eLichens : ces capteurs qui protègent (aussi) les travailleurs de la chaîne du vaccin

CES 2021 (5/5). Pour ce dernier portrait de la semaine, zoom sur une nouvelle pépite iséroise, dans les rangs de la délégation régionale du CES. Fondée en 2014, la deeptech eLichens a commencé par développer des capteurs intelligents centrés sur la qualité de l’air, avant de concevoir deux stations de mesure (indoor et outdoor). Mais cette année, ses capteurs ont pris un autre virage inattendu puisqu’ils équipent aussi les travailleurs de la chaîne du froid du Covid-19.
En plus de fournir un capteur de CO2 destinés à sécuriser les travailleurs de la chaîne de transport du vaccin Covid-19 à l'américain Honeywell, eLichens veut booster la commercialisation de ses nouvelles stations de mesure de qualité de l'air d'intérieur en 2021.
En plus de fournir un capteur de CO2 destinés à sécuriser les travailleurs de la chaîne de transport du vaccin Covid-19 à l'américain Honeywell, eLichens veut booster la commercialisation de ses nouvelles stations de mesure de qualité de l'air d'intérieur en 2021. (Crédits : DR)

Pionnière dans le domaine des capteurs intelligents, la jeune pousse eLichens est née à Grenoble, mais possède déjà des bureaux à Paris et à San Francisco. Avec ses 35 salariés, elle a su grandir vite, en partant d'une technologie de petite taille : un capteur de CO2, basé sur une technologie optique qui se veut unique, issue de développements conjoints avec le CEA Leti.

« Avec mon associé Marc Attia, nous avions l'idée de travailler sur des capteurs de mouvement, et nous nous sommes aperçus que la qualité de l'air qu'elle allait devenir un enjeu important dès 2014 », souligne Wahid Issa, CEO de eLichens.

« Par chance », ils ont croisé la route du CEA Leti à Grenoble : une collaboration qui leur a permis de développer pas moins de 52 brevets, dans la moitié en propre. « Nous sommes désormais les seuls au monde à présenter des performances industrielles avec des capteurs de petite taille qui offrent également une faible consommation », affiche Wahid Issa.

Très rapidement, il est leur est venu d'étudier à la fois la qualité de l'air intérieur, mais également extérieure. « L'idée était vraiment de pouvoir donner aux gens une lecture de la qualité de l'air qu'ils respirent », traduit-il.

La jeune pousse a commencé par fournir des capteurs embarqués, vers une dizaine d'industriels spécialisés dans les équipements destinés à la distribution de gaz et la sécurité industrielle, pour une production réalisée en Asie -mais assemblée à Grenoble-, qui atteint désormais le millier. Elle regarde d'ailleurs du côté de France Relance afin de pouvoir prendre, à terme, des engagements de production en proximité.

« Mon souhait est de pouvoir produire de plus en plus en France et en Europe, mais nous aurons vraiment besoin pour cela de financements nouveaux pour y parvenir afin d'étendre notre chaîne de production ».

En juin dernier, elle a déjà procédé à un troisième tour de table de 6 millions d'euros auprès de ses investisseurs et banques historiques, que sont Bpifrance, Demeter, Sofimac Innovation, Bnp Paribas Développement, Angels Bay (membres de France Angels). Soit, au total, près de 20 millions d'euros levés depuis sa création.

Des expérimentations à la sortie d'une station de mesure indoor

Car en parallèle, elle a commencé à déployer des stations de mesure outdoor (elos) qui misent sur la mesure en temps réel de différents paramètres (CO2, particules fines, Voc, ozone, etc) et des équipements plus petits et moins coûteux que les stations de mesure traditionnelles.

