Génération 2050 : À la poursuite des modes de vie de demain

La plupart des visions prospectivistes prennent en compte le double impératif de réduction des gaz à effet de serre et de maîtrise de nos consommations d'énergie. Loin de l'optimisme béat et sauf rupture technologique, aucun bouleversement majeur n'est programmé à l'horizon de cette moitié de siècle, la prospective ne venant confirmer que des tendances lourdes et déjà prégnantes à l'aube de 2020.
(Crédits : DR)

27 mars 2053. Cette matinée printanière prend des allures estivales. Question d'habitude. Depuis presque une décennie déjà, l'été commence plus tôt. Les températures extérieures mesurées sous abri ont gagné 2,7 degrés en moyenne. Tanao, 34 ans, en a dorénavant l'habitude. Pour l'heure, le réveil n'a pas encore sonné. D'ailleurs, c'est la lumière qui va le réveiller. Un capteur intelligent adapte la luminosité de son appartement en variant l'ouverture des stores selon l'heure de lever préalablement réglée. De même, la température de son logement - un appartement de trois pièces de 52 m² installé au sein d'un immeuble collectif en zone périurbaine - est automatiquement régulée grâce à des capteurs thermiques installés dans chacune des pièces de vie. Ces capteurs l'informent en temps réel sur sa consommation d'énergie.

Ce mois-ci, selon les dernières estimations, il semble que l'immeuble dans lequel il réside soit énergétiquement positif, l'ensoleillement de ce mois de mars ayant permis de produire davantage d'énergie (solaire) - des panneaux photovoltaïques couvrent les façades est et sud-est du bâtiment - que ses occupants n'en ont consommée. Une bonne nouvelle, les taxes prélevées au titre du dispositif ORCE (objectifs de réduction de la consommation énergétique) étant en constante augmentation depuis l'instauration de celui-ci. Tanao, sorti du lit, se dirige vers la salle de bain, qui n'a plus de bain que le nom. La pomme de douche pulvérise un mélange d'eau et d'air, ceci afin de limiter la consommation d'eau.

Chaque foyer, selon le nombre de personnes le composant, se voit dorénavant affecter un quota de consommation, calculé au plus juste afin de préserver les ressources. En mars, Tanao et sa mère, Thérésa, 61 ans, avec qui il partage son appartement, devraient ne pas avoir à s'acquitter de la taxe imputée pour tout dépassement.

Lire aussi : GÉNÉRATION 2050 — Demain mieux qu'aujourd'hui ?

Avant de quitter son domicile pour rejoindre, d'abord en bus, puis à vélo, un espace de bureaux partagés situé à une vingtaine de kilomètres, Tanao avale le jus d'une orange pressée par un robot qu'il a programmé, comme chaque matin à la même heure. Depuis l'installation d'un jardin partagé sur le toit de son immeuble, le trentenaire et sa mère profitent de paniers de fruits et de légumes bihebdomadaires à un prix raisonnable. Cet approvisionnement en circuit court leur permet d'équilibrer au mieux leurs menus et de réduire le budget alloué mensuellement à l'alimentation.

La tentation "boule de cristal"

Récit de pure (science-)fiction ou scénario plausible et visionnaire ? Sans doute, un peu des deux. « Toute lecture prospectiviste doit tâcher de s'écarter de la tentation boule de cristal. Il ne faut jamais perdre de vue que nous sommes tributaires des inerties liées aux infrastructures déjà existantes », prévient d'emblée Cécile Désaunay, directrice d'études au sein de Futuribles, centre de réflexion et d'études prospectives.

« À l'horizon 2050, la plupart des visions prospectivistes sont réalisées compte tenu d'un double impératif de réduction des gaz à effet de serre et de contrôle de nos consommations d'énergie. Un scénario très pessimiste consiste à imaginer un futur marqué par un dérèglement climatique majeur », envisage pour sa part Yoann Gruson-Daniel, chargé du développement du programme Our Life 21 au sein de l'association 4D (Dossiers et Débats pour le Développement Durable).

Cet outil de projection vise à modéliser les quotidiens des familles en 2050, dans une société qui cherche à maîtriser sa consommation de ressources et ses impacts environnementaux.

