Présidentielle 2017 : "Il n’y a pas de complot des médias" (Jean-Marie Charon)

L'élection présidentielle 2017 fera date. Rythmée par les affaires et les situations inédites, elle impose aux médias une rigueur sans faille. Pourtant, le travail des journalistes est aujourd’hui largement critiqué par les principaux candidats et leurs partisans. À tort ou à raison ? À l’occasion de la semaine de la presse à l’école, Jean-Marie Charon, sociologue au CNRS et spécialisé dans le travail des médias, nous livre son analyse.

Acteurs de l'économie - La Tribune. L'élection présidentielle pousse certains de nos concitoyens à porter un regard parfois critique sur les médias. En ont-ils trop fait sur le Pénélope Gate ? Sont-ils assujettis à Emmanuel Macron ? Ont-ils du mépris pour les petits candidats ? En clair, les médias français suivent-ils une ligne subjective et commune ?

Jean-Marie Charon. Commenter le traitement d'une campagne présidentielle par les médias oblige d'abord à être prudent. Il n'y a pas d'entité abstraite des médias, mais des tendances dans des contenus plus divers qu'une impression forcement subjective le laisse penser. En second lieu, les médias s'intègrent dans un débat public qu'ils ne dirigent pas et de moins en moins. Il y avait la campagne sur le terrain. Il s'y surajoute l'espace du web, à commencer par les réseaux sociaux et les plateformes d'échange.

Les médias pouvaient-ils occulter des affaires ? Se désintéresser d'Emmanuel Macron ? Ignorer que les différents candidats n'ont pas la même influence dans l'espace politique ? Ils ouvriraient encore davantage un boulevard pour les espaces sur lesquels s'appuient toujours plus les publics à commencer par les plus jeunes, sur le web. Il n'y a pas de complot d'une sorte de main invisible des propriétaires des médias ou d'une caste journalistique pour confisquer le vote des citoyens.

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Quelle est la définition d'un journalisme de qualité ?

Dans le traitement d'une campagne électorale, il n'y a pas un journalisme de qualité, mais des rôles à jouer pour les médias : ils doivent témoigner de ce que sont les projets et comportements des candidats. Ils doivent aussi jouer leur rôle d'analyse et de décryptage des projets et personnalités. Ils doivent apporter des éléments de contexte et de compréhension. Ils doivent aussi rendre compte de la manière dont le corps social vit cette période, les attentes, les frustrations, etc. Soit des volets très divers et des moyens qui sont plus ou moins au rendez-vous et que la diversité des approches dans un paysage pluraliste permet plus ou moins de réaliser. Reste la question du très inégal accès des différents publics à cette offre.

Les médias doivent-ils se remettre en question ?

Les campagnes présidentielles dans un pays comme la France font partie des événements majeurs qui mobilisent des moyens considérables des médias, comme ils éprouvent la solidité des équipes. Ce sont aussi des moments où les publics évaluent la pertinence du travail réalisé voire expriment leurs critiques. C'est dire qu'il est essentiel pour les rédactions d'opérer des retours critiques. Le plus possible au fil du déroulement de campagnes qui se prolongent sur des périodes longues.

Il importe surtout que des débriefings, séminaires de rédaction évaluent points forts et faiblesses, pour imaginer les manières d'y répondre. Chaque campagne, dans un paysage aussi évolutif, est marquée de nouvelles relations entre public et médias. 2012 avait vu apparaître le second écran et les réseaux sociaux parallèlement aux retransmissions des débats et meetings en direct. 2017 pourrait bien être le moment où les médias se confrontent à une pratique d'information "horizontale" du public appuyée sur les réseaux sociaux et les plateformes d'échange.

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La pluralité est-elle un gage de qualité ?

La pluralité des médias est d'autant plus importante que nos sortons d'un paysage dominé par les mass-médias. Les comportements d'information se personnalisent. La fragmentation des publics s'approfondit. C'est ce qui avait fait le succès des magazines spécialisés. Puis vint la multiplication des radios et télévisions. Le web fait franchir un nouveau pas, avec l'amplification d'un mode de recherche d'information qui part des individus. Ceux-ci s'appuient sur les vecteurs disponibles pour cette recherche, à commencer par les réseaux sociaux.

Dès lors l'accès se fait à des sources multiples dans lesquelles les médias ne sont qu'une composante. D'où aussi l'enjeu autour des "fakes", des thèses complotistes et autres phénomènes perturbateurs. La relation privilégiée, choisie à un média, verticale pourrait-on dire, décline. L'enjeu pour chaque média est de se faire reconnaître comme source référente. Soit la question lancinante de ce qui fait qualité pour des publics aux attentes et comportements toujours plus hétérogènes.

Propos recueillis par Steven Dolbeau

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Commentaires 4
à écrit le 24/03/2017 à 6:22
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Déja Diogene Chez les Grecs cherchaient un Homme honnete ! et aujourd hui encore vous n etes pas sur la liste .Vous etes complice ou aveugle . La majorité des Français crient au complot , Changez de lunettes, revoyez votre Ophtamologiste, pour redeve...

à écrit le 23/03/2017 à 19:11
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ASSELINEAU président de l' UPR rappelle à quasi chaque intervention politique la charte de Münich aux journalistes, la plupart d' entre eux ne savent même pas de quoi il s' agit. La plupart ne vérifient jamais leurs sources, base de l' indépe...

à écrit le 23/03/2017 à 14:39
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Les médias n'y sont pour rien, seul ceux qui les dirigent, protègent leurs intérêts!

le 23/03/2017 à 18:15
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Les journalistes confondent leur métier de source d'informations, informations qui doivent donc être factuelles, avec celui d'éditorialiste, qui donne son avis personnel. On assiste à une médiatisation du journaliste (voir la présentation du journa...

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