A quoi ressembleront nos métiers demain ?

Serons-nous tous remplacés par des machines ? Quels seront les besoins des entreprises à court ou plus long termes ? Quels profils les entreprises rechercheront-elles en complément des IA ? Le point de vue, pour La Tribune, d'Olivier Bachelard, professeur à l'emlyon business school.
(Crédits : DR)

A quoi ressembleront nos métiers demain ? C'est une vaste question qui peut paraître anxiogène. En effet, nous savons que l'intelligence artificielle va détruire certains emplois. A titre d'exemple, en matière de transport, 70 % des coûts sont liés au chauffeur et à sa rémunération, et par ailleurs, plus de 90 % des accidents sont dus au facteur humain.

Il est donc prévisible et raisonnable de penser que les véhicules autonomes (des navettes, des taxis) vont faire leur apparition dans un futur proche, même si deux accidents mortels ont eu lieu à quelques jours d'intervalle aux USA avec des véhicules de ce type, le progrès est en marche.

Nous pouvons même aller plus loin sur un horizon de temps court. Les leaders de l'industrie aéronautiques sont passés du concept au prototype et ont déjà expérimenté en 2018 des taxis volants autonome de type drone. Bien entendu, les emplois qui disparaîtront de ce fait peuvent être chiffrés en millions.

Mais cela ne doit pas faire oublier que cette quatrième révolution industrielle bien réelle, tout comme les précédentes, va voir de très nombreux emplois se transformer et en voir apparaître de très nombreux autres.

Mutation de l'emploi

La robotisation, l'automatisation, la digitalisation, même si elles sont destructrices d'emplois ne sont pas annonciatrices d'une vision épouvantable, tout au contraire, car elles sont source de développement économique et d'emplois nouveaux. La vitesse de ces changements impactent tout autant nos modes de vie que nos systèmes de production, de management, de gouvernance et donc in fine de notre travail et de nos emplois.

Si dans un premier temps, nous nous focalisons sur les mutations en cours, nous pouvons mettre en avant plusieurs constats.

Malgré une croissance économique mesurée en France nous pouvons constater que le recrutement des cadres est en forte croissance. L'APEC (Agence pour l'Emploi des Cadres) annonce "que le seuil des 250 000 recrutements de cadres pourrait être atteint à l'horizon 2020" dans son ouvrage intitulé "Mutations du marché de l'emploi cadre, enjeux pour 2019". Comme le souligne l'APEC, cette croissance est bien entendu boostée par le secteur de l'informatique, de la R&D et du conseil. Ces trois secteurs de services sont à la pointe de la transformation digitale qui impacte toutes les activités et de très nombreux métiers.

La France a toutefois un problème marqué de décalage entre les besoins en compétences dans différents secteurs d'activités. Selon le CREDOC, "il est acquis que les postes proposés devraient correspondre le plus possible aux qualifications réellement détenues par les personnes en recherche d'emploi" et pourtant nous constatons que la qualification des chômeurs n'est "pas toujours en phase avec les besoins des entreprises". Ainsi, par exemple, la main-d'œuvre manque s'agissant des ingénieurs et cadres, alors que les perspectives de recrutement sont insuffisantes pour les salariés peu qualifiés. La réforme de la formation a bien pour ambition de réduire ce décalage.

Des organisations qui se transforment

Face à cette automatisation de l'emploi, mais aussi à tous les bouleversements organisationnels et managériaux, les besoins en compétences évoluent rapidement. En effet, la performance de l'organisation digitalisée repose sur les compétences nécessaires mobilisables.

Bien entendu, dans le cadre de la GPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences), les grandes entreprises définissaient de manière contingente les emplois, en termes de compétences attendues et de qualifications recherchées.

Simplement, cette démarche en générale annuelle doit gagner en souplesse pour s'adapter quasiment en temps réel aux changements permanents. La remise en cause régulière avec des boucles de rétroaction qui prennent en compte les différentes réalités de terrain doivent favoriser plus que jamais la coopération au service de la réactivité et de l'innovation.

La co-construction (stratégie, investissement, budget, cible, projets, besoin en compétences) nécessite de tenir compte de l'existant de l'histoire collective, des cultures, des valeurs, car les repères sont bouleversés. La clarification des processus de décisions nécessaire lorsqu'on modélise un process en vue d'un apprentissage machine permet de redéfinir les rôles pour éviter tout autant les surcharges, les ambiguïtés, les tensions, tout en réduisant la peur de perte de pouvoir des salariés en particulier face à cette digitalisation.

Il peut même s'agir d'une opportunité pour sécuriser les parcours (individualisés), l'employabilité des collaborateurs (qu'ils soient salariés ou non), tout en favorisant la conciliation des temps de vie. Le découplage de l'espace et du temps par la digitalisation permet à un nombre croissant de salariés de disposer d'horaires plus souples, de télétravailler, ou de bénéficier de plateformes collaboratives.

Des compétences nouvelles à développer

Toutefois, le passage de la transmission de connaissances par les universités et écoles avec leurs incontournables diplômes n'est plus aujourd'hui la seule voie d'acquisition de compétences. Le web offre de très nombreux supports (tutoriels, mooks, webinars, e-learning...) qui permettent à des personnes y compris isolées géographiquement de se former par elles-mêmes.

Bien entendu, ces nouvelles pratiques d'apprentissage demandent une véritable réflexion sur son projet, une projection dans le futur pour ne pas dire une vision, une autodiscipline et un engagement important. Il se trouve que l'intégration massive des outils numérique et le travail en autonomie sont des compétences très recherchées par les entreprises.

Ces nouvelles manières d'acquérir des compétences couplées à une maturité et une confiance en soi renouvelée sont très attractives pour des entreprises en quête de nouveaux talents. Cette capacité à se prendre en charge, à renforcer son jugement et sa prise de décision, à développer une grande flexibilité cognitive est très en phase avec les nouvelles formes d'organisation.

Ceci est d'autant plus vrai qu'elle est très souvent accompagnée de forte capacités à résoudre des problèmes complexes (l'enjeu n'est plus de tout comprendre mais de bien savoir utiliser les bonnes données pour prendre des décisions pertinentes au regard de la situation), de développer en même temps une pensée critique au service d'une créativité renouvelée. De plus, la maîtrise de ses émotions face à ces environnements tout aussi incertains qu'imprévisibles est indispensable pour renforcer de bonnes capacités de travailler en mode collaboratif que ce soit en présentiel comme en distanciel, de se coordonner, de se concerter, bref de bien communiquer avec les autres et donc avec soit même.

En conclusion, le salarié de demain pour innover au quotidien devra acquérir par lui-même ses compétences métiers comme numériques, collaborer avec des humains comme avec une IA en confiance pour prendre des décisions dans une temporalité courte, voire en temps réel.

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