Entreprise : à quoi tu sers  ?

La transformation, si nous la voulons équitable, responsable, durable, respectueuse, l'entreprise n'a pas vocation à la subir mais bien plus à la co-conduire. Comment ? Avec qui... et contre quoi ? Jean-Dominique Senard, président du groupe Michelin, donne sa vision dans cette tribune publiée dans le cadre du forum "Une époque formidable" organisé à Lyon, ce lundi 15 octobre 2018 par Acteurs de l'économie - La Tribune. Il échangera en compagnie de Laurent Berger.
(Crédits : Laurent Cerino/ADE)

Point n'est besoin d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. » Les historiens sont partagés sur la paternité de cet aphorisme, les uns l'attribuant à Charles le Téméraire, les autres à Guillaume d'Orange. Voilà une phrase qui pourrait tenir lieu de devise, en tout cas de guide de comportement, à chacun d'entre nous : tous, nous sommes un jour ou l'autre tentés par l'immobilisme ou le renoncement auxquels, c'est vrai, il ne faut pas s'autoriser à succomber si l'on veut avancer dans la vie. Néanmoins, les entrepreneurs, petits ou grands, ont besoin de plus. Mais qu'est-ce qu'un entrepreneur ?

Fondamentalement, il s'agit d'un homme ou d'une femme qui investit de son temps, de son énergie, de sa créativité dans un projet particulier. Un chef d'entreprise, parce qu'il se met au service de ses clients, du développement de son affaire et du management de son équipe, renonce à beaucoup de liberté, de temps familial et, en tout cas au début, de revenu. Il le fait, lui aussi, en vue d'un bienfait supérieur qu'il attend pour l'avenir au fil du développement de son entreprise. Mais quel est le « bienfait supérieur » ?

Le prix du sacrifice

L'appât du gain est une réponse possible et n'a rien de déshonorant : comme l'a justement observé Adam Smith dès 1776 dans La Richesse des nations, « ce n'est pas de la générosité du boucher ou du brasseur que nous attendons notre morceau de viande ou notre pinte de bière, mais de leur âpreté au gain ». Le temps n'a pas complètement invalidé cette vision très pragmatique. Mais, au siècle où nous vivons, elle semble malgré tout un peu courte et, à ce titre, mérite d'être complétée. Le prix du sacrifice que consent l'entrepreneur en termes de liberté, de vie familiale et de loisirs est aujourd'hui sans doute bien plus important qu'auparavant, et peu d'entre nous y consentiraient seulement pour l'argent. Il lui faut aussi une raison d'être, portée par un espoir, un espoir forcément un peu fou, qui est celui de changer le monde.

Lire aussi : FORUM "Une époque formidable"

On nous dira certes que cela est un peu démiurgique... Ce n'est pas faux. Mais n'y a-t-il pas du démiurge dans tout entrepreneur ? On nous objectera que ce lyrisme contraste avec les objectifs souvent bien triviaux d'Ebitda ou de Roce. On ne saurait en disconvenir. Mais ne peut-on faire du profit, et assumer, tout en visant à... ne pas faire que du profit ? Mieux : changer le monde, imposer sa vision, servir un objectif extra-économique n'est-il pas le meilleur moyen de gagner de l'argent ?

Chacun d'entre eux en est plus ou moins conscient mais, fondamentalement, l'entrepreneur vise toujours à soulever des montagnes. Cela n'est-il pas plus facile si l'on est ensemble, et portés par un même élan ? À l'heure où l'on parle de l'alignement des intérêts, ceux des actionnaires, ceux des salariés, ceux des autres stake­holders, faire partager à tous une même espérance, une même raison d'être constitue, pour l'entrepreneur, la meilleure manière de réussir son projet.

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Commentaire 1
à écrit le 26/10/2018 à 10:13
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bonjour, une question me taraude en lisant : est-ce entreprise à quoi tu sers ? ou entreprise qui tu sers ? (du verbe servir ex : servir une cause) beaucoup aimé le lire continuez à écrire avec l'âme ! Luccio

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