Smart city : immersion dans les secrets de l'urban lab

Centre d'innovation ouvert de la métropole de Lyon, l'Urban Lab se saisit des outils numériques pour les mettre au service de la ville intelligente. Culture, éducation, urbanisme, santé sont ses terrains de jeu favoris. Ingénieurs, designers, chercheurs, entrepreneurs ses partenaires privilégiés. Plongée au cœur d'un laboratoire pas du tout comme les autres et méconnu de la population.
(Crédits : Laurent Cerino/ADE)

Implanté au sein du pôle Pixel de Villeurbanne, le laboratoire Urban Lab casse tous les codes ordinaires des « laboratoires ». Il faut dire que ce lieu est pour le moins singulier. Au sein de ce vaste espace aveugle, point de surfaces immaculées, pas plus de chercheurs en blouses blanches et encore moins d'expérimentations confinées dans de petites éprouvettes. Ici, les murs et les sols sont revêtus d'un noir profond, les chercheurs, véritables Géo Trouvetout, sont loin d'avoir tous fait des études scientifiques et ce que l'on y expérimente, ce sont les usages du numérique.

Étrange ? Abstrait ? Impalpable ? Pas tant que cela, car depuis sa création en 1998, le laboratoire Erasme, devenu Urban Lab en 2016, a été à l'origine de nombreuses réalisations aujourd'hui familières à bien des Lyonnais et même au-delà. Ainsi, dans le Rhône, des parents d'enfants scolarisés en école ou en collège utilisent quotidiennement l'application laclasse.com pour communiquer avec l'établissement sans savoir qu'elle a été conçue par Erasme. Les tablettes tactiles Educa Touch présentes dans de nombreux CDI sont aussi le fruit d'un projet conduit par l'Urban Lab.

Autant d'innovations rendues possibles par la célérité et la pluralité des équipes du laboratoire. Car s'il fallait résumer la recette mise en œuvre par ce « do tank » qui transforme des idées en réalisations bien concrètes, l'agilité et l'ouverture aux autres en seraient les ingrédients principaux. Le tout avec un objectif : « Permettre à tout acteur de la métropole de pouvoir conduire des projets innovants qui figurent dans notre feuille de route », résume Patrick Vincent, son responsable. Service de la métropole de Lyon depuis 2016, l'Urban Lab concentre en effet l'essentiel de ses efforts en direction de cette collectivité qui se familiarise petit à petit avec cet outil pas comme les autres.

Urban Lab

Au service des politiques publiques

« Nous organisons régulièrement des réunions de service afin d'exposer notre action aux techniciens de la collectivité et nous les invitons à soumettre leurs problématiques. Nous leur présentons également certains projets qui naissent entre nos murs et qui pourraient avoir une valeur ajoutée pour la collectivité », décrit le responsable.

Pour bien cadrer son action, l'Urban Lab se fixe chaque année une feuille de route. Après les jeux et les politiques publiques en 2016, ce sont les nouvelles réalités qui figurent cette année au programme du laboratoire. Entendez par là l'exploration des opportunités offertes par les technologies de réalité virtuelle.

Chef de projets usages et services numériques à la métropole de Lyon, Pierre Gréau est l'un de ces cadres qui ont pris l'habitude de travailler avec l'Urban Lab.

« Cette structure apporte du décloisonnement au sein de notre collectivité. Nous en avons besoin pour innover », résume-t-il. Et les résultats sont bien tangibles. « L'un des sujets sur lesquels nous travaillons concerne la qualité de l'air, avec un objectif : révéler l'invisible afin de permettre aux Grand Lyonnais de mieux prendre conscience de la pollution. Grâce à cet espace, nous avons pu identifier un champ des possibles pour atteindre cet objectif et aujourd'hui nous disposons d'un prototype », explique Pierre Gréau.

Fruit d'un travail de collaboration avec les équipes du laboratoire et d'ATMO Auvergne-Rhône-Alpes (observatoire de la qualité de l'air), ce polluscope, le prototype en question, trône, avec d'autres objets en devenir, au beau milieu de l'Urban Lab. Et il suffit de positionner ses yeux au centre de ce long tube pour observer les particules fines qui envahissent l'espace au sein duquel est implanté le polluscope. Un peu anxiogène pour tout un chacun, mais fort utile pour les acteurs qui travaillent sur la qualité de l'air. Pour mettre au point ce prototype, l'Urban Lab a comme toujours fait appel à son réseau.

Architecture ouverte

Pour innover, il s'appuie sur ses six collaborateurs permanents, spécialistes du design, de l'animation de groupes et de l'accompagnement de projets. Mais il peut surtout compter sur un écosystème très fourni au sein duquel il puise, au cas par cas, les ressources nécessaires pour relever les défis. Enseignants, chercheurs, designers, ingénieurs, sociologues, acteurs de la ville, du domaine médical, chefs d'entreprise, le laboratoire métropolitain fait appel à une pluralité de compétences qui gravitent autour.

Certains sont des partenaires réguliers, d'autres sporadiques. Une architecture « agile », où rien n'est imposé afin de ne pas brider la créativité.

