Le mécénat d'entreprise doit être conforme à l'intérêt social

Si plus de la moitié des entreprises fait application du régime fiscal de faveur du mécénat (réduction d'impôts de 60 % du montant du don), les autres entreprises traitent leurs opérations de mécénat comme des charges de l'entreprise. La question posée est simple : l'entreprise a-t-elle le choix ? Et si oui, est-il possible de justifier qu'une dépense de mécénat pratiquée par une entreprise puisse être considérée comme une charge fiscalement déductible ? Par Laurent Butstraën, avocat associé, Delsol avocats
(Crédits : DR)

Il y a lieu de s'interroger sur la compatibilité entre la nature de l'entreprise tournée vers le profit et celle du mécénat qui, par sa nature, a vocation à entraîner un appauvrissement de cette dernière. Le mécénat suppose une intention libérale. L'intention libérale nécessite une absence de contrepartie ou pour le moins une contrepartie disproportionnée entre le don effectué et ce qui est reçu en retour. Ainsi, le mécénat se traduit nécessairement par un appauvrissement du donateur. Au regard de sa définition, le mécénat est-il compatible avec la finalité économique poursuivie par l'entreprise ?

Des conditions à respecter

L'entreprise personne morale a une finalité économique et poursuit le partage d'un bénéfice ou la réalisation d'une économie. Le mécénat, en ce qu'il aboutit à l'appauvrissement économique, serait donc, a priori, contraire à son intérêt social.

Mais malgré la contradiction apparente entre mécénat et entreprise, le mécénat lui permet de prendre pleinement sa place dans la société en affirmant son rôle social. Dans cette perspective, le mécénat d'entreprise peut, de façon induite, renforcer sa notoriété et son image et ainsi contribuer au développement de son activité. Il convient dès lors de s'assurer du respect des conditions suivantes :

  • la dépense de mécénat doit être proportionnée aux capacités de l'entreprise mécène ;
  • l'opération mécénée ne doit pas répondre à l'intérêt personnel des dirigeants ;
  • l'opération mécénée doit être envisagée en fonction des retombées identifiées par l'entreprise.

Pour étayer la compatibilité entre mécénat et intérêt social, il semble également possible de s'appuyer sur la notion fiscale d'acte anormal de gestion. Ainsi, lorsqu'une entreprise engage des dépenses, de quelque nature que ce soit, celles-ci ne peuvent être déductibles que si elles répondent notamment aux conditions suivantes : elles doivent correspondre à une charge effective pour l'entreprise ; elles doivent se rattacher à la gestion normale de l'entreprise et être exposées dans son intérêt direct.

Dans le respect de ces conditions, l'entreprise peut, si elle le souhaite, opter pour l'application du régime fiscal de faveur du mécénat ou laisser ces dépenses en charges sans bénéficier des avantages fiscaux liés au mécénat.

Cette analyse semble aujourd'hui corroborée par la doctrine et la jurisprudence fiscale (CE, plén. 9.5.2018 - n° 388 209, Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Pyrénées Gascogne.) relative aux règles de déductibilité des charges constitutives de dons, qui confirme la déductibilité des dons en tant que charge dès lors que le don effectué prend en considération l'intérêt commercial de l'entreprise.

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