aledia par exemple), elle souligne que « la notion de sortie du stade 'startup' pour une entreprise innovante est souvent une question complexe ».

Et ajoute : « Dans tous les cas, notre méthode d'analyse reste constante et montre une très belle progression ». Car l'Observatoire des startups, mis en place par Invest in Grenoble en 2018, inclut en effet toutes les jeunes entreprises innovantes créées sur la région de Grenoble depuis 2000.

« Nous avons fait ce choix afin de ne pas exclure les startups dans les technologies médicales et dont on sait que le GoToMarket peut être très long (plus de 10 ans voire 15 ans dans certains cas), qui sont particulièrement présentes sur Grenoble », rappelle-t-elle.

Pour Eric Pierrel, président de la SCIC French Tech in the Alps-Grenoble (qui regroupe 400 sociétés pour accélérer l'économie numérique), les montants atteints par l'écosystème grenoblois ne sont pas une surprise :

« Déjà en 2019, nous avions enregistré deux très grosses levées (Waga Energy et Diabeloop) qui ont boosté significativement notre écosystème. Avec dans ces deux cas, des domaines technologiques qui sont très consommateurs de cash pour se développer », se souvient-il.

Et si 2020 n'aurait pas démérité, c'est avant tout lié, selon lui, à la résilience de l'écosystème local, qui se caractérise par des cycles d'innovation assez longs.

« On est sur des technologies qui rendent possibles de nouveaux usages, et qui se penchent sur des visions de long terme, à 15 ou 20 ans. Leur développement ne va pas s'arrêter avec l'épidémie, et ils ne se posent pas la question de savoir si l'on consommera toujours dans six mois », explique Eric Pierrel.

Une voie de financement alternative « made in Grenoble »

Bien que cette année, la deeptech Aledia aura réalisé, à elle seule, près de la moitié du montant levé, celui-ci entrevoit certaines tendances, comme les opérations menées par Elichens et Apix Analytics, toutes deux engagées dans le développement de capteurs intelligents sur la qualité de l'air.

« On est bien dans le cœur de métier de l'écosystème grenoblois, qui est drivé par la microélectronique et les semiconducteurs, et toujours avec des industries qui consomment un certain montant de cash pour se développer, et qui génèrent aussi un certain nombre d'emplois », reconnaît Eric Pierrel.

Sans compter que pour une grande partie de ses pépites, il ne s'agit pas d'un épisode isolé, mais bien d'une stratégie de croissance, qui s'appuie sur des levées successives.

« Leurs interlocuteurs peuvent être des fonds nationaux voir internationaux, souvent spécialisés dans leurs domaines, et qui savent qu'à Grenoble, ils pourront trouver des belles opportunités sur des segments technologiques précis », indique-t-il.

S'il concède que la question de faire appel à du capital investissement ne se pose pas pour certains besoins en matière d'industrialisation ou de R&D, le président la SCIC French Tech in The Alps annonce que l'écosystème grenoblois est sur le point de lancer sa propre voie de financement, à travers le lancement d'un outil innovant et inédit sur son segment : à savoir un fond coopératif (Coop Venture), qui se destine à financer des startups qui envisagent un autre mode de développement que le capital-risque traditionnel, favorisant l'emploi local et la participation de leurs salariés, ainsi que le développement de leur écosystème.

Monté depuis près de trois ans par la French Tech in the Alps, avec le concours de plusieurs partenaires, tels que l'Union régionale des Scops, le Crédit coopératif, mais aussi des collectivités locales (Grenoble Alpes Métropole, Communauté de communes du Grésivaudan) et des entreprises engagées (Groupe UpDéjeuner et Alma), ce fonds unique en France s'apprête désormais à être lancé au cours des prochaines semaines.

Avec un objectif : financer, sur la durée, des tickets allant de 50.000 à 300.000 euros, auprès d'une quinzaine de startups numériques du territoire alpin, qui devront s'engager sur un certain nombre de points concernant leur gouvernance, ainsi qu'à réinvestir ensuite une partie de leurs bénéfices au sein du fonds.

Selon nos premières informations, un premier volet de 4,4 millions d'euros vient d'être acté, mais le fonds espère monter progressivement en puissance pour atteindre les 16 millions d'euros.

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