« Nous travaillons selon plusieurs formats de créativité. Par exemple, nous organisons régulièrement des sprints créatifs durant lesquels nous réunissons nos équipes et des partenaires extérieurs afin qu'ils trouvent une réponse à une problématique qui nous est soumise par un partenaire ou que nous apportons. Dans ce cadre, notre objectif est de trouver la réponse au problème et surtout d'incarner cette réponse en construisant, en deux semaines, un prototype », explique Patrick Vincent.

Patrick Vincent

Ces jours-là, autour d'une vaste table, tout le monde apporte ses idées, bonnes ou mauvaises. Utopiques, idéalistes, onéreuses, généreuses, toutes les pistes sont explorées, critiquées, abandonnées ou enrichies des compétences et des connaissances de chacun. « Ce brassage d'idées et ce croisement de compétences permettent de faire émerger la solution », assure le responsable de l'Urban Lab. Vient ensuite le temps de passer dans l'atelier du laboratoire pour fabriquer à l'échelle 1 un premier prototype.

Une phase de concrétisation qui rend la démarche encore plus rare. « J'ai été mis en contact avec les équipes de l'Urban Lab pour leur présenter ma problématique, qui était de faciliter la rééducation des patients atteints de troubles de l'équilibre. Je leur ai fait un bref exposé des troubles de l'équilibre chez l'enfant et trois semaines après j'avais un prototype du « Funambulium », un outil interactif de rééducation. Je suis pourtant familier de l'univers de l'innovation, mais jamais je n'avais vu une telle réactivité », commente le professeur Hung Thaï-Van, chef du service d'audiologie et d'explorations otoneurologiques à l'hôpital Édouard-Herriot qui intervient aussi à l'hôpital Femme-Mère-Enfant de Lyon.

Sur le même modèle, mais avec un calendrier plus long, la « R&D partenariale » permet de mettre en commun des moyens et des enjeux afin de produire de nouvelles solutions de services. « Sur ce format, nous avons développé Educa Touch. Les tablettes tactiles sont installées dans les CDI des collèges du territoire et utilisées comme support d'apprentissage et de collaboration », fait valoir Patrick Vincent.

Prolonger le travail

Loin d'être circonscrit au stade des idées, le travail de l'Urban Lab consiste également à faire vivre ses recherches dans le temps. Pour y parvenir, il peut compter sur les services de la Métropole qui s'approprient de plus en plus ses « trouvailles », mais aussi sur un réseau de partenaires privés qui se chargent, parfois eux aussi, d'industrialiser les innovations. Lesquelles sont exposées en permanence au sein de son show-room. La partie visible de l'iceberg, car nombre de travaux ne se transforment pas immédiatement en objets, nouveaux services ou entreprises.

Pour autant rien n'est perdu. « Nous faisons en sorte de documenter tout ce qui est produit ici. Ainsi, nous nous inscrivons dans l'écosystème d'innovation du territoire et nos recherches sont parfois valorisées des mois ou des années après avoir été conduites », souligne Patrick Vincent.

Urban Lab

En garantissant la traçabilité et la pérennité de ce qui est entrepris entre ses murs, le laboratoire s'impose comme un acteur et un animateur incontournable de l'environnement de la recherche locale. Ce faisant, il amène à lui d'autres acteurs, ainsi la dynamique créative s'entretient et se renouvelle. Un cercle vertueux, substrat idéal pour innover.

Et demain, un autre défi attend les équipes du laboratoire. « Tout ce qui est produit est open source et aujourd'hui nos ressources proviennent exclusivement de la Métropole. Notre ambition est de trouver une ou des formes de services plus adaptées pour saisir des opportunités de cofinancement de nos projets », dévoile le responsable. Une fois encore, les équipes de l'Urban Lab promettent de faire bouger les lignes, sans toutefois déroger à l'action qui les guide : demeurer au service des politiques publiques de la Métropole.

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  • Du Département à la Métropol

Créé en 1998 par le conseil général du Rhône, le laboratoire Erasme (devenu Urban Lab en 2016) était à l'origine implanté à Saint-Clément-les-Places dans les monts du Lyonnais. Depuis cette base rurale, l'outil a d'abord eu pour mission d'accompagner le développement d'infrastructures de réseaux connectés, avec l'objectif d'explorer le champ des possibles pour simplifier l'accès des services publics, spécialement ceux gérés par le Département. En 2002, les missions du laboratoire se déplacent vers les usages du numérique. Les équipes d'Erasme s'investissent alors principalement sur des sujets liés à l'éducation et à la culture. Ce virage vers l'innovation conduit le laboratoire à élaborer ses propres projets de R&D et à élargir ses partenariats pour cibler, inventer et tester de nouveaux usages du numérique. Le premier pas vers la constitution d'un écosystème riche de partenaires très divers qui permet aujourd'hui à l'Urban Lab de se positionner comme un « do tank » de l'innovation. Un living lab urbain qui n'a quasiment pas d'égal ailleurs. À l'occasion de la création de la métropole de Lyon en 2015, Erasme entre dans le giron métropolitain puis devient Urban Lab. Il concentre aujourd'hui son action sur quatre grandes thématiques : la culture, l'éducation, la solidarité et le « bien vieillir », et la smart city.

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