Vers une suppression des commissaires aux comptes dans les PME ? "Une aberration"

Olivier Arthaud, président de la Compagnie régionale des commissaires aux comptes de Lyon et Damien Dreux, président de l'Ordre des experts-comptables Rhône-Alpes, clament, dans une tribune publiée par Acteurs de l'économie-La Tribune, leur "incompréhension" et leur "aberration" suite au projet du gouvernement de vouloir supprimer l'obligation pour certaines entreprises de faire appel à un commissaire aux comptes pour certifier leurs comptes annuels.
Olivier Arthaud et Damien Dreux.
Olivier Arthaud et Damien Dreux. (Crédits : Jean-Luc Mège Photography et Christophe Pauget)

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Le projet de loi Pacte devrait être présenté en Conseil des ministres le 16 mai. Parmi les mesures annoncées, la suppression de l'obligation pour certaines entreprises de faire appel à un commissaire aux comptes (CAC) pour certifier leurs comptes annuels. Un peu comme si une compétition pouvait se jouer sans arbitre...

La mission de l'expert-comptable est une mission de conseil et de sous-traitance de travaux comptables, sociaux et fiscaux dans les plus petites entreprises. La mission de commissaire aux comptes est une mission de tiers de confiance pour auditer et certifier les comptes vis-à-vis des tiers. C'est une assurance forte pour le dirigeant. Cette mesure vise à remonter les seuils obligatoires de contrôle légal des entreprises au niveau européen, et de ne conserver ainsi, dans le champ de contrôle de l'audit légal, que les entreprises qui comptabilisent plus de 8 millions d'euros de chiffre d'affaires.

Raisonnement biaisé

Cette approche est complètement déconnectée de la réalité de notre tissu économique français, composé en très grande majorité de TPE et PME. La France n'est pas l'Allemagne en termes de tissu d'entreprises, et la Suède et l'Italie qui avaient relevé leurs seuils les baissent.

Le raisonnement du Gouvernement est biaisé et incomplet pour trois raisons essentielles. La première c'est que les commissaires aux comptes, même dans les sociétés de moins de 8 millions de chiffre d'affaires, font régulièrement modifier les comptes annuels en vue de leur certification et sécurisent donc l'environnement financier de l'entreprise (fournisseurs, clients, investisseurs et associés, banquiers) et donc l'économie. La deuxième, c'est que la présence conjointe et complémentaire du commissaire aux comptes et de l'expert-comptable dans une petite entreprise permet d'éviter les comportements déviants ou les erreurs en matière d'application des lois. Les entreprises qui ont un commissaire aux comptes respectent mieux les lois. Il est établi que les dépôts de bilan en cascade sont évités grâce au rôle du professionnel en matière de prévention des difficultés des entreprises et de son pouvoir de déclencher la procédure d'alerte.

"Lanceur d'alerte"

De plus, les comportements frauduleux sont beaucoup plus rares lorsqu'il y a un commissaire aux comptes. Il exerce un rôle de "lanceur d'alerte", bien avant qu'il soit inscrit dans la loi Sapin II du fait de son obligation quant à la révélation de faits délictueux et la déclaration de soupçon. Enfin, la troisième raison, c'est que cette mesure aura pour effet de supprimer à minima la moitié des commissaires aux comptes indépendants et de concentrer le marché de l'audit sur 6 acteurs dont 5 anglo-saxons.

Plus de 60% des honoraires seront alors facturés aux entreprises par ces 6 cabinets. La concentration du marché facilite les ententes et aura nécessairement pour conséquences indiscutables, à moyen terme, non seulement une hausse des honoraires, probablement de plus de 50%, mais encore tous les problèmes d'indépendance d'ores et déjà mis sur le devant de la scène internationale.

Un cabinet d'audit qui a une clientèle composée de 80% de petites entreprises et de 20% de PME n'aura aucun intérêt à poursuivre ce métier, compte tenu du poids des obligations et des contraintes en matière de formation, de contrôle qualité...

Le risque d'audit contractuel sans réelle indépendance existera en l'absence de tout encadrement légal. Enfin, en l'état et avec cette mesure, ce sont près de 15 000 emplois qui sont menacés ! Mais également des milliers de jeunes qui se sont engagés dans des études longues (bac + 5) avec en ligne de mire les professions du chiffre. Cette réforme pénalise une jeunesse qui a choisi d'entreprendre.

Nous faisons face à une aberration et une incompréhension totale des enjeux et de la problématique.

Les propositions faites au Gouvernement

Forts de ces constats, les CAC souhaitent être force de proposition afin d'accompagner cette volonté gouvernementale de simplification et émettent des propositions concrètes :

1 : réduire le coût de l'audit de plus de 40 % pour les petites entreprises en allégeant le poids du formalisme attaché à leur mission grâce à un audit adapté,

2 : remonter le seuil actuel dans une petite entreprise de 2 à 4 millions d'euros de chiffre d'affaires ce qui représente déjà une hausse de 50 %.

3 : maintenir la présence du commissaire aux comptes dans les groupes de sociétés

La profession sait faire passer avant toute chose l'intérêt général au détriment de ses propres intérêts.

Comment peut-on raisonnablement se passer d'un tel acteur au sein de l'économie française et comment ces propositions ne peuvent-elles pas être entendues, tant elles sont de bon sens ?

La profession est unie et mobilisée derrière une profonde volonté : celle de croire en l'utilité de notre mission et d'engager les actions nécessaires à l'aboutissement d'un accord mutuel dans l'intérêt de tous.

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