Avec, à la clé, de premiers déploiements déjà réalisés au sein des villes de Paris et de San Francisco. Aux Etats-Unis, un projet expérimental a été mené en collaboration avec le leader mondial de système de ventilation japonais Daikin, qui souhaitait pouvoir comparer la composition de l'air intérieur généré par son système de ventilation avec celle d'extérieur. Même chose à Paris, où c'est le fournisseur d'énergie français Engie qui s'est allié à eLichens pour étudier les impacts du chauffage individuel sur la pollution générée.

En parallèle, la jeune pousse collabore aussi sur ce terrain avec des services de mesure régionaux comme Air Atmo France, en vue de densifier leur réseau de capteurs, et continue de travailler également avec le CEA Leti pour développer des capteurs mesurant les taux de pollen en milieu urbain.

Mais depuis 2019, elle se dirige aussi sur le marché de la maison connectée, avec ses stations de mesure de la qualité de l'air indoor, eLsi, qui détecte elle aussi un large spectre de paramètres connus (CO2, particules fines, température, taux d'humidité, pression, etc).

Elle a déjà lancé la commercialisation de ce petit boitier, associé à une application mobile courant 2020 auprès du grand public, et recherche désormais de nouveaux distributeurs pour monter en puissance à l'occasion de ce CES. Le prix d'achat est estimé entre 125 et 300 euros, en fonction de la version proposée (tactile ou non, etc).

Le boom des capteurs pour la chaine du froid

Mais le segment qui a généré le boom le plus inattendu cette année concerne un partenariat avec le leader mondial du détecteur de gaz américain Honeywell.

« Ils ont ensuite investi chez nous dès 2018, afin d'être les premiers à avoir accès à nos prototypes, alors que nous n'étions qu'une dizaine de personnes et une startup encore peu connue », glisse Wahid Issa.

Honeywell souhaitait, à l'origine, embarquer des capteurs CO2 d'eLichens dans ses dispositifs de sécurité destinés aux installations industrielles. Mais avec l'arrivée du Covid et des premiers vaccins développés par Pfizer, des procédés de conservation à -70°, la nécessité de de la chaîne du froid a entraîné une demande accrue du côté des fournisseurs de neige carbonique...

Mais aussi du côté des dispositifs chargés d'assurer la sécurité des travailleurs de la chaîne du froid. « Car lors du réchauffement de la neige carbonique, les molécules de CO2 utilisées pour la créer se dispersent à nouveau dans l'air qui peuvent présenter un risque pour la santé des travailleurs », rappelle son Ceo.

Son partenaire Honeywell a ainsi observé une augmentation de la demande pour des détecteurs de CO2, provoquant à son tour une croissance de + 15 % pour son fournisseur eLichens au cours des deux derniers mois. Si ce dernier ne souhaite pas communiquer directement sur des volume précis compte-tenu des enjeux « stratégiques » de ce marché, il précise que tous produits confondus, il compte fournir en 2021 près de 110.000 capteurs de CO2 à la fois en Europe, en Amérique du Nord et au Japon. Et estime d'ailleurs que ce segment de capteurs, destinés à la chaîne des vaccins, n'est « malheureusement » pas prêt de se tarir...

« D'après les informations que nous avons à ce stade, le Covid-19 ne disparaîtrait pas et continuer à revenir d'année en année. Plusieurs vaccins comme Pfizer et Moderna auront besoin de maintenir la chaîne du froid, même si cela est à -20° pour le second », indique Wahid Issa.

Il rappelle que des chaînes comme Walgreen ou CVS aux Etats-Unis s'apprêtent elles aussi à investir dans des équipements leur permettant de maintenir cette température, ce qui devrait générer également des besoins en matière de transport. « La réglementation aérienne travaille elle-même à ce que des capteurs soient rendus obligatoires pour les employés qui travaillent sur l'acheminement de ces vaccins ».

Avec un objectif : que la startup, qui s'apprête à quadrupler son chiffre d'affaires (NC) fin 2021, devienne profitable dès la fin de l'année. Et devrait recruter à nouveau une demi-douzaine de nouveaux profils cette année.

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