Affaire Baupin : Si les femmes sont victimes, l'entreprise passive est coupable

Denis Baupin aurait eu un comportement inacceptable avec de nombreuses femmes. Cette malheureuse affaire n'est que la partie émergée de multiples cas de harcèlement dont sont victimes les femmes. J'en ai été victime, plusieurs de mes amies en ont été victimes également et de nombreux DRH me parlent de cas similaires au sein de leurs entreprises. Mais combien de cas arrivent sur la place publique ? Peu, très peu, trop peu. Présidente du réseau Rhône-Alpes Pionnières, qui accompagne les femmes créatrices d'entreprises, Claire Saddy réagit à cette affaire.

L'acte de Denis Baupin - s'il est avéré par la justice - est d'une triste banalité bien que d'une violence psychologique exceptionnelle. Le dégradé des types d'agressions sexuelles en entreprise vont du "petit sexisme ordinaire" au harcèlement sexuel avéré, parfois assumé, et ces agressions, verbales ou gestuelles, polluent le quotidien personnel et professionnel des femmes.

Dans les filières dites techniques, je connais de nombreuses femmes qui ont "craqué" sous la pression des blagues machistes quotidiennes de leurs collègues masculins. Il semble que les PME soient plus touchées que les grands groupes qui ont, en la matière, des politiques RH plus affirmées et plus protectrices.

Tous les hommes ne sont pas les mêmes

Mettons les choses au point : tous les hommes ne sont pas à mettre dans le même panier. La grande majorité font de la délicatesse et de l'acceptation réciproque les marqueurs de leurs relations aux femmes. Et ils comprennent parfaitement le sentiment de rabaissement et de gêne vécu par les femmes soumises à un regard appuyé sur leurs seins. Mais, face à la situation actuelle, où de nombreux cas restent impunis, je ressens de l'écœurement.

Pas seulement vis-à-vis du "cas" Baupin ou des harceleurs. Car je m'interroge : pourquoi en sommes-nous arrivés là ? N'est-ce pas une société déviante, malade de sa domination masculine dans le monde économique qui donne l'autorisation à certains hommes d'agir ainsi ?

C'est aussi le silence des femmes, parfois interprété comme une acceptation tacite. Ce silence qui ne fait qu'entretenir un sentiment d'impunité chez certains libidineux à qui la notion de respect des femmes est étrangère et qui profitent de leur pouvoir économique pour réduire les salariées les plus jeunes, aux statuts les plus précaires dans l'entreprise, à un simple objet de consommation.

Une entreprise moderne, qui valorise, dans un objectif entendu de performance, la qualité de vie au travail ne peut accepter cela. Nous devons tous faire front, hommes et femmes pour des questions de respect de nos droits élémentaires à exercer sereinement notre métier.

L'entreprise a un rôle à jouer

Certes, je les comprends, ces femmes victimes qui ne dénoncent pas leur harceleur par peur de perdre leur emploi (dans 80 % des cas, le harceleur est un supérieur hiérarchique). J'ai conscience de cette lourde chape de plomb qui enferme la parole des femmes puisque même des femmes de pouvoir éduquées, intelligentes, affirmées ne peuvent y résister ! J'en ai conscience, mais je ne l'accepte pas.

Seulement 5 % des femmes victimes d'agression sexuelle saisissent les tribunaux pour ce type de faits... par fatalisme, par difficulté à réunir les preuves, par honte et pire, par culpabilité ! C'est là où l'entreprise a son rôle à jouer : en dénonçant, en poussant à dénoncer, en faisant des exemples, en incitant à la libération de la parole de leurs salariées, en les soutenant. Si les femmes sont victimes, l'entreprise passive est coupable.

Tolérance zéro ! Il n'y a pas de "petites blagues" innocentes. Rien n'est innocent en matière d'intimité et d'estime de soi. Agir est une responsabilité sociétale pour tous et une responsabilité sociale pour les entreprises. Bravo à ces quatre femmes qui ont osé dénoncer !

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Commentaires 9
à écrit le 12/05/2016 à 12:58
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Le problème français est beaucoup plus profond. Nous sommes dans une société verticale, c'est-à-dire que tout ce qui est en dessous de moi est corvéable à merci, et a principalement le droit de la fermer. Les politiques se croient de droit divin et ...

à écrit le 12/05/2016 à 9:11
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Les quatre leviers: Idéologie: émancipation de la femme, possibilité d'accéder à des postes hiérarchiquement élevés autant que les hommes, rémunération des compétences à leur juste valeur, liberté d'aimer. Ego: Les femmes même très jeunes ...

le 12/05/2016 à 14:47
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En effet, l'entreprise est belle est bien passive à l'égard de tels comportements ( courants ?) … Peut-on parler de victime ?

le 14/05/2016 à 10:50
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Schéma très bien fait. Cela n'a jamais existé dans l'entreprise ou les services publics...puisqu'on vous le dit.

à écrit le 12/05/2016 à 8:51
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Article intéressant, qui pose bien la vraie question : quelle est la limite ? Il semble que vous alliez un peu loin : toutes les femmes ne se sentent pas agressées par un "regard appuyé sur leurs seins". Faut-il aller jusqu'à pourchasser les regards ...

à écrit le 11/05/2016 à 18:00
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J'apprécie la pertinence et la posture clairement exprimée de Claire Saddy, merci!

à écrit le 11/05/2016 à 16:59
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Dans plusieurs cas récents, des juges ont condamné sévèrement des femmes qui avaient tué leur harceleur. Le débat sur le féminin provocant et le masculin entreprenant est un débat sur le règne animal et même végétal. L'éducation "du genre" a peu d'in...

à écrit le 11/05/2016 à 15:19
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Concernant notre "société malade "Je pense au contraires que la place des femmes est tres tres récente au vue de l'évolution humaine . Depuis combien de temps avons nous le droit de vote ??? Les comportement machistes et rabaissants sont encrés dans ...

à écrit le 11/05/2016 à 15:19
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Concernant notre "société malade "Je pense au contraires que la place des femmes est tres tres récente au vue de l'évolution humaine . Depuis combien de temps avons nous le droit de vote ??? Les comportement machistes et rabaissants sont encrés dans ...

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