[Mon rêve pour demain 4/5] Robert Calcagno, de l’Institut océanographique de Monaco

"Comment imaginez-vous la place de l'Homme dans la société du futur ?" "Comment peut-il évoluer, grandir, espérer, et par quel(s) moyen(s) ?" C'est ce qu'a souhaité savoir Acteurs de l'économie-La Tribune, en proposant à des personnalités de divers horizons d'apporter leur témoignage. Cette semaine, Robert Calcagno, directeur général de l’Institut océanographique de Monaco, Fondation Albert 1er, nous fait part de son rêve, de son souhait et de ses désirs.
(Crédits : T. Ameller)

Maintenir en vie un fragment d'écosystème marin dans un petit volume isolé, voilà l'essence du travail d'un aquarium. Ayant l'honneur de diriger l'un des plus anciens et des plus réputés du monde, celui du Musée océanographique de Monaco, je sais ce que cette tâche a de noble, mais aussi de compliqué.

L'exercice exige respect et attention permanents envers le vivant et une vigilance technique particulière. Il n'est pas simple de chercher à se substituer à la nature et à l'équilibre de l'océan. Prenons un peu de hauteur de vue et embrassons la terre du regard.

Que découvre-t-on alors ? Une petite boule bleue, isolée dans le noir sidéral. Un petit aquarium si l'on considère qu'elle est couverte de 71 % d'eau. Un petit terrarium si l'on s'intéresse plus particulièrement au sept milliards de femmes et d'hommes qui se promènent à la surface du sol. Comment le développement humain pourra se poursuivre, en assurant à une population toujours plus large des conditions de vie satisfaisantes ?

Assurer la vie

La perspective s'inverse. Nous sommes dans le terrarium avec cette responsabilité singulière de devoir assurer le maintien opérationnel de notre planète, assurer la vie.

Or, l'océan reste aujourd'hui l'élément le moins connu de notre planète. Pourtant, outre la navigation qui est au cœur de la mondialisation, outre les produits de la mer qui font manger et vivre des centaines de millions d'habitants, l'océan rend une multitude de services essentiels à la vie.

Nous avons longtemps considéré l'océan comme infini, inépuisable, inaltérable... ignorant même ce que nous lui infligeons : trop de pêche, déversement incessant et croissant de polluants divers, de déchets, et aujourd'hui un apport massif de chaleur et de CO2. Même la chimie de l'océan se met à varier ! Par sa montée, par les tempêtes, par les pullulations de méduses, par les déferlantes de déchets, l'océan menace et nous renvoie nos excès.

La protection de l'océan n'est pas seulement une affaire d'océanographes et d'animaux marins. Il s'agit d'assurer l'avenir de l'homme. Les drames environnementaux sont souvent des drames humains : réfugiés climatiques, perte de ressources alimentaires, etc. L'environnement est pris en étau entre l'insouciance du plus grand nombre, la cupidité de certains qui n'hésitent pas à piller les ressources communes et la nécessité de ceux pour qui la nature est la dernière chance de survie.

Rupture

Je suis convaincu que notre succès à enrayer la dégradation de notre planète passe par une nouvelle approche, économe et respectueuse, à tous les niveaux. Cette approche n'est pas triste, ennuyeuse ou rétrograde, mais simplement en rupture avec la croyance ancienne que les ressources naturelles ou la capacité d'absorption de l'océan seraient infinies, et que notre vie pourrait s'améliorer si nous arrivons à nous imposer par rapport à notre voisin. La terre est ronde, il faut boucler les boucles : développer l'économie circulaire qui fasse disparaître les déchets pour en faire des ressources.

Faire la chasse aux excès et aux gaspillages dans la pêche, par la lutte contre les rejets ou les prises accessoires, la valorisation des co-produits. Être capable de développer de nouveaux usages : aquaculture ou énergies renouvelables, qui s'intègrent dans l'écosystème et ne s'y substituent pas. Être capables aussi de réguler les activités qui pénalisent l'environnement, tel est l'objet des aires marines protégées.

Le temps de l'excès est derrière nous, pas celui de l'espérance et du bonheur. Avec ce qu'il faut de précaution et de respect, nous pourrons tirer le meilleur de la nature sans l'épuiser. Chacun de nous bénéficie de la vitalité de l'océan et de notre planète, chacun de nous en est aussi responsable. Et nous devons tous être solidaires pour préserver notre petit vaisseau, pour tous ses occupants. Nous partageons tous une communauté de destin.

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