Travail et autonomie, le point d'équilibre

"L'entreprise reste le meilleur lieu pour être autonome dans son travail, sans être pour autant indépendant de son organisation", avance Pascal Gustin, le président d'Algoé

L'enquête sur le travail conduite par la CFDT il y a un an était remarquable à deux titres : son ampleur (plus de 200 000 répondants) et une prise de recul qui en ont fait la qualité et l'intérêt. Parmi la grande variété de thématiques abordées, celle des liens entre le bonheur au travail et l'autonomie revient fréquemment.

Les sociologues et analystes du travail constatent, depuis la fin des années 1980, une "intensification du travail" qui touche toutes les catégories de travailleurs (cadres et non cadres) des secteurs public et privé dans le temps de travail légal. Cet accroissement de la productivité, qui génère tensions et stress, est perçu et vécu comme étant l'une des causes de l'épuisement et de la souffrance au travail.

Une autre dimension importante est celle de l'isolement qui génère des difficultés. De nombreux travaux ont démontré qu'au-delà de la perte de repères, l'indépendance ou l'"ubérisation" des travailleurs conduisait à une fausse autonomie et à des trajectoires professionnelles très aléatoires.

Le sociologue Zygmunt Bauman prédit même une société où "l'exaltation de l'autonomie" conduit forcément l'individu dans une impasse, la compétence devenant collective. Il décrit une "modernité liquide" où les changements permanents ne permettent de tisser que des liens sociaux fragiles et où le développement des réseaux se fait au détriment des structures.

Cela semble donc paradoxal avec les attentes du corps social.

Avoir et être dans un collectif

Le rapport Parlons travail montre que la volonté d'autonomie est demandée de façon récurrente pour avoir un meilleur équilibre professionnel. Le bonheur au travail est directement dépendant du niveau d'autonomie du salarié ("les marges de manœuvre constituent un enjeu majeur pour rendre l'emploi vivable").

Mais l'autonomie ne s'entend ici qu'étroitement connectée au corps social de l'entreprise, que ce soit avec ses pairs ou avec sa hiérarchie. La demande d'avoir et d'être dans un collectif de travail est très forte. Elle permet de limiter l'anxiété d'un salarié qui, confronté à de nouveaux enjeux ou contraintes, a la certitude de pouvoir compter sur les autres. Cette possibilité d'entraide rassure, donne confiance et permet de mieux mettre en œuvre son autonomie.

Celle-ci va lui permettre de structurer ses actions et de s'organiser en étant au plus près des réalités. Cet espace de liberté et de décision par rapport au travail est capital à chacun d'entre nous. De même, le parcours professionnel a du mal à se concevoir et à se vivre en dehors d'un cadre social structuré.

L'entreprise reste le meilleur lieu pour être autonome dans son travail, sans être pour autant indépendant de son organisation.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.