 « Cette approche est basée sur une méthode de calcul innovante qui comprend à la fois les différentes catégories d'usage des ménages (alimentation, confort domestique, santé, déplacement au travail, etc.) selon leur consommation d'énergie, et leurs émissions de gaz à effet de serre », précise l'association 4D.

Les scénarios d'évolution rédigés par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) à l'horizon 2030 puis 2050 - une vaste étude baptisée « Visions énergie climat 2030/2050 : quels modes de vie pour demain ? » a été publiée en 2014 - prennent en compte une réduction par quatre, d'ici au milieu de ce siècle, des niveaux d'émission de GES, « dans un contexte de transition énergétique réussie et d'amplification du bien-être de la population », espère François Moisan, directeur exécutif de la stratégie et de la recherche, et directeur scientifique de l'Ademe, en dépit d'un accroissement prévu de la population.

Vieillissement inéluctable

Au 1er janvier 2050, en supposant que les tendances démographiques récentes se maintiennent, la France compterait 70 millions d'habitants, soit 9,3 millions de plus qu'en 2005. La population augmenterait sur toute la période, mais a un rythme de moins en moins rapide.

Par ailleurs, « en 2050, un habitant sur trois serait âgé de 60 ans ou plus, contre un sur cinq en 2005. La part des jeunes diminuerait, ainsi que celle des personnes d'âge actif. En 2050, 69 habitants seraient âgés de 60 ans ou plus pour 100 habitants de 20 à 59 ans, soit deux fois plus qu'en 2005.

Aucun scénario ne remet en cause le vieillissement, qui est inéluctable, au sens où il est inscrit dans la pyramide des âges actuelle, puisque les personnes qui atteindront 60 ans à l'horizon 2050 sont déjà toutes nées (en 1989 ou avant).

L'allongement de la durée de vie dans les années futures ne fait qu'accentuer son ampleur. En effet, même si l'espérance de vie se stabilisait à son niveau de 2005, le nombre de personnes âgées de 60 ans ou plus augmenterait quand même de 50 % entre 2005 et 2050 », prévient Isabelle Robert-Bobée, chef de la division enquêtes et études démographiques au sein de l'unité des études démographiques et sociales de l'Insee, dans le cadre d'une étude intitulée « Projections de population pour la France métropolitaine à l'horizon 2050 ».

Adaptation

Ce vieillissement induit, naturellement, des adaptations de modes de vie, en termes d'équipements (hôpitaux, maisons de retraite, par exemple) et de services (aides à la personne, soins, services de livraison de repas) dédiés à une population plus âgée, favorisant le maintien à domicile.

De plus, et c'est une autre conséquence de l'évolution de la pyramide des âges, une tendance dominante consiste en la baisse du nombre moyen d'habitants par foyer, notamment à cause du vieillissement de la population. Ainsi, il devrait y avoir de plus en plus de personnes âgées qui vivent seules dans des logements, globalement mal adaptés et mal équipés pour cette part de la population. Les situations de colocation vont, elles, se multiplier, qu'il s'agisse de colocation extrafamiliale, entre individus ne partageant aucun lien de parenté et ne se connaissant par forcément au préalable, ou intrafamiliale et intergénérationnelle, entre une mère et son fils, par exemple.

Notre scénario originel ne devrait pas en cela s'écarter de la réalité de certaines situations à l'aube de la seconde moitié de ce siècle. Le logement partagé et collectivisé ne devrait, en revanche, pas non plus exploser. Tout simplement, parce que le parc immobilier déjà existant sera loin d'avoir été entièrement renouvelé et ne permet pas facilement le développement de ces pratiques aujourd'hui encore. « Il constitue tout l'enjeu, non seulement sur le plan de l'habitat, mais aussi de consommation énergétique, qui ne se prête pas davantage qu'aujourd'hui au développement de la mutualisation des équipements et n'encourage les pratiques collectives et collaboratives », juge Cécile Désaunay.

Économie de la possession

L'évolution des modes de vie à l'horizon 2050 devrait s'effectuer sans bouleversements majeurs, bien que ceux-ci puissent évoluer assez vite à l'échelle d'une génération. Ainsi, le téléphone portable d'abord, puis le smartphone, ont considérablement modifié les pratiques courantes en l'espace de 20 années. Reste à savoir quelle innovation technologique pourra à ce point transformer nos comportements à l'horizon 2050. « La révolution numérique et la transformation digitale progressive de la société induiront de nouveaux usages qu'il est encore peu aisé d'imaginer. Il faut donc demeurer prudents », estime François Moisan. Le marché des objets connectés permet aux fabricants d'équipements et développeurs d'applications de devenir prescripteurs de pratiques. « La question est de déterminer à quel rythme et à quel degré ces prescriptions auront un impact sur nos modes de vie et de consommation », pointe encore Cécile Désaunay.

