Intelligence artificielle : la France est le Tiers-Monde

Dans trois ans, l'avis d'un ordinateur sera plus sûr que celui d'un radiologue. Aujourd'hui, l'intelligence artificielle n'est plus une technologie réservée au futur. Les smartphones et les chatbots n'en sont que les balbutiements. Pour Vincent Jousse, directeur technique d'Allo Media, "c'est le moment ou jamais pour la France de l'intégrer au développement des entreprises car demain, il sera trop tard".

Elle est pourtant déjà présente dans de nombreuses applications, car il s'agit ni plus ni moins de "super-algorithme", ce qu'on appelle de l'intelligence "artificielle faible", qui se nourrit de modèles qu'elle reproduit... par différence avec "l'intelligence artificielle forte", avec une conscience propre, source de nos fantasmes, mais qui n'est pas pour demain...Il convient donc d'abord de se concentrer sur ce modèle actuel "d'intelligence faible".

Le marché automobile l'apprivoise depuis des années pour préparer la mise en circulation des véhicules autonomes. D'autres secteurs, notamment celui de la relation client, commencent à s'intéresser à cette technologie d'avenir. Autant de signes avant-coureurs qui annoncent une croissance spectaculaire. Propulsée par le big data et des capacités de calcul de la puissance est décuplée, l'IA s'apprête à bouleverser la société telle qu'on la connaît. C'est le moment ou jamais de l'intégrer au développement des entreprises : demain, il sera trop tard.

La course à l'IA est déjà bien engagée

Depuis 2012, les géants de la tech américaine ont racheté 216 startups spécialisées dans l'intelligence artificielle. Sur la seule année 2016, 77 acquisitions ont été comptabilisées, et 34 au premier trimestre 2017. Cette accélération significative incarne la nouvelle révolution industrielle que l'IA est en train d'amener. Dans le monde du travail, celle-ci est d'ores et déjà actée : les chatbots utilisés pour automatiser en partie la relation client en sont la modélisation. À l'heure actuelle, l'intelligence artificielle n'est pas encore aboutie : elle se développe de plus en plus, mais nécessite un très grand nombre de données pour performer. On est donc encore loin d'une IA qui viendrait remplacer le travail humain. C'est pourtant un des plus grands fantasmes liés à cette technologie et, s'il n'est pas infondé, il faut néanmoins le nuancer. L'intelligence artificielle s'inscrit dans une réflexion de société plus globale que "les robots vont-ils remplacer les humains ?".

Comme la révolution industrielle, cette mutation majeure supprimera certains emplois et en créera d'autres. Les travaux répétitifs des emplois considérés comme "sachants" seront, par exemple, substitués : une intelligence artificielle sera capable d'analyser des radios plus rapidement et plus efficacement qu'un radiologue. En revanche, un médecin généraliste ne pourra pas être remplacé immédiatement par un tel système qui ne fonctionne que selon une reproduction de modèles.

L'intelligence artificielle appliquée à la relation client

Aujourd'hui les clients appellent les enseignes et pensent être écoutés... mais les marques ne les entendent pas ! Seul les conseillers écoutent et, aussi brillants soient-ils, se trouvent dans l'incapacité technique d'enregistrer l'intégralité de leurs échanges... cette information ne remontent donc pas dans la "conscience" de l'entreprise : les équipes marketing ou de direction qui prennent les décisions de gestion et d'organisation en réponse aux attentes des clients. Véritable soutien du conseiller, en captant, analysant et en triant automatiquement les informations, certaines applications de cette technologie apparaissent aujourd'hui dans l'univers des centres d'appels. Les clients pourront créer une relation avec une grande marque comme ils échangent avec leurs commerçants de quartier, ce qui n'était jusqu'à présent qu'une illusion savamment entretenue par le marketing.

En mettant l'intelligence artificielle au service des clients, les grandes entreprises transformeront la relation one-to-many en une relation one-to-one, ce dont rêves les clients "fan" de ces marques, frustrés de devoir rappeler et réexpliquer plusieurs fois leurs demandes. D'ici quelques années, ce procédé sera généralisé. 50 % de la relation client à faible valeur sera automatisée, 50 % nécessitant un échange empathique humain à valeur sera traitée par des "conseillers clients augmentés" : l'intelligence artificielle décuplera les capacités de compréhension et de recherche pour mieux servir les clients.

Nous vivrons alors un cercle vertueux homme-machine : un être humain qui explore les besoins de son client, une machine qui puise simultanément sa capacité d'analyse dans la richesse de cet échange, pour mieux aider ces deux humains à se comprendre en temps réel.

En finir avec les fantasmes

Les entreprises françaises sont encore frileuses à l'idée d'intégrer les profils spécialistes de l'intelligence artificielle à leurs équipes, ou inconscientes des enjeux. Pourtant, c'est maintenant qu'il faut prendre le virage de l'IA pour entériner la fuite des cerveaux et assurer la compétitivité de nos entreprises : celles-ci doivent sortir du fantasme de l'intelligence artificielle telle qu'elle est représentée par l'industrie du cinéma. Il s'agit simplement de capacité de traitement de données pour rendre les offres des entreprises plus performantes.

La France a toutes les armes pour être compétitive : des chercheurs à la renommée internationale, des moyens de financement qui se développent, une culture entrepreneuriale qui n'a jamais été aussi forte.

 Les entreprises qui ne saisissent pas cette opportunité seront dépassées d'ici une dizaine d'années. Les décisionnaires doivent se poser la question : "dans quelles activités de mon entreprise pourrais-je apporter une accélération du traitement de l'information dans la chaîne de valeurs ?" L'IA est la nouvelle révolution industrielle : c'est une vague qui va opérer des transformations majeures dans notre société, et qui balayera les entreprises qui n'auront pas misé dessus.

L'urgence est là

Avec l'exportation de ses talents, la frilosité de ses entreprises, la difficulté des startups hexagonales à penser "international", l'envoi massif de données aux GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) et la consommation des "produits finis" - leurs applications - la France se positionne en véritable Tiers-Monde de l'intelligence artificielle, comme le dit le docteur Laurent Alexandre. L'urgence est là : il faut rattraper notre retard, et prendre le virage dès maintenant pour rester compétitif. Les entreprises ont un rôle majeur à jouer dans cette course à la technologie : il leur faut s'affranchir de leurs idées reçues pour intégrer l'intelligence artificielle dans leurs processus opérationnels, la mettre au service de leurs clients et de leurs salariés et décuplant leurs capacités.

L'eldorado de demain, ce n'est plus l'or : c'est la donnée, socle de l'IA. S'il y a encore tout un travail d'éducation à faire, il appartient aux entreprises d'anticiper et de mettre en œuvre concrètement cette nouvelle révolution industrielle qui s'apprête à changer nos vies, et les équilibres concurrentiels.

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