Comment le lyonnais Froilabo pourrait se placer au cœur de la chaîne du vaccin

Il s'apprête à faire la « Une » de plusieurs JT ce lundi, sans vraiment le vouloir… Propulsé dans la course mondiale aux vaccins Covid-19, le fabricant d’appareils de laboratoire lyonnais, Froilabo (80 salariés) pourrait bien connaître un nouveau tournant avec la crise sanitaire. Alors que l’on parle depuis plusieurs semaines des enjeux de relocalisation industrielle, il serait l’unique acteur français capable de produire des congélateurs compatibles avec les usages du vaccin imaginé par de Pfizer-Moderna. Et se prépare déjà à une nette montée en volume.
(Crédits : Dado Ruvic)

Des couveuses pour bébé aux congélateurs qui pourraient accueillir, demain, l'un des vaccins pour le Covid-19, il ne pourrait y avoir qu'un pas. Fondée en 1918 sous le nom de Couprie, il règne une effervescence toute particulière au siège de la PME Froilabo, à Meyzieu, où les chaines de télévision se succèdent depuis ce week-end.

Désormais spécialisée sur le marché des appareils de laboratoire fabricant du chaud comme du froid, la société, propriété du groupe écossais de matériel scientifique Techcomp depuis 2009, avait démarré ses activités il y a près d'un siècle en développant des couveuses pour bébé. Elle s'était également positionnée comme la première à fabriquer des centrifugeuses en France. Une tradition d'innovation, qui pourrait bien cette fois-ci encore se révéler d'actualité, puisque son savoir-faire dans le domaine du froid s'avérerait particulièrement utile dans la crise sanitaire actuelle.

Alors que les grands laboratoires pharmaceutiques continuent à s'activer afin de commercialiser prochainement plusieurs vaccins destinés à lutter contre la Covid-19, l'entreprise lyonnaise pourrait jouer un rôle essentiel dans ce déploiement, puisqu'elle serait actuellement la seule à concevoir et fabriquer, sur le sol français en partie, les congélateurs à très basse température (allant jusqu'à -86 degrés), nécessaires à la conservation du vaccin de Pfizer-Moderna, qui nécessite des conditions très particulières.

Un petit poucet en France et en Roumanie

Les deux laboratoires américains avaient en effet précisé à travers leurs premières annonces que leurs vaccins Covid-19 nécessiteraient d'être stockés à très basse température (-70 degrés). Seule une poignée de fabricants à l'échelle européenne, dont Froilabo, disposeraient actuellement des technologies permettant d'assurer un stockage à une telle température, servant habituellement à conserver, sur plusieurs années, des échantillons de prélèvements biologiques, principalement pour le compte d'hôpitaux et de centres de recherches.

Avec comme concurrents, de grands groupes comme l'américain Thermo Fisher Scientific, le japonais PHC (Panasonic) ou encore le chinois Haier, mais également des acteurs allemands Binder et Eppendorf.

« Nous sommes finalement un petit poucet sur ce marché, mais nous nous appuyons sur une expertise issue de plusieurs années dans le domaine du grand froid afin d'assurer une homogénéité et une fiabilité sur ces machines, qui utilisent deux compresseurs en cascade », note Tony Grandmenil, directeur administratif et financier de Froilabo.

La PME centenaire réalise ainsi l'essentiel de sa R&D en région lyonnaise (50 salariés), ainsi qu'une partie de sa fabrication à valeur ajoutée, tandis que sa production en série est effectuée sur un site basé en Roumanie (25 salariés) depuis une dizaine d'années. « Nous souhaitions conserver les deux sites, et notamment le centre de Meyzieu, qui est le siège de notre R&D et de notre expertise », souligne-t-il.

Froilabo congélateur vaccin

Des biobanques d'échantillons en expansion

Bien que les industriels et hôpitaux français ne lui auraient pas encore passé directement commande sur ce dossier, l'entreprise de 80 salariés, qui compte déjà dans son portefeuille habituel de clients, de grands noms comme l'Institut Pasteur ou l'AP-HP, s'est déjà mise en ordre de marche pour pouvoir accélérer le rythme si nécessaire.

