Remise en cause de l'A45 : sans route, la déroute ?

La révolution automobile du XXe siècle a remis au cœur des attentions une route renouvelée par l'autoroute. Mais l'ère du numérique et de l'électrique, ainsi que les nouveaux paradigmes écologiques posent un nouveau défi. Les routes sont-elles toujours utiles ? Analyse alors que le projet actuel de l'A45 a été critiqué par le Conseil d'orientation des infrastructures. Par Arnaud Passalacqua, Maître de conférences en histoire contemporaine à l'université Paris-Diderot.
(Crédits : DR)

Visitant la France en 1787-1790, Arthur Young s'extasiait de l'état des routes, alors les meilleures d'Europe. Ce réseau semblait être un atout pour l'industrialisation, avant que le chemin de fer tienne ce rôle. La révolution automobile du XXe siècle a remis au cœur des attentions une route renouvelée par l'autoroute. L'ère du numérique et de l'électrique pose un nouveau défi : hyperloop, Sea Bubbles et autres drones semblent faire de la route la victime du prochain stade technologique, condamnée à ne devenir qu'un souvenir ou un patrimoine, comme la RN 7.

Certes, les réseaux peuvent connaître des contractions, comme le chemin de fer, réduit de moitié, parfois au profit de véloroutes. Le Haut Moyen Âge a été un moment de déclin des voies romaines, trop coûteuses à entretenir. Plus récemment, ne peut-on pas voir une rétrogradation, dans la départementalisation d'une grande partie des nationales et la privatisation des sociétés d'autoroutes ?

Capacité intégratrice de la route

Plusieurs raisons poussent pourtant à croire en leur pérennité. La route est d'abord plastique. Support de la circulation hippomobile, elle s'est muée en domaine du moteur, de la moto au poids lourd, de l'autocar Macron au covoiturage. Elle a permis l'essor de l'automobile urbaine avant d'être un support de la relance des modes actifs, comme l'illustrent les voies sur berge à Paris. Revêtement et abords se sont ainsi adaptés aux circulations successives, en excluant toutefois les usagers incapables de suivre la course de vitesse qu'a ouverte la motorisation.

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Mais la capacité intégratrice de la route demeure une dynamique fondamentale. La disparition de la rue, prônée par le mouvement moderne, a fait long feu. L'intérêt pour l'espace public, support de circulation comme de sociabilités, est ancré dans les politiques publiques. Les nouvelles mobilités urbaines renforcent cette dynamique, en ouvrant une période où la mixité pourrait prévaloir sur la séparation des flux.

Enjeu central

Ensuite, la route est un enjeu de pouvoir : de la poste aux chevaux de Louis XI aux routes royales de Colbert, la monarchie y a vu le moyen d'assurer son contrôle et de favoriser les échanges. Le poids des ingénieurs des ponts et chaussées dans l'administration depuis le XVIIIe siècle reflète cet enjeu, à l'interface entre pouvoir politique et entreprise privée. Une thématique lisible dans les récents plans de relance autoroutiers.

Mais la route sait aussi être le support d'un pouvoir contestataire, celui des blocages qui incarnent les tensions socio-politiques. Enfin, la force des réseaux anciens est d'être déjà en place. Face aux défis écologiques, tout projet d'infrastructure se heurte à des difficultés : A45, Lyon-Turin, Seine-Nord, etc. L'échec de l'Aérotrain illustre cette antériorité qui permet les effets de réseau, en faisant passer du rural à l'urbain et de la voirie lourde à la desserte de proximité.

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Loin d'être marginalisée par les innovations annoncées, la route semble donc armée pour s'imposer comme un enjeu central d'une mobilité soucieuse des territoires et consciente des matérialités.

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