COP23 : Écrire le futur incite à l'humilité

Si nos sciences fournissent des éléments de contexte importants, ce sont bien les générations qui entrent aujourd'hui dans la vie active, ou dans la vie tout court, qui devront écrire l'histoire des prochaines décennies. En ayant en tête certains événements du passé, où l'humilité a parfois manqué à l'humanité. Par Hervé Le Treut, climatologue,directeur de l'Institut Pierre-Simon Laplace, professeur à l'université Pierre et Marie Curie, membre de l'Académie des sciences.

Pour un chercheur physicien et climatologue, être interrogé sur notre avenir collectif en 2050 constitue une forme de piège. On attend le plus souvent de lui des chiffres, des prévisions, une image simple et claire de notre futur sur une Terre plus chaude qu'aujourd'hui. Mais, si nos sciences fournissent des éléments de contexte importants, ce sont bien les générations qui entrent aujourd'hui dans la vie active, ou dans la vie tout court, qui devront écrire l'histoire des prochaines décennies.

L'exemple du XXe siècle incite à l'humilité. Qui a su anticiper les deux guerres mondiales, les camps, la haine raciale, qui en ont marqué une si longue part ? Il en ira de même dans les décennies à venir : ce sont des dynamiques sociales, politiques ou économiques largement imprévisibles qui orienteront pour une large part l'évolution du monde. Mais bien sûr, ce futur sera aussi très sensible à des contraintes environnementales, qui, au fil du temps, deviennent réellement pressantes.

Changement brutal

L'accord de Paris sur les changements climatiques, de manière claire et désormais ratifiée par une très large majorité d'États, vise à stabiliser la température moyenne de la surface de la Terre à un niveau qui ne dépasse pas celui de la période préindustrielle de plus de deux degrés. Or quand on émet des gaz à effet de serre, le réchauffement est deux fois différé dans le temps : parce que les gaz restent des décennies dans l'atmosphère, parce qu'ils mettent aussi une à plusieurs décennies pour chauffer la couche superficielle de l'océan. Ces délais correspondent à une forme de dette écologique qu'il faut commencer à rembourser.

Les calculs montrent ainsi que, compte tenu des gaz déjà accumulés, il faudra avoir changé de trajectoire d'émissions de gaz à effet de serre avant 20 ans, les avoir réduits de 40 à 70 %  en 2050, et les avoir complètement supprimées avant la fin de ce siècle.

Ces chiffres s'appliquent en particulier à l'usage des combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz naturel) qui comptent aujourd'hui pour 80 % de nos ressources énergétiques. Il s'agira donc d'un changement brutal de notre production d'énergie, qui sera aussi un choc social : pour y arriver, il faudra créer des milliers, peut-être des millions d'emplois - mais beaucoup disparaîtront aussi.

Décisions diverses et contradictoires

Que se passera-t-il en 2050, s'il n'est pas possible de relever d'ici là ces défis ? Au mieux, nous n'aurons pas atteint le niveau de deux degrés de réchauffement, mais avec la certitude de le dépasser plus tard. Les conséquences des changements en cours se seront aggravées, avec la fragilisation de zones littorales et inondables, ou encore de zones semi-arides, urbaines,  montagneuses, un peu partout sur la planète.

Une exaspération des contrastes Nord/Sud sera également inévitable. Tous ces éléments feront pression pour prendre des décisions très diverses et souvent contradictoires. Pour s'orienter dans un contexte aussi volatile, il faudra s'appuyer sur des priorités fermement définies. Par exemple : préserver la biodiversité, ce patrimoine irréparable dont  nous sommes complètement dépendants. Ou encore : ne pas oublier que rien ne pourra se faire sans les populations, et que cela implique une capacité à débattre collectivement de choix complexes.  Derrière tout cela, le maître mot restera certainement celui de l'éducation, seul garant de la démocratie dans des conditions difficiles.

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