Jeunes, ne renoncez pas à changer le monde !

Ce qui caractérise la jeunesse, c'est la nécessité d'inventer, d'innover, d'imaginer des manières de faire, de vivre, de s'engager, d'expérimenter toutes les formes de liberté, modalités adaptées à leur temporalité, à leur subjectivité aussi. Il y a sans doute un peu de transgression dans l'idée d'entreprendre très tôt. Marie Rose Moro*, Professeure de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, Université de Sorbonne Paris Cité.

Banals mais sublimes, familiers mais inquiétants : tels sont nos adolescents et nos jeunes d'aujourd'hui et de demain, d'ici et d'ailleurs... On dit les aimer ; souvent, ils nous intriguent et, trop souvent, ils nous font peur. Les regards sur nos adolescents doivent être interrogés, l'évolution des savoirs et des manières de faire avec eux, aussi. On dit en effet que c'est le plus bel âge de la vie et c'est souvent ainsi.

Vision biaisée

Pourtant, en même temps, on l'associe à l'ennui, à la révolte, à l'émergence du sexuel, aux transgressions, aux questionnements identitaires ou au besoin d'utopie. On oublie notre adolescence dès qu'on en est sorti, au moins en partie et dans ses aspects les plus spécifiques. Et notre société a souvent tendance à considérer qu'ils en font trop ou pas assez. Certains vont présenter des adolescences interminables et vont reculer le moment d'entrer dans la vie active ; on critique leur indolence et leur manque de responsabilités.

D'autres vont entreprendre très tôt à partir d'intuitions, de compétences qui leur sont propres, dans le domaine de la création virtuelle ou des logiciels, par exemple, et alors on les critique aussi parce qu'ils bouleverseraient l'ordre des choses, d'abord apprendre puis entreprendre dans le monde des adultes, "le vrai monde".

Émancipation

Or, ce qui caractérise la jeunesse, c'est la nécessité d'inventer, d'innover, d'imaginer des manières de faire, de vivre, de s'engager, d'expérimenter toutes les formes de liberté, modalités adaptées à leur temporalité, à leur subjectivité aussi. Il y a sans doute un peu de transgression dans l'idée d'entreprendre très tôt, une envie de s'émanciper de la tutelle et des conseils parentaux ou de ceux des adultes qui croient savoir, mais c'est beaucoup plus que cela !

C'est avant tout une forme d'engagement dans la vie, d'invention de formes et de manières qui correspondent à cet âge de la diversité, de la nécessité d'advenir et de penser et de faire par soi-même. Cette leçon que nous donnent ces adolescents qui entreprennent ou s'engagent précocement vaut pour tous les adolescents dans leur diversité.

Elle plaide pour que nous reconnaissions leurs parcours dans notre société multiculturelle et quelque peu frileuse et normative qui ne reconnaît pas à tous ses adolescents les mêmes chances et les mêmes possibles. Ces jeunes nous obligent aussi à avancer dans la création d'imaginaires de la diversité des adolescents, qu'elle soit psychologique, sociale ou culturelle. Imaginaires si importants pour ne pas renoncer à changer le monde ou, du moins, son lien au monde où il y aurait une place pour chacun et pour tous.

Marie Rose Moro*, Professeure de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent,
Université de Sorbonne Paris Cité. Chef de service de la Maison de Solenn-Maison des adolescents de Cochin (APHP, Paris)

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