En finir avec le cercle vicieux d'une prison "école du crime"

Pour la présidente de la section française de l'Observatoire international des prisons, Delphine Boesel la construction de nouvelles places de prison n'est pas la réponse adaptée à la surpopulation, principalement pour les détenus condamnées à des peines courtes. Pour l'avocate au Barreau de Paris, il faut penser un vrai plan afin de privilégier des peines qui ont un sens.

Cet été, la France a atteint un nouveau triste record de surpopulation carcérale, avec 69 345 personnes détenues. Pour parer à cette situation, on entasse deux à trois personnes dans 9 m² et l'on installe des matelas au sol. Avec des conséquences dramatiques : un manque d'intimité propice aux violences et une prise en charge de détenus défaillantes à tous les niveaux.

De la santé à la préparation à la sortie, toutes les structures sont saturées. Si bien que, pour la plupart des détenus, les peines de prison se soldent par des sorties non préparées. Entre 2005 et 2014, près 7 000 places de prison ont été créées. Le nombre de prisonniers, lui, a augmenté quasiment dans la même mesure, passant de 58 000 à 67 000 personnes détenues.

Inefficacité

Ces chiffres prouvent l'inefficacité de la construction de nouvelles places de prison, principale réponse à la surpopulation apportée par les gouvernements successifs. Pourtant, cet été encore, en visite à la maison d'arrêt de Nîmes, Manuel Valls promettait un nouveau plan d'extension du parc pénitentiaire (il l'aura annoncé le 6 octobre). En fait, la prison produit ce qu'elle entend combattre. Vide de sens, l'incarcération renforce les parcours déviants par la rupture des liens sociaux, des possibilités de travail, et socialise au contraire le détenu dans des cercles criminogènes.

Le taux de récidive chez les personnes sorties de prison sans accompagnements est de 63 %. Mise en regard, une sanction alternative, supervisée par un professionnel bien formé, permet de réduire le taux de récidive de 20 à 25 %. Au-delà, la construction de prisons est extrêmement coûteuse financièrement. Entre 2004 et 2014, l'État a consacré 3,2 milliards d'euros à l'augmentation du parc carcéral. Pour l'effet que l'on connaît.

La réponse est donc ailleurs : il faut allouer ces moyens financiers aux peines alternatives à l'incarcération ; prévoir des budgets pour des personnels d'insertion, des structures d'accompagnement, une prise en charge centrée sur les problématiques des personnes (addictions, violences, troubles mentaux), seuls à même de prévenir la récidive.

Du sens

Alors que la grande majorité des détenus sont condamnés à des peines courtes, connues pour être particulièrement désocialisantes, il faut privilégier des peines qui ont un sens. Le travail d'intérêt général permet un travail gratuit au profit d'une collectivité ou d'une association et place le condamné au cœur de la société plutôt que de l'en exclure. Le placement à l'extérieur permet à une personne d'effectuer tout ou partie de sa peine au sein d'un établissement ouvert, et de mettre en œuvre un projet de réinsertion. Il ne s'agit pas de mesures laxistes, comme on l'entend trop, où les gens sont « libres et tranquilles ». Il s'agit de maintenir un contrôle tout en proposant un accompagnement vers la formation, le travail, etc. et finalement des possibilités bien meilleures de sortir de la délinquance. C'est un coût moindre pour la société aussi.

Lire aussi : Travail d'intérêt général, une peine de sens

Alors qu'une journée en détention coûte en moyenne 100 euros par détenu, une mesure de placement à l'extérieur coûte 35 euros à la collectivité.  Alors pourquoi ne pas faire ce choix ? A quelques mois de l'échéance électorale, la raison et l'intelligence risquent de nous faire défaut. La raison, ce sont ces chiffres et les études scientifiques qui démontrent qu'une personne à qui l'on propose une alternative au monde violent de l'enfermement a moins de chances de récidiver.

L'intelligence, ce serait de penser un vrai plan pour en finir durablement avec le cercle vicieux d'une prison « école du crime ». Pour cela, il faut des choix audacieux, qui peuvent sembler impopulaires mais qui ont fait la preuve, ailleurs, de leur efficacité.

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Commentaires 2
à écrit le 13/10/2016 à 13:46
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Les démocraties du nord, Norvège, Suède et Danemark ont largement avancé dans ce domaine et la Norvège voit ses prisons ouvertes être un véritable succès, très peu d'évasion pour une réinsertion 10 fois plus efficaces à la sortie de l'établissement. ...

à écrit le 13/10/2016 à 9:33
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Ce genre de discours ne fera jamais d'audience au " 20 heures"....

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