Toutefois, il est peu probable, analyse la directrice d'études à Futuribles, que nous changions de paradigme économique, pour glisser d'une économie de la possession vers une économie de l'usage. « La location de biens concernera encore majoritairement des biens tels qu'appartement ou véhicule. Il existe un écart entre les déclarations d'intention des consommateurs et leurs pratiques réelles. Il existe de nombreux freins à la location et à l'emploi partagé de biens neufs que l'on utilise peu fréquemment, à commercer par le prix », établit-elle.

La différence entre prix d'achat et prix de location n'est pas suffisante pour dissuader le consommateur d'acquérir un bien. « Il n'en demeure pas moins que le modèle basé sur l'hyperconsommation et l'obsolescence programmée des objets voit ses jours compter. Il s'agira bien de renforcer la durabilité des biens », propose-t-elle encore. Pour qu'une économie de fonctionnalités se développe et se concrétise, il faut penser en amont toute une offre de services spécifiques (points de location, réseau de voisinage, etc.).

« Les produits que nous consommons aujourd'hui quotidiennement sont globalement sous-évalués : le prix qu'il nous en coûte ne répercute pas la valeur réelle des coûts de production, notamment sur le plan de la consommation énergétique. Il s'agit d'internaliser au prix de revient les coûts externes réels, puis de les répercuter au prix de vente », considère quant à lui Yoann Gruson Daniel. Notamment en ce qui concerne l'alimentation.

De la fourche à la fourchette

Si l'on se fie aux préconisations établies par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), de nouvelles pratiques alimentaires viseront un triple objectif : répondre à nos besoins nutritionnels, prévenir les risques de maladies chroniques liés à certains aliments et limiter l'exposition des consommateurs aux contaminants chimiques présents dans l'alimentation (pesticides).

Ainsi, notre assiette, composée en vertu de l'application du principe « de la fourche à la fourchette », du producteur au consommateur en circuit quasi direct, devrait évoluer et voir notamment la part carnée substantiellement diminuer. L'Anses ne préconise pas plus de 70 grammes par jour pour la viande (hors volaille), soit 500 g/semaine, et 25 g/jour pour la charcuterie. Elle se fonde sur le rapport du Centre international de recherche sur le cancer, l'agence cancer de l'OMS qui, fin octobre 2015, s'appuyant sur 800 études, a classé la viande transformée, essentiellement la charcuterie, dans la catégorie des agents « cancérogènes pour l'homme », tandis que les viandes rouges (qui incluent le porc et le veau) sont considérées comme « probablement cancérogènes ».

Notre consommation de sucre et de sel devrait parallèlement se réduire en proportion, tandis que seront favorisés, dans nos menus, les fruits et légumes ainsi que les légumineuses, les céréales complètes et les fruits secs. « C'est bien ici les contraintes sanitaires qui nous imposent de revoir la composition de notre assiette alimentaire », analyse François Moisan. Afin d'assurer les approvisionnements, notamment en milieu urbain, et « d'après les modélisations conçues pour le programme Our Life 21, nous devrions assister au développement d'une agriculture urbaine et périurbaine, qui puisse répondre à certains besoins », projette Yoann Gruson- Daniel.

Au milieu de ce siècle, en effet, deux individus sur trois seront devenus urbains, ce qui suppose de relever d'importants défis dans les domaines de l'énergie, de l'urbanisme, de l'environnement, des transports et des approvisionnements. Relever ces défis « nous permettra d'adapter et faire évoluer nos modes de vie de manière presque spontanée », conclut François Moisan.

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Commentaires 2
à écrit le 24/11/2018 à 2:56
Signaler
Définir un modèle qui puisse évoluer s’adapter aux Générations suivantes pour les comprendrent et leurs transmettrent notre enrichissement humain...

à écrit le 24/11/2018 à 2:55
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Définir un modèle qui puisse évoluer s’adapter au Génération suivante pour les comprendre et leurs transmettre notre enrichissement humain...

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