Trump : le jour d'après

Donald Trump sera le prochain président des Etats-Unis, sauf accident. L'arrivée au pouvoir de cet homme au langage direct, aux manières très éloignées des habitudes de la classe politique interroge et inquiète. Et la question de la future attitude des USA sur la scène internationale n'est pas la moindre des interrogations. Par Jean-Marc Huissoud, directeur du Centre d’études en géopolitique et gouvernance à Grenoble Ecole de Management.

Constatons tout d'abord que le mandat commence sous des auspices bien particuliers. Autant Barrack Obama est arrivé puis resté au pouvoir avec d'entrée une aura positive, autant Donald Trump est dans la situation inverse. Sa campagne aura réussi le tour de force d'attaquer la Chine, la Russie, le Mexique, le monde musulman et même l'Europe.

La thématique récurrente de son discours, "America is back", rappelle les mauvaises heures du reaganisme et de Georges W. Bush, faisant craindre un regain d'activisme des USA, susceptible de rompre les fragiles équilibres encore en construction de la période précédente. Il est vrai que si M. Obama avait conscience de l'impossibilité de continuer une politique unilatéraliste, Donald Trump semble l'ignorer.

Revenir aux principes de réalité

Il convient cependant de ne pas surévaluer ce qui va se passer. L'optimisme pour M. Obama était largement exagéré et le fruit de projections sur le symbole qu'il incarnait. La peur que suscite Donald Trump est tout aussi amplifiée. Les discours prononcés jusque-là étaient destinés à un public américain dans une perspective d'élection américaine. Aucun candidat n'a jamais prêté dans ce cadre la moindre attention à l'opinion publique mondiale.

Le plus facile est fait pour Donald Trump. Maintenant, il va falloir diriger l'administration et revenir aux principes de réalité. Or, sa majorité au sénat est très relative, et c'est bien le sénat qui en définitive contrôle le pouvoir exécutif. Il y a des partisans, mais pas tant, et cela ne recoupe pas le clivage républicains / démocrates. Sa posture antisystème va se heurter aux intérêts des Etats fédérés, des grands groupes, de la FED, et de Wall Street.

La première question est là : saura-t-il faire des compromis ou tentera-t-il de faire plier une classe politique peu aventuriste en s'appuyant sur les mouvements conservateurs et fondamentalistes qui l'ont porté au pouvoir ?

La Russie, élément vital de l'équilibre mondial

Concrètement, on peut attendre un renforcement du protectionnisme, mais celui-ci est déjà bien installé et la fin des dogmes néolibéraux est actée depuis plusieurs années dans le monde anglo-saxon. Exit le TAFTA et le TPP, ce qui pourrait pousser des entreprises américaines à passer la frontière canadienne pour bénéficier d'une ouverture plus grande sur les marchés mondiaux. Pour l'Union Européenne, le coup peut être rude mais pas insurmontable, et l'occasion de revoir de manière volontariste ses politiques économiques.

Les relations avec la Russie risquent de se tendre. Là aussi, on peut arguer que cette évolution est inévitable. La politique déstabilisante de V. Poutine a déjà entrainé des initiatives diplomatiques de la part d'Obama à destination du Caucase et de l'Ukraine, mais aussi des membres orientaux de l'OTAN. Mais les USA ne peuvent s'engager dans une confrontation ouverte, sans parler même de guerre. La Russie est un élément vital de l'équilibre mondial, dans lequel les USA pèsent moins et devront chercher des coalitions d'intérêts avec Moscou, notamment face à Pékin, mais aussi sur les questions du Moyen-Orient.

Et la Chine ?

Les reproches faits par Donald Trump à la Chine relève du fantasme (sur la question climatique par exemple) et sont retournables vers leur expéditeur, ce que Pékin ne se gêne pas de faire (qui triche le plus sur le cours de sa monnaie ou sur le protectionnisme normatif ?). La dépendance des USA aux capitaux chinois pour financer ses déficits, la masse des investissements américains en Chine qui sont autant d'otages potentiels, l'incapacité des USA à satisfaire leurs besoins de consommation sans les usines chinoises, laissent peu de marge à Washington.

Les USA ne sont pas non plus en position d'accentuer leur activisme militaire. L'échec afghano-irakien a laissé des traces dans l'opinion et du doute sur la capacité de la machine de guerre américaine à régler les problèmes. Surtout, le coût de l'aventurisme de G.W. Bush est lourd, et la crise des cours du pétrole a réduit la manne des pétrodollars. Une chute du dollar suite à l'élection pourrait accélérer le recul de celui-ci dans l'économie mondiale, ce qui impacterait directement la capacité des USA à mener les actions et réformes dont Trump se veut l'initiateur. A moins bien sûr que les USA ne soient directement attaqués.

Reste à savoir s'il essaiera quand même. Auquel cas, au-delà des risques globaux de déstabilisation que cela pourrait amener, cela accentuerait l'usure de l'hyperpuissance. Ceci aussi est inévitable, et laisse une chance à l'Europe de réincarner une option politique forte sur la scène internationale. A condition qu'elle ne cède pas, elle-aussi, à la tentation de ses propres populismes, nationalistes, simplistes et finalement impuissants.

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