L’emprisonnement est rarement la meilleure solution

La maison d'arrêt de Villepinte est aujourd'hui bloquée par ses surveillants qui dénoncent la surpopulation carcérale. Il y a deux semaines, Léa Poplin, sa directrice, avait déjà informé les tribunaux de son secteur que sa prison est désormais "dans l’impossibilité physique d’accueillir plus de détenus". Suite à cette missive, l’association Chantier-Passerelles qui œuvre au développement d'une alternative humaine et efficace à la prison, alerte sur l’inefficacité du tout carcéral.
Agathe Zebrowski et Sylvain Lhuissier, fondateurs de Chantiers Passerelles.

69 340 détenus pour 58 664 places, voilà un triste record de battu. A Villepinte, où la prison est remplie à plus de 200 %, la directrice a carrément dit stop. Sa prison n'accueillera pas un détenu de plus. De fait, les conséquences de la surpopulation carcérale sont désastreuses : elle empêche tout travail sur la prévention de la récidive, rend difficiles les conditions de travail des personnels pénitentiaires et condamne l'Etat français à se rendre coupable de traitements dégradants. Malgré le coût exorbitant de la prison (100 euros par jour et par personne détenue), 61 % des personnes qui en sortent sont recondamnées dans les 5 ans.

30 ans que ça dure, 30 ans qu'on essaye les mêmes solutions

Voilà des décennies que la rhétorique est la même : "s'il n'y a pas assez de places en prison, il faut en construire de nouvelles". Le problème, c'est que plus il y a de places, plus on emprisonne. Depuis 1990, la population carcérale a augmenté de plus de 50 %, et ce, sans aucune corrélation avec la criminalité et la délinquance, restées stables (Selon l'Observatoire scientifique du crime et de la justice, les homicides, les vols et les cambriolages ont même diminué).

Malgré ça, le gouvernement actuel porte la création de 16 000 places de prison supplémentaires, et les candidats à la présidentielle ne cessent de faire monter les enchères. Tout cela sans évoquer la nécessité de doter de moyens les Services Pénitentiaires d'Insertion et de Probation (SPIP), qui œuvrent pour prévenir les risques de récidive.

Et si on changeait de disque ? Développons les alternatives à la prison !

La prison n'est pas la seule solution et rarement la meilleure. En effet, nous avons bien d'autres façons de sanctionner : travail d'intérêt général, placement à l'extérieur, contrainte pénale. Ces sanctions sont bien moins coûteuses et présentent de meilleurs résultats sur la récidive. C'est également la toute première recommandation du livre blanc sur l'immobilier pénitentiaire, remis la semaine dernière au Garde des Sceaux.

Ayons l'audace et la responsabilité d'appliquer enfin les recommandations du Conseil de l'Europe, et d'entreprendre ce que d'autres ont réussi : une décroissance carcérale (en Finlande, division par 5 depuis 1945). Nous sommes nombreux (avocats, magistrats, associations), à le demander.

Pour cela, passons de l'indifférence généralisée à la responsabilité sociétale

En remettant ce livre blanc, le député Jean-René Lecerf fait un autre constat : "la société civile s'est détournée de ses prisons". Avec des prisons de plus en plus loin des centres villes et une justice peu lisible, la société a fini par s'en désintéresser.

Pour que ça change, il faut prendre collectivement conscience de cet enjeu de société, et du rôle que nous pouvons jouer : proposer du travail décent et varié en prison, employer sans discrimination les personnes sortant de prison, accueillir du travail d'intérêt général. Nous devons aussi inciter nos dirigeants et nos administrations à faire preuve de responsabilité, de cohérence et de pédagogie sur ce sujet.

Plus que de réclamer le châtiment des personnes condamnées, notre rôle citoyen n'est-il pas de créer les conditions pour qu'elles ne récidivent pas ? La Justice est une responsabilité sociétale, notre responsabilité à tous.

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