[Outdoor 1/5] MEsh : le Salomon du futur

Sur un marché global du sport estimé à près de 40 milliards d'euros, uniquement en France, la grande famille de l'outdoor – la randonnée, l'alpinisme, l'escalade, le trail mais aussi les sports de glisse – ne pèse que 10 %. Pourtant, ces marchés de niche attirent autant les géants du sport, qui y poussent leurs innovations, que les startups à potentiel, qui y voient l'occasion de pénétrer un marché plus large. Tout au long de l'été, Acteurs de l'économie-La Tribune s'intéresse à ceux qui jouent la carte de l'innovation dans l'outdoor. Cette semaine, retour sur le projet "MEsh" de Salomon, des chaussures de trail sur mesure. Plus qu’un gadget marketing, cette expérimentation est bien plus stratégique qu’il n’y paraît. A terme, il annonce une révolution du business modèle du spécialiste de l'outdoor et une relocalisation partielle de sa production. Décryptage.
Fabrication d'une chaussure MEsh
Fabrication d'une chaussure MEsh (Crédits : DR)

Salomon avait mis le paquet. Mailings personnalisés, campagne d'envergure dans les médias et sur les réseaux sociaux... Le tout à grand renfort de storytelling autour de la star incontestée du trail running : "l'ultra-terrestre" Kilian Jornet, recordman de l'ascension du Mont-Blanc et triple vainqueur de l'UTMB.

C'était il y a un an, au mois de mai. Cette communication massive devait porter le nouveau projet de la marque d'équipements outdoor : MEsh. Une chaussure de trail réalisée sur mesure (plus de 300 possibilités de personnalisation) en fonction des préférences esthétiques du coureur, mais aussi - et surtout - de ses caractéristiques anatomiques.

Mais si la personnalisation de masse est une tendance marketing de plus en plus prégnante, et que MEsh s'inscrit évidemment dans ce mouvement, il serait réducteur de ne le considérer qu'à travers cette lorgnette.

Relocaliser sa production

Car les solutions trouvées par le leader mondial des chaussures outdoor pendant le développement de MEsh pourraient apporter un avantage concurrentiel non négligeable pour la marque dans les années à venir.

"Ce projet nous a poussés repenser totalement la façon de faire des chaussures. Une chaussure standard comporte une cinquantaine de composants. Pour MEsh, nous avons dû ramener ce chiffre à dix," explique Jean-Yves Couput, directeur de l'innovation footwear chez Salomon.

En "simplifiant" ses produits, la marque prépare du même coup une meilleure automatisation de ses process, même pour les gammes standardisées. Ce qui rendra son modèle d'affaires moins dépendant des fluctuations de change et des tensions sur le marché des matières premières. Car l'objectif est bien de relocaliser une partie de sa fabrication au plus proche de ses marchés.

mesh salomon

Jean Yves Couput (D.R.)

"A terme, cela doit atténuer les facteurs de risque inhérent à notre business model", estime le dirigeant.

Des "micros-usines" au niveau "microlocal"

Il évoque même pour le futur la possibilité de "micros-usines" au niveau "microlocal" qui pourront adapter leur production aux caractéristiques topographiques de leur environnement et aux pratiques de leurs clients. "Un coureur à Chamonix n'utilise pas ses chaussures de la même façon qu'un autre à Saint-Etienne", illustre Jean-Yves Couput. En développant des chaussures spécifiques pour certains magasins de running, le programme MEsh est déjà pratiquement dans cette logique.

MEsh fait également office de laboratoire grandeur nature pour tester des tendances et des innovations. Ainsi, un nouveau système de chausson imaginé dans le cadre du projet et commercialisé depuis un an devrait bientôt équiper plusieurs chaussures de la gamme standardisée.

Un projet encore expérimental

Avec une action commerciale circonscrite à la France, et tout au plus un millier de paires de chaussures vendues à ce stade, le projet est aujourd'hui plus proche d'une forme d'expérimentation que d'un produit de masse. Mais il pourrait préfigurer un tournant stratégique, industriel et marketing pour Salomon à moyen terme.

mesh salomon

La MEsh Unit au siège de Salomon à Annecy où est développé le projet MEsh. (D.R.)

In fine, il aura fallu huit ans pour voir le projet aboutir. Ce développement assez long garantit d'ailleurs à Salomon de ne pas être gêné à courte échéance par ses concurrents. Certains ont d'ailleurs déjà indiqué qu'ils n'avaient pas l'intention de se positionner sur ce marché de niche qui requière d'importants investissements.

"En tout cas, ce projet nous a permis de réinjecter l'esprit d'entreprendre et de la prise de risque dans l'entreprise" conclu Jean-Yves Couput.

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