Elle avait d'ailleurs lancé, au cours des deux dernières années, un programme d'investissement de 2,5 millions d'euros, visant à lui permettre de tripler ses capacités de production, en Roumanie et en France. Un plan qui comprenait notamment le doublement de ses locaux en Roumanie, avec l'objectif de parvenir à produire une centaine de congélateurs par mois à compter de l'an prochain.

Car déjà, depuis quelques années, le marché de la bio-conservation s'affichait en pleine expansion, avant même le Covid-19 : « Il existe, au niveau mondial, une nouvelle organisation de la recherche, qui nécessite de développer de plus en plus de "biobanques" afin de stocker des échantillons et prélèvements sur plusieurs années grâce à des congélateurs basse température, un peu à l'image des data centers dans le domaine informatique », souligne Tony Grandmenil.

Un volet qui a également connu une accélération de la demande depuis la crise du Covid-19, où des laboratoires et hôpitaux du monde entier ont renforcé leurs commandes en vue de conserver des prélèvements et échantillons de biopsies réalisés sur les patients Covid, afin de pouvoir travailler dessus au cours des prochaines années. Résultat ? La société lyonnaise a déjà enregistré une augmentation de 15% de ses ventes par rapport à l'an dernier (7 millions d'euros de CA en 2019), et vise même davantage d'ici la fin de l'année.

Une demande qui pourrait encore être renforcée par l'arrivée des vaccins Covid de plusieurs laboratoires sur le marché français : la France aurait en effet pré-commandé 90 millions de doses -en plus de 300 millions annoncés par l'Union Européenne-.

Et même si tous ne devraient pas se baser sur la technologie proposée par Pfizer-Moderna, les autorités sanitaires du pays, tout comme le reste celles présentes dans le reste de l'Europe, devraient se tenir prêtes à assurer une telle logistique, inédite jusqu'ici, et en un temps record.

Le lyonnais Froilabo exporte lui-même déjà près de la moitié de sa production dans près de 82 pays, un facteur qui pourrait jouer à son avantage pour acheminer rapidement ses produits dans le cadre d'une pandémie comme celle-ci.

La Grèce et le Moyen-Orient dans les starting-blocks

Depuis quelques jours, la PME aurait d'ailleurs déjà commencé à recevoir une série de commandes provenant de l'étranger, et notamment de l'Union Européenne, même si elle souhaite demeurer discrète à ce stade. « Nous recevons actuellement beaucoup de consultations concernant nos produits, avec déjà quelques commandes ferme de la part d'industriels ou de laboratoire européen, comme la Grèce, le Moyen-Orient et notamment la Turquie », glisse Tony Grandmenil.

Avec, à chaque fois, des commandes comprises entre 5 et 10 unités. La France n'aurait pas encore, à ce stade, conclu d'entente avec le fabricant, qui nuance toutefois :

« Même si certains pays européens avancent peut-être un peu plus rapidement sur ce type de contrats, il n'est pas simple de bâtir toute une chaîne logistique de fabrication et de livraison de ces milliards de nouveaux vaccins qui doivent être commandés, et qui seront de plus, à priori de plusieurs types. Nous avons déjà des appels de transporteurs ou d'aéroports qui essaient de savoir comment s'organiser également », atteste le directeur administratif et financier de Froilabo.

Il faudra compter, en fonction du volume acheté, un budget de 12.000 euros pour un congélateur de format « standard » de 700 litres, alors que les plus gros pourraient attendre les 1.000 litres et permettre de stocker environ 290.000 doses de vaccins par unité, d'après les premiers calculs du fabricant.

La chaine du froid devra également cependant être assurée en amont, par des transporteurs équipés, « mais pas par la même technologie puisque nos congélateurs nécessitent d'être branchés sur des prises standards », ajoute Tony Grandmenil.

Déjà, des pistes comprenant par exemple l'utilisation d'autres méthodes de conservation, comme de la neige carbonique, sont à l'étude et pourrait là encore place certains acteurs locaux comme le Groupe Olano, situé à Aurillac, sur le devant de la scène.

En attendant, si Froilabo ne ressent pas encore actuellement de tensions sur la chaine d'approvisionnement de ses pièces, le lyonnais a déjà anticipé en contactant tous ses fournisseurs. « Nous ne savons pas encore quel sera l'état de la demande, mais nous voulons nous tenir près, avec déjà, la livraison des premières commandes passées d'ici la fin d'année », glisse Tony Grandmenil.

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